Attirés par le cachet intemporel des icônes du design mais refroidis par les montants élevés à débourser, un nombre croissant de consommateurs se tournent vers la contrefaçon. Une bien mauvaise idée… d’autant qu’il existe des alternatives.

Quand il s’agit de parler de luxe et de haut de gamme, rares sont ceux à qui il viendrait à l’idée de parader avec un faux sac Vuitton, une paire de Prada achetée dans un souk ou une Rolex de pacotille au poignet ; surtout en se félicitant ouvertement de l’économie réalisée par l’achat d’une vulgaire copie. Curieusement, le monde du design échappe souvent à cette règle, et nombreux sont ceux qui considèrent l’option contrefaite comme un choix raisonnable. Pourquoi ? Parce que le design demeure un domaine méconnu du grand public, qui estimera parfois qu’un ersatz fait illusion et procure le même standing qu’un original. Il suffira même de déclarer que le modèle est reproduit d’après Le Corbusier pour faire figure d’esthète. En vérité, un drôle d’esthète, sans grande considération pour le produit ou son créateur.

GOD FAKE THE QUEEN

A qui la faute ? Le regard se tourne naturellement vers les sites de ventes en ligne qui tirent parti de l’absurde hétérogénéité des législations européennes. Alors que dans la plupart des pays de l’Union, les droits d’auteur sont assurés jusqu’à septante ans après la mort du créateur, outre-Manche, cette prescription ne s’étend qu’à vingt-cinq ans après la mise en vente initiale du produit. Une différence colossale qui fait de la Grande-Bretagne, le cheval de Troie du design contrefait en Europe. Si le gouvernement de Westminster a annoncé que le très attendu Enterprise and Regulatory Reform Act 2013 allait bientôt mettre le Royaume-Uni sur le même pied que ses voisins, une récente volte-face, retardant l’échéance à l’horizon 2018, a poussé des marques comme Vitra, Thonet, Fritz Hansen ou Cassina – particulièrement active dans la lutte contre la contrefaçon, notamment via la destruction massive de copies (photos ci-contre) – à organiser une riposte énergique. En attendant, le marché reste inondé de produits bancals, peut-être fabriqués dans des conditions révoltantes avec des matériaux toxiques, sacrifiant les questions d’éthique ou de sécurité au nom des deniers économisés.

L’HYDRE INFURN

La star des sites de contrefaçons, c’est sans conteste Infurn et ses clones : des prix imbattables appliqués sur des dizaines d’articles de facture presque valable pour un oeil non averti. Trop beau pour être vrai ? Evidemment, car sans même évoquer la déception liée à la qualité des objets, les clients s’exposent à une impressionnante série de désillusions : livraisons hasardeuses, systématiquement en retard (parfois jusqu’à un an), modèles ou couleurs non conformes à la commande, et ce sans réelle possibilité de recours, à cause de conditions générales et de statuts particulièrement opaques. Taper  » Infurn  » dans Google est d’ailleurs éloquent, les clients floués se comptent par dizaines de milliers. Et quand la justice se décide à trancher l’une des têtes de cette hydre infernale, une autre repousse, sous un nom à peine différent. Le quotidien britannique The Guardian a récemment relaté cet épisode mélodramatique qui eut lieu à Londres en mai dernier. Des dizaines de clients floués ont fait le siège des bureaux d’Infurn – déclaré en cessation de paiement -, certains en larmes, d’autres armés de battes de base-ball, pour récupérer les milliers de pounds dépensés. En vain, car d’après le cerbère qui gardait les lieux, les locaux étaient vides depuis belle lurette, tout ça alors que le site enregistrait encore des réservations, boostées par une promo générale de -30 %.

SAUVER LES MEUBLES

Entre ces reproductions aussi frauduleuses que médiocres et les icônes souvent hors de portée de la bourse moyenne, existe-t-il un juste milieu ? Si l’objectif est d’acquérir un grand classique estampillé pour une bouchée de pain, la réponse est non. Soyons de bons comptes, malgré la chimère entretenue par les faussaires – et indirectement par certaines enseignes proposant du mobilier à prix cassé – la top qualité se paie. Un tel achat représente bien plus qu’une pièce de mobilier ; une griffe, une histoire et un savoir-faire, matérialisé dans un véritable investissement, qu’on ne prend pas à la légère. Mais heureusement pour les plus fauchés, il existe tout de même quelques pistes à explorer pour tenter de dénicher du design authentique mais pas (trop) cher.

*3 CONSEILS D’EXPERT

Difficile de pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie quand on n’a que peu d’expertise et aucun moyen de comparer les objets. Dieter Van Den Storme (photo), expert en design actif auprès d’institutions telles que la Biennale Interieur, Bozar ou Vitra, nous suggère quelques réflexes à adopter.

 » Premièrement, il faut toujours essayer de se documenter au sujet du produit, sur Internet ou en point de vente. Ça permet de mieux connaître les matériaux utilisés et le lieu de fabrication, de se familiariser avec ce qu’on projette d’acheter. De plus, ça aide à comprendre la genèse de la création, la démarche du designer, tout l’historique de la marque. Ensuite, quand on se retrouve face à la pièce en question, il faut accorder beaucoup d’attention à la manière dont elle a été réalisée. Cela demande un peu de temps et d’expérience, mais n’importe qui peut tout de même observer à la fois l’apparence générale et le soin apporté aux détails et à la finition. Puis chercher la trace d’un sceau, d’un numéro de série ou d’une signature. Et finalement, ce qui importe, c’est surtout de se sentir à l’aise. Une chaise n’est pas l’autre et nous avons tous des morphologies différentes. Le critère principal d’un meuble reste tout de même son confort et son ergonomie, quand on achète un siège, c’est pour être bien assis.  »

*1 REPORTAGE

En avril dernier, la chaîne publique flamande Een a diffusé un intéressant reportage de Voor hetzelfde geld, une émission de consommation censée comparer des divers produits et mesurer le bien-fondé des différences de prix. Dans la séquence intitulée  » designstoelen « , l’équipe de la VRT confronte la chaise DSR des Eames (Vitra, 255 euros) (photos), à ses copies bon marché, achetée pour moins de 100 euros sur Internet. Résultat sans appel : sur dix personnes chargées d’apprécier les qualités d’une chaise de marque et celles d’une copie, neuf plébisciteront la véritable Eames. Une démonstration rondement exécutée par le sympathique Jan Van Looveren, qui s’adresse ensuite à Kristof Vaes, maître de conférences de l’université d’Anvers, pour décortiquer les performances techniques de l’objet. La vidéo est encore disponible sur www.een.be, dans les archives des programmes, et pas d’inquiétude pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Vondel, les images parlent d’elles-mêmes.

*4 BONS PLANS EN MAGASIN

Elémentaire : traquer les bonnes affaires dans les boutiques de son quartier et d’ailleurs. De Sit on Design (Liège) à Scoonwoon (Anvers) en passant par Dominique Rigo (Bruxelles), notre pays n’est pas si grand et compte nombre de commerces de confiance, dont certains sont réputés pour leurs conditions particulièrement intéressantes durant les soldes ou les liquidations de modèles d’exposition. Et ne pas oublier les pros de la fin de série, spécialisées dans la déco (comme White Design à Bruxelles) ou pas. On a aperçu des chaises Babel, de Marcel Wanders pour xO, aujourd’hui introuvables ou presque, pour quelques dizaines d’euros dans la section Maison du comptoir privé Cameleon à Woluwe-Saint-Lambert.

Incontournables : les ventes de stock. Souvent sur le principe du cash and carry, de grandes marques bradent leurs marchandises une fois par an et inutile de dire que les amateurs se lèvent aux aurores pour avoir la chance de bénéficier de remises excédant parfois 50 % ! Parmi les enseignes pratiquant ces providentielles ristournes, on retrouve des Belges, comme Extremis ou Quinze & Milan, mais aussi des poids lourds comme Vitra (dont la vente du 13 décembre prochain à Vilvoorde est déjà notée en rouge dans de nombreux agendas) (photos). A pointer également, les ventes de certains distributeurs comme Tradix à Bruxelles, où les amateurs peuvent bénéficier de remises exceptionnelles sur des produits Kartell, Moroso ou encore Casamilano (les infos exactes seront bientôt communiquées sur www.tradix.be).

Collections-capsules : Des chaînes comme Ikea ou Habitat, voire des catalogues tels que La Redoute, mettent en place des partenariats avec des designers. Un moyen prisé et relativement économique de faire entrer des créations de grands noms dans son intérieur.

Surprenant : il faut également tenir compte de certains partenariats plus improbables, à l’instar de l’action Kartell chez Carrefour qui s’est achevée récemment : un bon vieux carnet de timbres d’épargne donnait accès à une dizaine d’articles du célèbre géant plastique pour à peine la moitié de leur prix. Et pas n’importe lesquels : des best-sellers tels que l’emblématique bloc de rangement Componibili d’Anna Castelli Ferrieri ou l’une des chaises en polycarbonate de Philippe Starck, La Marie.

*1 UN MOYEN SÛR

Dans un autre ordre d’idées, il existe un moyen simple d’obtenir un objet de designer renommé sans nécessairement casser sa tirelire : la Designer Box. Le principe est déjà connu, notamment dans le monde de la beauté, et consiste à se faire envoyer un colis dont on ne connaît pas encore le contenu. La promesse de Designer Box est de livrer un collector signé par un grand designer et imaginé exclusivement pour l’occasion, à l’unité ou selon trois formules à partir de 29 euros par mois. Bien sûr, on ne parle pas de mobilier à ce prix-là, mais plutôt de plus modestes pièces de déco, horloge ou vase, bougeoir ou miroir, qui se présentent dans une boîte en bois numérotée munie d’un certificat d’authenticité. Du côté du casting, c’est du solide : on retrouve des créateurs d’envergure internationale tels qu’Arik Levy, Aldo Bakker ou Piero Lissoni (en photo, à gauche), et un appréciable contingent français, notamment représenté par Sam Baron, Noé Duchaufour-Lawrance, Pauline Deltour ou encore Matali Crasset (en photo, à droite).

www.designbox.com

*3 IDÉES EN LIGNE

Ne pas négliger les sites de référence, comme uaredesign.com ou madeindesign.com, qui écoulent tellement de marchandises qu’ils peuvent très régulièrement bénéficier de rabais. Chaque semaine, les newsletters répertorient les réductions pratiquées durant une durée limitée.

A propos de newsletters, garder également à l’oeil celles des nombreux sites de ventes privées. Certains proposent principalement des vêtements tout en offrant de temps en temps des objets de mobilier ou de décoration griffés. D’autres sont spécialisés, à l’instar de Decovry, qui envoie plusieurs fois par semaine sa sélection déco et design, où l’on retrouve des éditeurs confidentiels et réputés, dont quelques marques belges, comme Objekten ou Per/Use.

Utiliser les réseaux sociaux pour suivre ses marques préférées et se tenir au courant des promotions hors soldes, conditions anniversaires ou déstockages annoncés sur Facebook ou Twitter, par la marque comme par des membres, revendeurs professionnels ou particuliers, qui sont peut-être actifs au sein de la communauté.

PAR MATHIEU NGUYEN

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