Son étoile y brille inlassablement depuis trois décennies. Au firmament des stars, Madonna est indétrônable. En 1991, la sortie du documentaire In Bed with Madonna dévoilant les coulisses de sa tournée Blond Ambition Tour contribue à construire le mythe.

Par certains côtés, le monde n’a finalement pas tellement changé depuis 1983. Madonna, par exemple, est toujours là ! En même temps, révolution technologique oblige, tout est aussi devenu très différent : il y a toujours plus de choix, toujours plus de possibilités. Le secteur du divertissement n’est plus, de nos jours, un bloc indivisible dominé par les Etats-Unis : une part non négligeable des plus grands hits de ces dernières années ont par exemple été composés par des Suédois. Et, dans le même ordre d’idées, la mode autrefois si franco-française est devenue plus internationale que jamais tandis que les principaux fabricants de meubles italiens travaillent désormais avec des designers issus de tous les horizons. Les centres d’intérêts des jeunes se sont à la fois élargis et déplacés (Facebook, jeux vidéo, blogs, chaussures et accessoires…). La culture populaire s’est complètement fragmentée.

Force est aussi de constater que les étoiles actuelles n’ont ni le même éclat ni la même importance. C’est que le contexte n’est plus le même : les stars d’aujourd’hui doivent faire face à la concurrence abêtissante des chatons qui batifolent sur YouTube… et sans doute la popularité de la vidéo Gangnam Style (PSY), sorte de  » danse des canards  » made in South Korea, est-elle assez révélatrice de la tendance actuelle. S’ajoute à cela que les nouvelles icônes n’ouvrent plus guère la bouche (les émissions de télé-réalité ne comptent pas !). Madonna avait des choses à dire et ne s’en privait pas, et lorsqu’elle figurait en couverture d’un magazine, il se vendait comme des petits pains… parce qu’elle le valait bien. La génération actuelle frappe aussi beaucoup moins l’imagination. Extraordinairement ordinaires, les célébrités 2013 pourraient être les filles d’à côté après un (tout petit) relooking.

UNE GLOIRE PLANÉTAIRE

Holiday, le premier hit planétaire de Madonna, date de 1983. Elle n’était à l’époque encore qu’une pop star comme les autres que tout prédestinait à un succès éphémère, moins talentueuse qu’une Cindy Lauper ou une Debbie  » Blondie  » Harry mais tout de même plus qu’une Tiffany ou une Taylor Dayne… Une toile blanche, en quelque sorte. Like a virgin.

En 1985, le mensuel féministe américain Ms décernait le titre de femme de l’année à Cindy Lauper, qui a également fait, vers la même époque, la une de Time et de Newsweek. Cette consécration ne fut toutefois qu’un ultime sursaut pour la chanteuse, écrasée par le rouleau-compresseur qu’était devenue Madonna. De Material Girl à femme de la décennie (voire plus), c’est vraiment au cours des années 80 que la star planétaire a connu son heure de gloire. Elle a du reste fortement contribué à construire son propre mythe, en particulier avec le documentaire In Bed with Madonna, projeté hors-compétition au festival de Cannes en 1991. La période qui a suivi, de 1992 à 2012, fait, en revanche, presque figure de note de bas de page dans l’ensemble de sa carrière.

L’ICÔNE ET SES RIVALES

En tant qu’icône du style, Madonna a toutefois régulièrement été menacée par ses concurrentes, Lady Di en tête. Diana a eu, en effet, un impact considérable sur la garde-robe de Madame Tout-le-Monde – on songe à la mode des bras nus – et il est très probable qu’elle ait été beaucoup plus imitée que la chanteuse (le soutien-gorge conique de Jean Paul Gaultier n’a tout de même pas dû se vendre à des millions d’exemplaires…). Quant à l’influence de sa coiffure, elle se retrouve jusque dans le premier look de Justin Bieber.

Le style de Madonna a-t-il vraiment fait autant d’émules que le suggèrent les hordes de sosies peuplant le clip de Dress You Up (1985), où la chanteuse arbore le costume le plus sublime de toute sa carrière ? Il est un fait que la jupe de pom-pom girl, le crucifix et, plus tard, les cheveux courts blond platine font partie de l’héritage vestimentaire de Madonna. La passion du fitness remonte par contre déjà à l’époque d’Olivia Newton-John et de Jane Fonda, soit bien avant 1983. Reste que les autres rivales de la star sont reparties comme elles étaient venues : seule Madonna elle-même résiste depuis trente ans contre vents et marées… et on est en droit de se demander s’il y a encore, au XXIe siècle, une place pour de nouvelles icônes indétrônables.

La starlette britannique Elizabeth Hurley a connu une brève heure de gloire avec une unique robe (signée Versace), avant de retomber dans l’oubli. Björk, qui a créé sa propre niche de Barbie excentrique (et intelligente) habillée par de jeunes stylistes indépendants, a tenu le coup pendant quelques années, lançant au passage une poignée de carrières. Son rôle a été repris depuis par Lady Gaga, la plus grande imitatrice de Madonna (ou du moins la plus extrême), mais elle aussi semble en passe de s’engager sur une pente descendante…

Contrairement à Madonna, Kylie Minogue sort encore de temps à autre un hit irréprochable (ainsi Timebomb il y a quelques mois)… mais en dépit de la rétrospective consacrée à sa garde-robe par le V&A de Londres, l’Australienne n’a jamais été une véritable icône du style. Sans doute Madonna a-t-elle de quoi prolonger encore un peu sa carrière… En tout cas, il est certain qu’elle n’a plus rien à prouver : son étoile s’est arrêtée au sommet de sa course et rien ne semble plus pouvoir ternir sa renommée.

Kate Moss, elle, un quart de siècle après le début de sa carrière, a su conserver sa place en tant que mannequin et rester une vraie superstar en cette ère de visages anonymes. Ce qu’elle a réussi, personne encore ne l’avait fait avant elle – ou du moins pas à une telle échelle. Cela fait vingt-cinq ans qu’elle nous contemple depuis la couverture des magazines, les affiches publicitaires, les catwalks et même un tableau de Lucian Freud. Elle est peut-être bien le plus grand sphinx que la culture pop ait jamais connu, omniprésente mais aussi, en un sens, transparente – d’autant qu’elle ne s’est (presque) jamais exprimée.  » C’est qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur mon métier, confiait-elle fin 2012 à Vanity Fair dans une de ses très rares interviews. Je vis ma vie et je travaille. Qui je suis ne se résume pas à ce que je fais.  » Elle est en quelque sorte l’anti-Madonna, la Joconde du XXIe siècle… car elle non plus n’est pas née d’hier. JESSE BROUNS n

JESSE BROUNS

Madonna avait des choses à dire et ne s’en privait pas.

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