L’hiver, il y a la terre, le soleil, la mer. Le végétal, lui, est rare dans la minéralité de cette ville. La neige peut être au rendez-vous, mais on trouve de toute façon la chaleur dans les auberges et la beauté au travers des ruelles, dans les églises et les musées.

Au détour d’une écharpe de brume, la ville apparaît à gauche de l’avion ; toits couleur corail sur bleu strident. Aéroport, route en corniche, on descend vers l’hôtel Excelsior construit à flanc de rocher. Un imbroglio de niveaux, d’étages et de terrasses, entre parties anciennes et modernes et un ascenseur qui nous amène directement à la mer. Un air de Riviera dans cette petite rue escarpée plantée de palmiers qui domine le grand bleu d’une Adriatique transparente parsemée d’un chapelet d’îles dont la légende veut qu’elles soient une poignée de cailloux jetés dans la mer par une main divine après la création du monde… Chambre avec vue, plein cadre sur la ville, citadelle portuaire nimbée de tons lilas et dont l’architecture, ornée de néons, dessine une imagerie enluminée. A 500 mètres, par la porte de la forteresse de Revelin, nous traversons des douves plantées de citronniers. Porte du rempart, on déambule dans le Stradum dont les pavés lissés par les ans luisent de lumière. Intra-muros, la vieille ville de Dubrovnik est piétonne. Cette cité, née Raguse sous les Romains, est devenue un comptoir prospère. Elle tombe sous la coupe de Venise au xiiie siècle, arrive à se libérer de son joug et, proclamée république indépendante en 1358, construit palais et églises pendant son âge d’or – xve et xvie siècles. Mais la ville est anéantie en 1667 par un tremblement de terre. Elle sera reconstruite en style baroque sans regagner sa splendeur passée. Napoléon annexe la Dalmatie, puis l’empire austro-hongrois exerce sa domination jusqu’en 1918. Dubrovnik, petite ville endormie, devra sa renaissance au tourisme en 1950. Après les années Tito puis la proclamation de l’indépendance de la Croatie, de nouveaux avatars vont s’abattre sur la ville. Assiégée par l’armée yougoslave pendant plus de six mois, d’octobre 1991 à juillet 1992, la ville sera bombardée depuis les crêtes voisines. Une centaine de civils seront tués et tous les toits détruits. Mais patrimoine de l’humanité depuis 1979, ce bijou sera reconstruit avec tant d’énergie qu’il ne reste aujourd’hui pratiquement plus de traces visibles de la guerre. Dans le Stradum, ancien bras de mer comblé par les ans, cafés et boutiques fleurissent au carrefour d’étroites ruelles qui montent vers les fortifications. Restaurants et petits artisans égayent de leurs enseignes les venelles sombres et fraîches. Promenade circulaire sur les remparts vertigineux balayés par le bura, vent du nord glacé. Dans le cri des mouettes, on éprouve un sentiment planant de liberté à vingt-cinq mètres au-dessus de la mer. D’un côté l’Adriatique à perte de vue, de l’autre des jardinets en terrasse du mont Srd. Un terrain de foot improvisé, regards indiscrets à l’intérieur des maisons, du linge séchant sur une corde tendue entre des figuiers. Face à Bodrum, un petit café, le Buza, tables nichées dans le roc et promesses de soleil couchant en Technicolor, béni par un saint Blaise niché en surplomb. L’animation du Stradum nous recueille, ivres d’air pur et de lumière.

Texte et reportage: Jacques Denarnaud

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