De Madagascar au Canada, du Taratata de Nagui aux Zéniths de Yannick Noah en passant par les Francofolies de Spa, les Montois de Suarez ont fait un sacré bout de chemin. Rencontre avec Marc Pinilla, ardent défenseur d’une chanson française made in Hainaut, et success-story d’un groupe atypique.

C’est une histoire comme on n’en entend que dans les contes de fées. La rencontre fortuite d’un étudiant montois et de stars de la musique malgache. Celle d’un passionné de rock anglo-saxon et d’un groupe world en exil qui uniront leurs forces pour percer dans la chanson française. C’est l’histoire de Suarez. Hennuyer de naissance, universel dans l’âme.

Flash-back. Début des années 2000. Marc Pinilla étudie à la Fucam, à Mons, et joue dans quelques projets amateurs. C’est avec l’un d’entre eux qu’il enregistre dans le studio du groupe malgache Njava et se lie d’amitié avec Dada Ravalison. Dada a beaucoup bourlingué. Nés dans une famille de musiciens, les cousins Njava ont signé plusieurs tubes dans leur pays d’origine, Madagascar, avant de s’installer en Europe, dans les années 90, grâce aux gains d’un concours de world music organisé par Radio France.

 » Ces musiciens, j’étais en admiration devant eux, confie Marc Pinilla. J’aurais tout accepté pour qu’on bosse ensemble. À leurs yeux, la seule condition pour que l’on collabore, c’était que je chante en français.  » La chanson est tout sauf son monde mais Marc obtempère. Il a dans ses tiroirs des restes de Brassens que ses parents appréciaient et se met à écouter Renan Luce, Olivia Ruiz, Thomas Dutronc, Rose, Julien Doré.

Ça file à du 200 à l’heure dans la vie de Suarez qui de son propre aveu n’a jamais ramé. Début 2007, Marc et ses amis forment le groupe Interphone et en juillet remportent sous ce nom le concours Carrefour des talents des Francofolies de Spa. Francos auxquelles ils donneront leur premier concert. Rebaptisés Suarez, ils signent en janvier avec une maison de disques. Leur single On attend passe sur les ondes et l’album du même nom sort en septembre 2008.  » Il nous a permis de tourner pendant deux ans. En Belgique. Puis aussi en France.  » Cette France où ils entrent chez Mercury avant d’enchaîner les voyages. Suarez joue aux Pays-Bas. Au Canada. Puis surtout fin 2009 à Madagascar.

GRAIN DE VIE

Pendant son séjour à Madagascar, Marc est frappé par un paradoxe. Le contraste entre une extrême richesse naturelle,  » la beauté des gens, du paysage « , et la pauvreté invivable des bidonvilles.  » Dans la capitale, les gens sont démunis et entassés les uns sur les autres. Mais dans la brousse, on ne ressent pas cette misère. Les habitants n’ont tellement besoin de rien qu’ils sont riches.  » Suarez est parti avec l’association Grain de vie. Une ONG qui a replanté 5 000 arbres à Antalaha, sur la côte nord, pour faire face à la déforestation du pays. Le groupe a aussi donné quelques concerts.  » C’était ma première fois. Les autres ont revu leur famille. Moi, j’ai découvert qui étaient mes potes. J’ai appris à connaître leur culture. En Belgique, ils n’étaient pas tout à fait eux-mêmes.  » Cette expédition sur l’île-continent marque un tournant décisif dans l’encore jeune carrière de Suarez.  » J’y ai pris conscience de la richesse du groupe. Et puis, j’en ai eu un peu marre de faire de la chanson française comme les autres. Sans chercher ailleurs. « 

De janvier à septembre 2010, Suarez planche sur son deuxième album. L’écriture se veut plus spontanée. Plus authentique. Dans le son comme dans les textes.  » Pour notre deuxième disque, nous nous sommes davantage dirigés vers la pop et avons tissé le lien avec la culture malgache. Les rythmes africains sont beaucoup plus présents.  » Le premier single, Qu’est-ce que j’aime ça, reçoit un bon accueil et, dans la foulée, sort L’Indécideur. Le disque se vend. Les salles se remplissent.  » Il n’y a pas un groupe qui a joué plus que nous en Belgique ces derniers temps. Cela fait un an et demi qu’on est sur les routes.  »

TARATATA, ETC.

Aujourd’hui, tout en célébrant la sortie de son deuxième album en France, Suarez a démarré l’écriture du troisième.  » Le marché hexagonal est compliqué. C’est un travail de longue haleine. Les investissements sont lourds. Il faut qu’une grosse machine comme NRJ joue le jeu ou alors retrousser ses manches.  » Suarez a tout de même, mine de rien, déjà participé à deux Taratata. Le premier remontait à janvier 2009. Les Hennuyers étaient installés dans une loge entre celles de Keane et de Raphael Saadiq. Sans oublier l’interview avec Nagui.  » C’est un rêve et une machine. Mais nous n’avions pas été à la hauteur de mes espérances. Nous n’avions guère l’habitude d’avoir cinquante caméras braquées sur la tête…  » En juin 2011, pour leur seconde apparition, ils partagent l’affiche avec les Stranglers, Sallie Ford et Gaëtan Roussel. Ils ont même droit à un duo. Une reprise du One de U2 partagée avec FM Laeti.  » Tu dois trouver la chanson et le partenaire qui va avec. Faire avaliser tout ça par la production. C’est plus compliqué qu’il n’y paraît. On est passés en dernier. Soit vers 1 heure du mat. Mais ça reste une belle carte de visite.  »

En Belgique, Suarez doit une fière chandelle aux Jeunesses musicales. En trois éditions, à raison de 50 écoles secondaires par an, de quatre concerts par jour et par établissement scolaire, le groupe s’est construit un public et a rodé ses morceaux.  » Ça a été éprouvant mais on a toujours tout fait avec le sourire.  » Que ce soit partager des scènes de festival avec Vanessa Paradis et Thomas Dutronc ou jouer devant des milliers d’ados.  » Nous avons juste un problème. Nous nous situons entre deux cases. Nous ne sommes pas de la grosse variété. Nous avons des guitares rythmiques africaines. Mais nous ne sommes pas indé non plus. Nous faisons le grand écart entre Bel RTL et Pure FM. « 

Alors qu’il tente de mieux s’exporter (il a jusqu’ici vendu 15 000 exemplaires de son deuxième album), Suarez déplore le creux dans lequel est aujourd’hui plongée la chanson française.  » Si tu regardes ce qui se vend, écoute ce qui passe en radio, tu ne tombes que sur de la varièt’. Pour l’instant, les gens veulent de l’Amérique mais on reviendra tôt ou tard à la chanson.  » Suarez est sur la bonne voie. L’an dernier, il a fait la rencontre de Yannick Noah et a assuré ses premières parties dans des Zéniths, des Olympias…  » C’est gai. Il y a beaucoup de monde. Le public est là pour passer du bon temps. On a la même approche du live. Un moment de partage, de sourire et de bonheur. « 

PAR JULIEN BROQUET

 » NOUS FAISONS LE GRAND ÉCART ENTRE BEL RTL ET PURE FM. « 

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