La tendance qui monte en parfumerie? La démarche élitiste: senteurs délicieuses, adresses secrètes, boutiques singulières, exclusivités venues d’ailleurs…

Sève Exquise, Sous le Buis, Biche dans l’Absinthe, Nuit au Désert et Jardins Ottomans. Ce sont cinq délicieuses fragrances, signées Victoire Gobin-Daudé, une nouvelle venue dans l’univers de la parfumerie. Franco-canadienne, la jeune femme a vécu au Canada, en Suisse et au Maroc, dans le sillage d’une mère artiste et fantasque. C’est à Marrakech qu’elle découvre la magie et l’ivresse des parfums. A 20 ans, elle étudie les langues orientales et rencontre Pierre Cardin. Engagée sur-le-champ, elle s’occupera, pendant huit ans, de ses relations publiques internationales. Elle quitte ce métier « glamour » du jour au lendemain. C’est le moment de s’attaquer à d’autres projets, plus en phase avec sa personnalité, avec sa quête d’intériorité et de spiritualité. Victoire apprend le japonais, étudie la médecine tibétaine et celle des plantes, devient ceinture noire d’aïkido et pratique la danse contemporaine. « Un jour, j’ai visité l’arboretum d’Essen, en Belgique, se souvient-elle. Je crois que ce contact avec la nature puissante, sensuelle, à la limite sexuelle, m’a définitivement révélé ma vocation de parfumeur. »

Victoire retrousse ses manches, se forme au métier avec l’aide de professionnels, apprend les matières premières, se remémore les odeurs du Maroc, classe et trie ses souvenirs olfactifs et compose ses cinq première fragrances. Elle travaille toute seule, dans son grenier, comme une véritable artisane d’autrefois. Ses matières sont toutes naturelles, ses créations ne contiennent ni conservateurs ni colorants. « Tous mes parfums sont inspirés par la nature, plutôt par le végétal que par le floral. Ils ont aussi un rapport avec la peau. J’essaie en quelque sorte de jouer avec le mélodique de la peau. Mon travail s’apparente à celui du chorégraphe avec le danseur. Quand je crée un parfum, j’apprivoise l’espace. Les matières naturelles jouent entre elles en musique. Elles se rapprochent, se touchent, s’éloignent, comme les corps des danseurs et finissent par s’unir dans un harmonieux accord. »

Parler des ingrédients? A quoi bon? Chaque parfum évoque un moment de bonheur, un instant de magie, une émotion, une histoire vraie ou imaginée qui se poursuivra par celle ou celui qui le porte. Car les parfums de Victoire sont « unisexes », ils intègrent « les composantes féminines et masculines qui existent en chacun de nous. C’est sur la peau qu’ils révèlent les caractères ». Sous le Buis évoque les grandes vacances de notre enfance: sous-bois humide, petites feuilles qu’on froisse dans la main, écorce douce et râpeuse. Biche dans l’Absinthe, c’est le souvenir fugitif de cet animal gracieux filant à travers le feuillage vert de la forêt. Une élégance très sensuelle. Verte, fraîche et humide, Sève Exquise annonce toutes les odeurs enivrantes qu’on ne sent qu’au printemps. Jardins Ottomans et Nuit au Désert ont été inspirés par le Maroc. Le premier est une rêverie orientale où l’esprit s’évade parmi des odeurs douces, mielleuses ou épicés. Le second capte ce moment de douce attente, dans le désert, lorsque, après une journée immobile, on se prépare à l’allégresse du soir.

La simplicité sophistiquée

C’est en 1961, à Paris, que Desmond Knox-Leet, artiste peintre, aujourd’hui décédé, et Yves Coueslant, décorateur, créent Diptyque, un écrin pour leurs créations de tissus et de papiers peints. Un peu plus tard, ils sont rejoints par l’architecte et graphiste Christiane Gautrot. Plus qu’une boutique, Diptyque est un lieu de rencontres et une galerie d’art avec un choix d’objets rares et chers, des vases et des bijoux trouvés au hasard des voyages.

« En 1963, les trois artistes créent leur première bougie parfumée, comme une expression de certaines émotions ressenties au cours de leurs nombreux voyages », raconte Anne Trulli, directeur du développement de Diptyque. Au fil des ans, la collection s’agrandit avec des fragrances florales (gardénia, tubéreuse, iris, jasmin, etc.), boisées (opopanax, bois ciré, cèdre, santal), épicées (cannelle, safran, miel, giroflier), fruitées (coing, figuier, oranger, baies) et herbacées (basilic, lierre, mousse, foin coupé). En 1968, Diptyque compose sa première eau de toilette. Baptisée en toute simplicité L’Eau, elle interprète une recette de pot-pourri du XVI e siècle. Aujourd’hui, les eaux de toilette sont au nombre de douze. Geranium Rosa, elle, est la cinquantième bougie de la gamme.

« Chez nous, les fondateurs dirigent toujours la création et créent en fonction de leurs envies et non pas des tendances, rappelle Anne Trulli. La philosophie de la maison est de faire de la création pour la création, pas pour faire du chiffre d’affaires. Depuis le début, nous n’avons supprimé aucune odeur, même si elle n’est pas rentable et appréciée uniquement par une poignée de fidèles. » Les best-sellers? Parmi les bougies, Baies, Figuier et Tubéreuse viennent en tête. Pour Noël 2002, Figuier et Tubéreuse affichent les couleurs de fête, cassis écrasé pour la première, framboise pour la seconde. Parmi les eaux de toilette, deux fragrances se détachent très nettement. L’Ombre dans l’eau sent comme un jardin vert au bord de l’eau, tandis que Philosykos capte la chaleur d’un été grec.

Des points de vente confidentiels existent dans de nombreux pays. Mais il n’y a qu’une seule boutique et il n’y en aura pas d’autre. « La personnalité de Diptyque, c’est le lien avec l’art, conclut Anne Trulli. Nos produits sont vrais, créés avec sincérité. Notre clientèle est une clientèle de coeur, qui nous a cherchés et nous a trouvés. Ainsi, nous souhaitons rester « petits » pour préserver notre originalité, notre savoir-faire et notre rareté. C’est cela, le vrai luxe! »

L’esthétique de l’essentiel

Costume National. Sous ce nom bien français, inspiré par un catalogue d’uniformes militaires, se cache une griffe de prêt-à-porter de luxe, admirablement dirigée par Ennio Capasa. Pour cet élève des Beaux-Arts de Milan, esthète, artiste, sculpteur et architecte, la mode est forcément un art…

Ennio Capasa est l’instigateur de Scent, le premier parfum de la marque. Il synthétise, sur le plan olfactif, les goûts de l’artiste pour les choses simples, les sillages intimes, sensuels mais pas envahissants. Composé dans l’esprit d’une séduction très personnelle, il est un peu androgyne et correspond bien à la mode Costume National. La composition, conçue en osmose avec le parfumeur Laurent Bruyère, plutôt minimaliste, va à l’essentiel et ne réunit que 23 ingrédients ou plutôt thèmes olfactifs, chers à Ennio Capasa. La chaleur de l’ambre se mêle à la volupté de la fleur d’hibiscus et du thé au jasmin, dans l’intimité charnelle d’un sillage à basede patchouli, de santal et d’une résine originaire du Yémen proche de l’encens. Scent est proposé en deux versions. La première, plus lumineuse, privilégie les notes légères du thé au jasmin. La seconde, Scent Intense, se distingue par une note plus mystérieuse et sensuelle de l’ambre aux accords boisés. Ennio Capasa est également l’auteur du flacon, un galet très doux, façonné à partir d’une simple bouteille et qui trouve naturellement sa place au creux de la main.

Barbara Witkowska [{ssquf}]

Carnet d’adresses en page 103.

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