Sensations et émotions orientales
Le Maroc. Ses couleurs chatoyantes, la volupté de ses odeurs et la richesse de ses parures inspirent le savoir-faire des artisans belges. Pour preuve : l’exposition » Demoiselles de l’AtLAs « , organisée avec le soutien de Weekend Le Vif/L’Express qui affiche en photos son regard sur un orientalisme teinté de modernité.
L’ idée de l’exposition » Demoiselles de l’Atlas » revient à Laurent Uyttersprot et Pascal Di Pietro Martinelli, animateurs de Mademoiselle Lucien, boutique-salon de couture, située au centre de Bruxelles. Les deux complices, formés en histoire de l’art, ne se contentent pas, toutefois, d’habiller sur mesure les élégantes et d’imaginer des tenues allurées et originales, taillées, notamment, dans des étoffes précieuses, issues de l’ameublement. La curiosité de Laurent et de Pascal, leur goût des autres et leur générosité, les poussent sans cesse vers l’innovation, à la recherche de projets originaux. En 2002, ils ont créé l’ASBL » Demoiselles de mode. » Au centre des activités de l’association, Barbie, la star des poupées, est constamment relookée et parée par les soins de Laurent et Pascal. Tous les bénéfices des ventes sont dédiés au profit des enfants hospitalisés. » Petit à petit, nous avons voulu élargir et diversifier les activités de l’ASBL, explique Pascal Di Pietro Martinelli. Ce projet de développement a coïncidé avec nos voyages au Maroc. Le coup de foudre pour ce pays fut immédiat. Nous avons été fascinés et séduits par les rencontres, dans des villages secrets, avec des femmes qui réalisent à la main les parures berbères, brodent les babouches, les châles ou les vêtements traditionnels. Ces rencontres ont donné l’impulsion à un nouveau projet. Nous avons souhaité mettre en lumière ces femmes qui travaillent dans l’ombre et rendre hommage à leur extraordinaire savoir-faire. »
Au fil du temps et des réflexions, le projet s’est précisé et affiné. Il a pris également de l’extension et a donné naissance à une vaste exposition. Le thème central de » Demoiselles de l’Atlas » est donc un hommage à la femme, à son art de se vêtir, de se parer et de sublimer sa beauté. C’est aussi la mise en évidence d’un dialogue permanent entre l’Orient et l’Occident, le mariage réussi et l’interpénétration harmonieuse de coutumes et de traditions ou, plus simplement, de sensations et d’émotions. Concrètement, la richesse de l’artisanat marocain côtoie admirablement le savoir-faire des artisans belges et l’esprit du salon-couture Mademoiselle Lucien. Laurent et Pascal ont invité quelques artistes et artisans belges, animés par la même fascination pour les couleurs et les senteurs du Maroc, guidés par les mêmes valeurs professionnelles de l' » ouvrage bien faite ». Isabelle de Borchgrave, artiste peintre et créatrice de superbes robes en papier, est amoureuse depuis longtemps du Maroc, ce pays » terriblement pictural « . C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme qu’elle s’est associée au projet, en prêtant un châle de papier peint de motifs marocains, ainsi que deux tableaux orientalistes.
Le lieu de l’exposition s’est imposé d’emblée. A Saint-Gilles, dans ce quartier bruxellois vivant, cosmopolite, la Maison Pelgrims, construite en 1905, est un témoignage privilégié d’un vaste brassage culturel, très typique de ce quartier. Dans l’architecture, dans l’aménagement intérieur, ainsi que dans la décoration de cette belle demeure, des éléments Art nouveau, des références mauresques et des influences de la Renaissance italienne cohabitent, se côtoient et s’entremêlent, pour créer, finalement, une harmonie insolite mais pleine de charme, très flatteuse pour le regard. C’est dans cet écrin métissé que l’exposition » Demoiselles de l’Atlas » nous promènera à travers toutes les facettes de la séduction féminine et son dialogue permanent entre l’Orient et l’Occident.
La beauté pleine de sens
Rituels millénaires du hammam, richesse des huiles parfumées et symbolique des tatouages… La beauté au Maroc est vécue sur un rythme simple et naturel, sensuel et chaleureux. Raffinées, astucieuses et parfois insolites, les recettes de beauté ne cessent de nous charmer. Comme le henné, par exemple, destiné à dessiner de séduisants motifs sur les mains ou les pieds. Posé en haut des pommettes, il réchauffe la carnation sans opacité. Le khôl ourle les paupières, en donnant au regard de la profondeur et du mystère. Il l’intensifie, aussi, sans le durcir. L’aker est ce fard rouge inséré dans le fond d’une petite coupelle de terre cuite. Fait de poudre de cochenille, il éclaire le sourire d’un rouge lumineux. Et puis, il y a les parfums… La rose, la fleur d’oranger et des épices les plus voluptueuses qui laissent flotter leurs sillages extrêmement envoûtants. Les outils de séduction, les gestes de beauté et les arômes capiteux plaisent beaucoup en Occident. En guest star, la maison Guerlain présentera ses plus belles compositions olfactives orientales et, surtout, sa célèbre poudre Terracotta. Née il y a exactement vingt ans, elle n’a pas pris la moindre ride et caracole toujours au top du hit-parade des produits » bonne mine « . Compacte et impalpable, chaudement colorée, elle rehausse instantanément le teint d’une lumière ensoleillée. Pour son 20e anniversaire, la maison Guerlain lui a taillé un habit de fête : un ravissant écrin, inspiré du plat à tajine marocain.
L’allure métissée
Damas marocains, soies lyonnaises, lins et cotons d’une finesse extrême… Les plus belles étoffes ont été sélectionnées par Laurent et Pascal pour réaliser une trentaine de silhouettes qui rythment les différents espaces de l’exposition. Une série de tissus sont des créations originales, imprimées à la main, de Sophie Callemien. Bruxelloise d’origine portugaise, la jeune femme navigue constamment entre les Açores, berceau de sa mère, et la Belgique, se nourrissant ainsi des deux cultures et puisant leurs richesses respectives. La sérigraphie ? C’est un rêve de petite fille, enfin réalisé. Les arabesques végétales, riches, ondoyantes et sensuelles ont toujours eu sa prédilection. L’esthétique orientale n’a aucun mystère pour Sophie. Dans les faïences et dans les céramiques portugaises, qu’elle connaît si bien, on retrouve, en effet, de nombreuses évocations marocaines. Pour l’exposition » Demoiselles de l’Atlas « , Sophie a créé plusieurs motifs originaux, inspirés des tissus » bizarres « . Célèbres au xviiie siècle, ils mélangeaient harmonieusement des éléments d’architecture aux volutes végétales. Les dessins de Sophie Callemien sont très sensuels. Des gravures délicates et des détails raffinés renvoient à l’opulence de l’Orient. Les couleurs, des ocres et des rouges profonds, rappellent les magnifiques paysages et les terres brûlées des environs de Marrakech.
Les accessoires essentiels
Audrey Hilbert a imaginé une série de sacs dont l’allure marie harmonieusement l’esprit occidental et oriental. Après la formation en stylisme et modélisme à l’école Bischoffsheim, la jeune femme a bifurqué rapidement vers l’accessoire, dont elle a appris tous les secrets chez Delvaux. Connaissant bien le Maroc et familiarisée avec son artisanat, Audrey a conçu des bourses souples en peau, inspirées des besaces berbères ainsi que des modèles plus européens, réalisés en denim, en damas de soie ou en lin. Leur exécution a été confiée à la maison bruxelloise Dequanter, parurier-maroquinier créé il y a septante ans. La maison vient d’être reprise par Geraldine Raulier et Emmanuelle Adam, deux jeunes femmes enthousiastes et dynamiques, bien décidées à lui redonner un souffle nouveau, tout en poursuivant la création et la fabrication de parures haute couture, de boutons-bijoux et de sacs sur mesure, en tissu ou dans différents types de cuir. Certains modèles de l’exposition sont agrémentés de bijoux berbères, d’autres s’enrichissent de broderies sophistiquées. Michel Buchman, maître-brodeur bruxellois, a imaginé une belle palette de motifs, tantôt marocains, tantôt européens. Les coloris sont vifs, vibrants et puissants, comme là-bas. On a aussi l’occasion d’admirer la broderie traditionnelle berbère, réalisée par des femmes de l’Atlas. Elles s’épanouissent sur des… jeans. Un clin d’£il sympathique pour mettre en évidence le métissage vestimentaire contemporain.
Barbie en vedette
La célèbre poupée ne manquera pas de nous étonner et de nous séduire par son look adapté à la circonstance. Elle est vêtue d’un habit typique des femmes berbères. Son visage est mis en beauté avec du khôl et de l’aker. Un collier serti de diamants de couleurs et de pierres semi-précieuses rehausse sa tenue. La parure est le fruit d’une collaboration entre Rex Mining, société de diamantaires anversoise et la créatrice de bijoux Marie-Astrid Holemans. Passionnée par les bijoux berbères, elle en a imaginé une interprétation contemporaine et épurée, réunissant plusieurs spirales en argent, ponctuées par l’éclat des pierres. Barbie prendra la pose sur une dormeuse en acier, conçue et réalisée par Frédéric Callebaut, un » amoureux » d’objets en métal, façonnés à la main avec un minimum d’outillages. Le design minimaliste et géométrique de la dormeuse s’anime, ici et là, de délicates volutes d’inspiration marocaine.
Weekend s’expose
L’exposition » Demoiselles de l’Atlas » présente également des photos de mode tout spécialement réalisées pour l’occasion par Bertrand Sottiaux et l’équipe » stylisme » de notre magazine. Ayant pour décor la Maison Pelgrims, conçues comme autant de tableaux raffinés, elles s’affichent comme le regard de Weekend Le Vif/L’Express sur un orientalisme teinté de modernité. Vous les découvrirez, en pages 82 à 93, réunies dans une superbe série qui prouve, elle aussi, que l’esprit orientaliste peut s’épanouir avec bonheur au c£ur des créations occidentales.
Barbara Witkowska
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