à l’heure où le royaume de la frite est à la ramasse, ce sacré dikkenek dit son amour du Plat pays via une collection de fringues sportswear affichant les icônes d’une Belgique d’épinal. BShirt, ça s’appelle. Lol.

C’était le 26 mai dernier, jour de drache crapuleuse, les fils de novembre au rendez-vous. On est à l’heure, à la Van Rompuy, très serpillière mouillée. On l’appelle, il sera en retard,  » embouteillage monstre  » quelque part dans Bruxelles. Elle est pas belle la Belgique ? Nicolas Borenstein, fin de trentaine costaude, barbe d’une semaine, accent du sud de l’Iris, affiche fissa son camp : sur son sweat à capuche de djeun’ Yankee eighties, il a fait coudre en grosses lettres United States of Belgium.  » Je n’aime pas la Belgique, je l’a-d-o-r-e « , confirme-t-il, une fois assis dans son bureau design, port de corps peinard, en Jean-Jacques cool détachant les syllabes comme une rédactrice mode.

Un amour de la mère patrie si intense qu’il l’a transformé en business. Le contraire est vrai aussi. L’affaire se nomme BShirt, elle a 2 ans et  » marche très très fort  » claironne son concepteur – 50 points de vente minimum prévus cette saison contre 17 en 2008. Il s’agit de tee- et sweat-shirts à l’esthétique Harvard & Co, tels qu’on en trouve dans les facs mythiques et dans tous les teenager movies. Même typo US, message légèrement différent, volontiers décalé : Brussels Rocks, God Bless Belgium. Des imprimés aussi : le Manneken-Pis arc-en-ciel, Baudouin 1er époque Indépendance Cha-Cha,  » Babola  » et ses premières pièces montées capillaires, le Vlaamse Leeuw avec Brabançonne en français dans le texte, le coq wallon avec la même rengaine en Vondel – le chef de sixaine Rudy Demotte en possède un exemplaire, on l’a vu en cover du concurrent qui pique là où il faut.

L’idée est née vers 2 heures du matin, un verre dans le nez mais encore assez de flair pour sentir le bon coup. C’est l’acteur-ami Charlie Dupont qui a mis la petite graine. Souvenir :  » Il me dit : tous ces jeunes avec leur sweats Abercrombie tout ça, c’est pas un peu n’importe quoi ? Ce serait vachement plus drôle qu’à la place il soit écrit Steenokkerzeel, Wépion ou Enghien, non ?  » L’idée germe, évolue, éclôt peu après sous la forme décrite ci-dessus. Avec  » [ses] petits sous, sans aide aucune « , il choisit de faire dans  » la qualité exceptionnelle « , ce sera produit en Europe, prix idoine, entre 150 et 200 boules, un peu diminué cette saison vu le succès. Le sieur Borenstein sait rapidement où il va,  » Je n’ai pas peur de l’échec parce que je fais les choses à fond « , où il veut aller  » Je ne sais pas si j’ai une grande gueule, mais je n’ai peur de rien « . Parce qu’il sait d’où il vient.

Papy importait Levi’s en Europe. Papa possédait L’Entrepôt, magasin branché bruxellois des années 70  » genre stock américain « . Maman a lancé Collège et surtout Donaldson. Un ADN mêlant mode et culture Oncle Sam renforcé par une formation full anglais à l’école internationale d’abord, à la VUB en sciences-po ensuite et bifurcation à six mois du diplôme vers le graphisme. Mais pas n’importe où :  » à la School of Visual Arts, New York « . Of course. Il bosse sur le côté pour une agence de relations publiques tenue par une Belge. D’ouvertures de restos en organisations de soirées, ça dure un an. Nous sommes en 1999. De là à BShirt, il fait la fête, une fille (Lee, 5 ans, prénom tatoué sur son poignet), lance une boisson énergétique (Enorm, gros succès), une start-up (GsmZoo, proto-pourvoyeur de sonneries et logos pour portables), une boîte de graphisme, WonderLee (qu’il possède toujours de loin).

Voilà pour le pedigree. Mais revenons à l’objet de son désir : qu’est-ce qui lui plaît tant dans cette terre en instance de divorce indéterminée ? Il esquive le débat par un confortable  » BShirt est apolitique « . Bizarre vu les messages on ne peut plus unitaristes de ses fringues. On insiste. à vrai dire, les tensions communautaires et tout ça, il  » n’en a rien à foutre « ,  » n’y comprend rien, vous y comprenez quelque chose vous ? « . Par contre, il revendique sa  » coolitude  » d’être belge,  » comme Arno, Jacques Brel, Ghinzu, les créateurs de mode anversois « . Regrette qu’on soit trop modeste, même s’il  » aimerait l’être un peu  » et voudrait que ses tee-shirts soient les porte-drapeaux de notre fierté, parce que  » on n’a rien à envier à personne, qu’on est plutôt détendu du goujon, qu’on fait chier personne, qu’on ne se la pète pas et qu’on est superbrillant « . Puis, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est notre  » qualité de vie exceptionnelle, notre côté chaleureux « . Il est gentil Nicolas Borenstein.

Baudouin Galler

Je n’y comprends rien, vous bien ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content