On pourrait presque parler de revanche du tube digestif. Il ne s’agit pas ici de celle, sournoise, que nous impose l’organe mal aimé en se rappelant inopinément à nous. C’est plutôt d’une réhabilitation au grand jour qu’il est question puisque ce parent pauvre de notre santé fait désormais l’objet de toutes les attentions. Depuis le succès inattendu du Charme discret de l’intestin de Giulia Enders, doctorante allemande en gastro-entérologie dont l’ouvrage est aujourd’hui traduit en dix-huit langues, on a enfin assimilé ce que la sagesse populaire nous rabâche depuis toujours : si on peut avoir l’estomac noué, la peur au ventre ou se faire de la bile, c’est que notre cerveau n’est pas le seul à gouverner nos émotions. Quant aux mythologies chinoise et indienne, elles voyaient déjà dans le ventre le siège de l’âme. Mais si les scientifiques occidentaux clament depuis une vingtaine d’années que la sérotonine, cette fameuse hormone du bonheur, est produite à 90 % dans nos entrailles, il a fallu un petit bouquin vulgarisant le propos et surtout supprimant par l’humour la honte liée à cette partie de notre anatomie pour qu’on commence à s’y intéresser de plus près… quitte à céder un peu trop facilement à l’engouement. On a en effet vu des intolérants au gluten, notamment, surgir de partout, alors que les études indiquent qu’en réalité seul 1 % de la population souffre réellement de ces pathologies.

On peut faire un parallèle entre ce soudain enthousiasme collectif et la vague vegan qui prend nos assiettes d’assaut. Si l’on additionne les ovo/lacto/pesco-végétariens, les végétaliens et les flexitariens, ces omnivores qui restreignent au maximum leur consommation de viande, on risque un jour de ne plus être autorisés à s’asseoir tous à la même table, ou en tout cas de ne plus pouvoir y partager un plat unique. Il n’empêche que la tendance monte en puissance et que, plus qu’une politique alimentaire – d’ailleurs pas sans lien avec l’envie de manger sain et de respecter son corps -, elle traduit bien souvent une réelle philosophie de vie. Petit à petit, face à l’augmentation de la demande, le luxe se met à son tour à refuser la cruauté envers les animaux. Après Hugo Boss, Tommy Hilfiger, Calvin Klein et la pionnière Stella McCartney, c’est Giorgio Armani qui annonçait fin mars dernier que les marques de son groupe renonçaient à la fourrure au profit  » d’alternatives valides qui rendent inutile le recours à ces pratiques cruelles « . Cet effet de mode-là, personne ne s’en plaindra.

RÉDACTRICE EN CHEF

Vous aviez apprécié le bon goût de ses chroniques culinaires rehaussées d’un zeste d’humour ? Juliette Nothomb revient dans Le Vif Weekend et vous fait partager tous les quinze jours son appétit pour la littérature !

DELPHINE KINDERMANS

SI ON PEUT AVOIR LA PEUR AU VENTRE, C’EST QUE NOTRE CERVEAU N’EST PAS LE SEUL À GOUVERNER NOS ÉMOTIONS.

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