Le sujet est épineux et intrigue les enfants. Mais face à leurs interrogations, les mots ne nous viennent pas toujours. Nos experts décryptent quelques cas de figure pour nous aider à délivrer un message clair… et dédramatiser !

SACHA, 3 ANS, S’ÉTONNE DE VOIR PARFOIS SON ZIZI DURCIR

La sexualité est toujours liée aux valeurs éducatives et éventuellement religieuses. Selon Stéphane Hérion, sexologue, thérapeute et animateur dans les écoles, il est donc crucial de cerner dès le départ ce que l’on a réellement envie de dire.  » Si vous êtes à l’aise, vous répondrez peut-être : « Parce que quand tu seras un homme, c’est grâce au fait que ton zizi devienne dur que tu pourras faire un bébé. » Impossible d’affirmer qu’il s’agit-là d’une réponse parfaite. Elle dépend de vous, de vos valeurs, de votre facilité à dialoguer « , insiste le spécialiste. Car sur ce terrain, chacun fait comme il peut, en respectant l’âge et en fonction du problème soulevé. Un gosse qui demande  » Comment on fait les bébés ?  » ne désire pas forcément tout savoir sur les rapports sexuels… Parfois un simple  » En faisant l’amour  » lui suffira amplement sur le moment. Cela laissera le temps de se préparer à la prochaine salve…

SARAH, 4 ANS, MET SOUVENT SA MAIN DANS SA CULOTTE

A la naissance, le nourrisson ignore s’il est un garçon ou une fille ; c’est la vie qui le lui apprendra. Vers l’âge de 2 ans et demi, il sait, même s’il ne comprend pas encore les différences entre ces deux genres. Les six premières années de sa vie, il passe par des transformations physiques impressionnantes, et ces changements ont des incidences neurologiques, hormonales, physiologiques mais aussi psychologiques. C’est une période de découverte de soi pendant laquelle arrive un tas d’interrogations ( » Pourquoi je n’ai pas de zizi ? « ,  » Le trou des filles, il est grand comment ? « …) Stéphane Hérion explique :  » Comme ces questions ne sont pas faciles à verbaliser à son âge, le petit va aller chercher l’information par l’observation et la manipulation. C’est donc une phase d’exploration naturelle qu’il ne faut pas interdire. Juste lui signaler que ce genre de geste peut mettre les autres mal à l’aise et qu’il vaut mieux qu’il fasse cela quand il est tout seul.  »

LOUISE, 6 ANS, VEUT SAVOIR COMMENT ON FAIT L’AMOUR

Au moment où l’on s’y attend le moins, la phrase-qui-tue fuse :  » C’est quoi faire l’amour ?  » La bonne astuce est souvent de répliquer :  » Et toi ? Qu’est-ce que tu connais déjà à tout ça ?  » En partant de ce qu’il sait – qu’il faut un papa, une maman, un zizi, une zézette… -, on adapte alors son discours et son vocabulaire, tout en rectifiant certaines idées fausses qu’il pourrait avoir sur la reproduction. Dans la même logique, pour Stéphane Hérion,  » le choix des mots utilisés est important, car ceux-ci trahissent les valeurs que vous liez à la sexualité. Si vous dites  » C’est entre deux personnes « , sans parler d’homosexualité, vous ouvrez implicitement ce champ de possibilités. Si vous dites :  » C’est entre un mari et une femme « , sans vous en rendre compte, vous êtes en train de lui dire qu’il faut être marié pour faire l’amour « . A nouveau, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise attitude, tant qu’on se respecte soi-même et qu’on n’invente pas n’importe quoi.

GILLIANE, 9 ANS, DÉSIRE S’HABILLER COMME UNE FEMME

Selon Diane Drory, psychologue et psychiatre spécialiste de la petite enfance, l’hypersexualisation actuelle de la société rend les jeunes beaucoup plus au fait du mécanisme de reproduction. A la télé, sur les publicités en rue, dans les clips, la femme est affichée comme un objet sexuel, à moitié dénudé, aguicheur. Beaucoup de gamines se projettent dans ces images, se demandent si elles plaisent aux autres et cherchent à ressembler à des mini-madames. Selon la psychiatre,  » malheureusement, les parents manquent souvent de bon sens en entrant dans leur jeu, en les autorisant à être coquettes et maquillées en public, en leur achetant des strings… Non ! C’est à nous, adultes, de veiller à ne pas tomber dans le panneau, de faire clairement la différence entre le jeu de rôle de la fillette qui s’amuse à se maquiller ou mettre du vernis dans sa chambre, à la maison, et celle qui désire aller à l’école avec tout son attirail. C’est un jeu, important dans leur développement, tout comme se déguiser en princesse par exemple, mais qui doit rester dans la sphère privée, pas en société « .

RACHEL, 11 ANS, RÊVE D’UN AMOUREUX

De 7 à 11-12 ans, les enfants traversent ce qu’on appelle une période de latence, pendant laquelle ils ne changent pas beaucoup physiquement. Ils vivent une étape importante, celle de l’entrée en première primaire, et les apprentissages intellectuels, ainsi que la découverte de la vie en société, prennent le dessus.  » Comment je trouve ma place dans le monde ? « ,  » Comment je suis vu ? « ,  » Comment j’entre dans un groupe ? « … Les préoccupations liées à la sexualité passent au second plan, même si elles sont toujours là.  » Dans le chef de certains parents, tout se passe comme si leur rejeton était obligé d’avoir un amoureux ou une amoureuse, déplore Diane Drory. Le discours est parfois hallucinant de bêtise, quand ils insistent pour savoir si leur fille aime un autre élève, insinuant par là que le rapport entre filles et garçons doit forcément être sexualisé. Encore une fois : non ! On a des amis et des amies, et c’est très bien comme ça. Les relations amoureuses peuvent exister à cet âge-là, mais elles ne sont pas systématiques.  » Le risque : que les kids se sentent obligés de se laisser embrasser pour faire comme tout le monde, même si cela les dégoûte profondément. Et cette expérience risquerait de déteindre sur leurs relations amoureuses, bien plus tard.

JONAS, 13 ANS, NE POSE JAMAIS DE QUESTIONS

Parler de sexualité, cela suppose parler de soi, et ce n’est pas une évidence, surtout à cet âge. Mais cela ne signifie pas pour autant que le jeune ado ne s’interroge pas ! En tant que parent, on ne peut pas faire comme s’il ne se passait rien. Profiter de l’actualité, regarder un bon film qui met en scène une histoire d’amour, parler d’une fille qui a cru qu’elle était tombée enceinte… Voilà quelques pistes pour aborder le sujet.  » Et si vous entendez au journal qu’un gosse de 13 ans, en Angleterre, est devenu papa, ne coupez pas le son !, ajoute Stéphane Hérion. C’est l’occasion rêvée de parler de la contraception, des préservatifs, et dans le détail si nécessaire parce qu’avec la prévention, on ne rigole pas.  » Il s’agit de jouer les équilibristes entre le discours intrusif à l’excès et l’accompagnement. Pour cela, observer son enfant, respecter ses valeurs et agir en en tenant compte sont les maîtres-mots. Il faut ouvrir le dialogue, mais accepter aussi que l’ado n’y entre pas. Et ce n’est pas grave, c’est son intimité sexuelle, il finira toujours par trouver les réponses souhaitées. L’important, c’est d’avoir une idée de ce qui se passe dans sa tête pour faire face en cas de besoin.

TOM, 16 ANS, REGARDE DES VIDÉOS PORNO SUR INTERNET

Qu’on le veuille ou non, tous ont accès un jour ou l’autre à la pornographie. Et plus tôt qu’on ne l’imagine. Le problème, c’est que nous, adultes, sommes hypocrites et faisons comme si de rien n’était.  » Si Tom recherche de l’info via Internet, rien de grave, affirme Stéphane Hérion. Certains films peuvent même être intéressants au niveau anatomie, il ne faut pas en avoir peur ! L’enjeu, c’est de lui permettre de décoder la masse de données, l’éveiller au fait que ce sont des acteurs, qu’une relation sexuelle ne se passe pas forcément comme ça, qu’il y a des préliminaires, de l’affection, et qu’il y a un temps pour s’apprivoiser l’un l’autre.  » Cela ne sous-entend pas de regarder un film avec lui, ni de lui faire part de toutes nos expériences… Mieux vaut préserver l’intimité de chacun. Et pas tout partager !

PAR STÉPHANIE GROSJEAN

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise attitude, tant qu’on se respecte soi-même et qu’on n’invente pas n’importe quoi.

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