Barbara Witkowska Journaliste

Digne-les-Bains, Gréoux-les-Bains et le grand canyon du Verdon : trois destinations qui fleurent bon le sud-est de la France, à une heure de Marseille.

C’est le plus grand canyon d’Europe. Le plus beau aussi. Sa (re)découverte provoque toujours un éblouissement et une émotion très vive. Parfaitement verticale, l’entaille court dans un mouvement ondoyant sur environ 30 km. Les falaises de calcaire ocre ou gris clair dégringolent de plusieurs centaines de mètres dans les eaux émeraude du Verdon. Un caprice insolent de la géologie. Masses de pierre tordues, plis secrets, crevasses mystérieuses, reliefs tourmentés, on ne se lasse pas de contempler ce spectacle grandiose et parfois inquiétant. Le guide nous souffle cette citation de l’écrivain Jean Giono, enfant du pays :  » Une telle mise en scène a dû coûter les yeux de la tête « . On confirme. Paradis des vautours et des grimpeurs, amateurs de grands frissons, le grand canyon du Verdon est aussi un lieu de mémoire. Il a révélé des traces de civilisation préhistorique vieilles de 500 000 ans. La découverte a généré d’autres fouilles. Aujourd’hui, on recense pas moins de 60 sites archéologiques. Des milliers de pièces découvertes, parfois de grande valeur, ont trouvé un écrin à leur mesure. Le musée de la Préhistoire, le plus grand d’Europe, a ouvert ses portes à Quinson, petit village à l’orée des basses et moyennes gorges du Verdon. Son auteur ? Lord Norman Foster, l’une des plus grosses pointures de l’architecture contemporaine, concepteur, notamment, du viaduc de Millau. L’architecte britannique a imaginé ici une superbe bâtisse ultramoderne en béton, verre et acier, inspirée du calisson, célèbre confiserie locale. Les courbes souples et généreuses se fondent admirablement dans le paysage et assurent une belle transition avec le village. Le musée est futuriste, ludique et interactif. Tous les jeunes de 7 à 77 ans y trouvent leur bonheur en feuilletant les pages de ce livre grand ouvert sur l’histoire de l’Homme. Avec 75 000 visiteurs par an, il est la première structure culturelle visitée du département.

Situé à Volx, à un jet de pierre de Manosque, l’Ecomusée dédié à l’olivier affiche un nombre de visiteurs plus modeste mais vaut largement le détour. Son créateur est Olivier Baussan, fondateur, il y a trente ans, de L’Occitane, marque de produits de soins et de senteurs pour le corps et la maison, toujours manufacturés à l’ancienne. Avec la complicité d’une vingtaine d’artistes et photographes méditerranéens, Olivier Baussan a superbement mis en scène toutes les facettes de cet arbre magique décliné en 2 000 variétés (dont 150 en Provence), qui  » nourrit les hommes et éclaire leur maison « . A la fin de la visite, l’esprit parfaitement  » éclairé « , on résiste difficilement à la tentation de ne pas dévaliser toute la boutique, tant le choix des huiles d’olive est éclectique et savoureux.

Thermalisme et Histoire

Gréoux-les-Bains est l’un de ces charmants villages provençaux (2 500 habitants) qui voit sa population quadrupler en haute saison. La petite cité est la quatrième station thermale en France, après Dax, Aix-les-Bains et Amélie-les-Bains. Elle fut déjà à la mode sous l’Empire romain. Pauline Borghèse, la s£ur de Napoléon, y venait pour se refaire une santé et pour animer des soirées où se réunissait le beau monde. On y soigne toujours les rhumatismes ou les voies respiratoires. On s’y voue désormais à la remise en forme, aux soins de beauté relaxants et planants, au bien-être. Bref tout ce qui combat les maladies modernes. Ensuite, corps et esprit revigorés, on est prêt à la découverte de Gréoux-les-Bains, avec ses maisons colorées couvertes de tuiles romaines, ses ruelles étroites, ses parcs, ses jardins, ses lavoirs et ses fontaines. Après avoir jeté un coup d’£il à l’église Notre-Dame-des-Ormeaux, où autrefois des ormes – arbres fétiches des Templiers – occupaient la place devant l’église, on grimpe sur les hauteurs pour admirer le chef-d’£uvre de l’endroit : la château des Templiers. La montée s’avère sportive et pittoresque. La ruelle  » Rompe Cuou  » tire son nom de son ancien recouvrement, fait de galets du Verdon très glissants. La rue Esquichecoude est si étroite que les coudes râpent les murs. On franchit avec succès le passage Andrône, petit passage couvert entre deux maisons, de la largeur d’un homme (Andros en grec) et on arrive devant l’impressionnante bâtisse du château qui domine  » la vière  » ( » vieux village « , en provençal). Elevé probablement au xie ou xii e siècle, il a appartenu aux Hospitaliers de Saint-Jean-de- Jérusalem. Abandonné à la Révolution, il est aujourd’hui classé monument historique. La cour intérieure sert à présent de décor aux spectacles en plein air et la salle voûtée des Gardes accueille des expositions. Les artistes sont appréciés à Gréoux-les-Bains. Chaque été, la très belle initiative  » Histoires d’eaux, Histoire d’Art  » leur offre accès à toute la ville. Les £uvres d’une quarantaine de sculpteurs et de plasticiens du monde entier investissent ainsi pendant plusieurs semaines, parcs, jardins et places de la ville. Inspiré par la nature, cet  » art environnemental  » invite le visiteur à prendre conscience de l’influence sur le paysage.

A Digne-les-Bains souffle un sympathique parfum rétro. La ville a gardé l’air princier d’une minimétropole au c£ur de la France. Il fait bon y flâner, en contemplant les jolies façades baignées de lumière douce. On pousse la porte du musée Gassendi. Pierre Gassendi, né en 1592 près de Digne, humaniste et philosophe, respectait Descartes, son célèbre contemporain. Toutefois, pour lui, la vie ne se limitait pas à la pensée pure. Aujourd’hui, on pourrait affirmer que la philosophie de Gassendi était transversale et englobait toutes les disciplines. Tant l’histoire que l’archéologie ou les arts et les sciences. Tel est ainsi conçu le musée. Dans les espaces semblables à des cabinets de curiosités du xviie siècle, les sciences dialoguent avec l’histoire locale, l’archéologie et l’art. Les artistes contemporains ne sont pas pour autant oubliés et sont invités, comme à Gréoux-les Bains, à installer leurs £uvres en pleine nature. On citera, surtout, Andy Goldsworthy. Le sculpteur anglais, figure majeure du Landart, a découvert la région il y a neuf ans et est tombé fou amoureux de sa nature sauvage et intacte. Il réalise actuellement un projet original qui consiste à rénover, sur un itinéraire de 150 km, des bâtiments anciens, de les transformer en refuges d’art et d’équiper chacun d’une £uvre originale, réalisée sur mesure. Tout au bonheur des randonneurs.

Toujours à Digne, on ne saurait oublier la demeure d’Alexandra David-Néel. Née en 1868 près de Paris, la célèbre exploratrice et reporter, auteur du best-seller mondial Voyage d’une Parisienne à Lhassa, acheta cette coquette villa en 1925. C’était son port d’attache entre de nombreux voyages en Orient jusqu’à son décès en 1969. Marie-Madeleine Peyronnet qui a partagé les dix dernières années de sa vie n’a plus jamais quitté la maison. A la demande générale, elle a transformé la demeure en musée et elle guide toujours aujourd’hui le visiteur avec humour et gentillesse. Le dalaï-lama s’y est rendu à deux reprises, dans les années 1980. Quel bonheur de déambuler dans la maison ! L’univers d’Alexandra David-Néel y est totalement préservé. On observe ses vêtements, ses sacs de voyage en peau de yack, ses appareils photo, ses passeports abondamment tamponnés et même sa bassine en laiton qui l’a accompagnée partout (la douche quotidienne était incontournable !) L’endroit le plus impressionnant ? Sa minuscule chambre qui servait aussi de lieu de travail où elle a écrit une grande partie de son £uvre. En quittant l’endroit, on se sent d’autant plus zen, surtout quand on a lu dans la foulée Le Lama aux cinq sagesses, un autre best-seller de cette femme extraordinaire,  » anarchiste et bouddhiste « .

Barbara Witkowska

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content