Qu’il dessine un meuble exclusif pour un ami VIP de sa sour Salma ou un carnet de notes à moins d’un dollar, Sami Hayek aime créer des objets connectés à ceux qui les entourent. L’essence du luxe, à l’état pur.

Comme les films que dirige sa s£ur Salma, les meubles de Sami Hayek racontent des histoires. Celle de la table Amerigo – un hommage au navigateur italien Amerigo Vespucci (1454 – 1512) -, créée pour Poltrona Frau, a commencé à s’écrire lors d’un voyage dans l’Etat de Veracruz, au Mexique.  » Je faisais du rafting, avec des amis, entre deux très hautes falaises, sur un tronçon de rivière très étroit, rappelle Sami Hayek. Nous étions comme coincés entre deux murs immenses. Au loin, on pouvait entendre le grondement sourd d’une chute d’eau. On ne la voyait pas, mais on savait qu’elle était là. Tout à coup, elle s’est offerte à nous au détour d’un méandre de la rivière. C’était magique. Si vous prenez la peine de faire attention, vous découvrirez que l’on vit entouré de beauté cachée. Souvent, ce qui ne se voit pas du premier coup est encore plus précieux.  » La table tout en longueur, creuse en son centre, rappelle la ligne des falaises. Les tiroirs cachés, la douceur du daim qui surprend au toucher là où on ne l’attend pas, donnent envie d’explorer l’objet dans ses moindres recoins.

L’élégante table basse, présentée au Salon de Milan, en avril dernier, scellait la première collaboration de Sami Hayek avec un éditeur de meubles.  » Jusqu’ici, je faisais plutôt du sur-mesure « , reconnaît le jeune designer mexicain qui compte, entre autres, Brad Pitt parmi ses clients VIP. Depuis lors, Target, le géant américain de la distribution, réputé pour ses collaborations avec de jeunes créateurs – l’an dernier la collection capsule du duo de mode Proenza Schouler s’était même vendue à Paris, chez Colette – lui a commandé une ligne de 50 accessoires particulièrement destinés aux étudiants. Un bureau, une chaise, une bibliothèque, mais aussi des lampes, des cadres, même une petite tirelire en forme de cochon et… un carnet de notes à moins d’un dollar.  » Assurément l’objet le moins cher que j’ai eu à créer de toute ma carrière, sourit Sami Hayek. Dans cette gamme, rien ne dépasse 159 dollars (environ 112 euros). C’était un vrai challenge, car les meubles que j’autoédite pour mes clients coûtent entre 3 000 et 40 000 dollars (soit environ 2 110 et 28 140 euros).  » De l’ultraexclusif auquel ce talent de 35 ans ne compte pas se limiter.  » J’aime multiplier les expériences, pas seulement en design, d’ailleurs, insiste-t-il. Les compétences que vous activez lorsque vous travaillez sur un projet à budget serré sont tout à fait différentes que celles que vous développez lorsque vous n’avez quasi pas de limite financière. Mais ensuite lorsque vous croisez ces expériences, vous avez une meilleure chance d’arriver à quelque chose d’unique. « 

De quoi séduire les membres de la  » A list  » hollywoodienne que côtoie régulièrement Sami dans l’entourage de sa s£ur, l’actrice et réalisatrice Salma Hayek.  » C’est vrai que grâce à sa célébrité, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance de gens intéressants professionnellement, reconnaît le designer. Mais le fait que je sois son frère ne suffit pas pour qu’ils décident ou non de me confier de grosses sommes au risque de « planter » leur maison ! En réalité, ma proximité avec Salma fait monter la pression : car si je rate un projet pour un ami de ma s£ur, je risque de mettre cette relation d’amitié en péril. On a trop tendance à croire que les meilleurs clients sont ceux qui ont un haut profil : c’est loin d’être toujours le cas. La qualité d’un projet est à l’image de la relation de confiance que vous établissez avec celui ou celle qui vous passe commande. « 

Le jeune homme qui se dit fasciné par le Mexique, son pays d’origine –  » là bas, les gens manquent de tout, ils sont débrouillards et créatifs, par nécessité « , s’enthousiasme-t-il – refuse de croire que le luxe, le vrai, ne se mesure qu’au prix et à la valeur des objets qui nous entourent. C’est pour cette raison qu’il a participé à la construction, à Tijuana (Etat mexicain de Basse-Californie), d’un lotissement d’habitations pour des familles à revenus modérés. Au total, 84 maisons et 34 appartements fonctionnels et résolument design, aux antipodes des  » barres d’immeubles  » que l’on a plutôt l’habitude de voir dans les banlieues défavorisées.  » Je n’ai qu’un regret : la construction n’est pas aussi durable que je l’espérais au départ, précise Sami Hayek. Mais pour tenir les budgets alloués, nous avons dû faire des choix. Comme parfois acheminer des recouvrements de sol depuis la Russie plutôt que de travailler avec des pierres locales. Le but ici, c’était avant tout d’améliorer la qualité de vie de ces familles. Qu’elles soient fières de montrer leur intérieur.  » Car pour Sami Hayek, une maison plus belle, mieux finie, cela vous bouscule la vie. Dans le bon sens du terme.  » Et pour cela, pas besoin de meubles chers, conclut-il. Ce qui compte, c’est qu’ils soient connectés à ceux qui les entourent.  » Qu’il s’en dégage une âme. Ce luxe qui n’a pas de prix.

Isabelle Willot

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