Néocantines, bistrots ultrabranchés, bars à vin décalés, snacks décomplexés, épiceries très fines ou chefs génialement atypiques… La nouvelle scène food belge, à l’instar de ce qui se passe à Londres et à Paris, secoue le pays d’Ostende à Liège en passant par Bruxelles. Weekend Le Vif/L’Express s’est associé à eating, un label créé par une jeune maison d’édition nourrie au goût du jour (*) pour vous faire découvrir tous les plaisirs et les meilleures adresses de ce nouvel art de vivre. Une série de treize articles mensuels, lancée dans notre numéro du 26 août dernier, en attendant un hors-série exceptionnel, dopé d’infos exclusives, qui paraîtra en septembre 2006.

Besoin de doux, de moelleux, de sucré… A Bruxelles, un nombre croissant d’enseignes comblent les rêves des gourmands… tout en témoignant d’une délicieuse créativité.

 » eating Bruxelles  » (2003) et  » eating Paris  » (2003) aux éditions tatami. Internet : www.editionstatami.com

Il est désormais bien loin le temps où, comme le disait Pierre Hermé, le célèbre pâtissier parisien,  » les gâteaux avaient l’air sortis d’une usine de voiture « . Dans les années 1990, le chef de la rue Bonaparte avait des mots durs n’hésitant pas à comparer le glaçage, tel qu’il se pratiquait, à l’aspect laqué  » sans âme  » des carrosseries automobiles.

Nouveau millénaire, nouvel esprit. Aujourd’hui, entre autres grâce à Pierre Hermé, le sucré a regagné ses lettres de noblesse. Une vraie inventivité a vu le jour qui fait feu de tout bois : patrimoine gourmand revisité, textures multipliées, mélanges insolites, jeu sur les couleurs et les épices… Les nouveaux acteurs de cette renaissance n’hésitent pas à aller chercher ingrédients et influences au bout du monde : vanille de Madagascar ou kumquats chinois.

Pour preuve ultime de cette effervescence, les créateurs se débarrassent de leurs £illères pour s’ouvrir à d’autres disciplines. On songe surtout à la mode qui, de plus en plus, impose sa saisonnalité aux délices sucrés. Plus question de se reposer sur ses lauriers, pâtissiers et orfèvres des glucides créent de véritables cahiers de style avant de se lancer dans une nouvelle composition. On sait ainsi que Pierre Marcolini, le grand chocolatier belge, ne rate jamais les défilés de mode à Milan pour en extraire la substantifique moelle de ses nouvelles collections. Le design et l’architecture inspirent également les artisans du sucre. La variété de formes et de couleurs qui règne actuellement dans ces disciplines fouettent en effet leur imagination. Sans oublier que pour épouser le goût du jour, les promoteurs de ce renouveau ont su se défaire d’une certaine pesanteur au profit d’un dogme crucial : toujours plus de légèreté…

k Fabrice Collignon

Autoproclamée  » pâtisserie gastronomique « , l’enseigne de Fabrice Collignon s’affiche comme le dernier goût du jour en vue. Ce jeune chef peut faire valoir un beau parcours en restaurant, dont on retiendra surtout un compagnonnage avec le multiétoilé français Alain Ducasse. Fabrice Collignon incarne à Bruxelles le nouveau souffle en pâtisserie. Cet élan créatif connaît ses moments de gloire – un gâteau bien balancé nommé Marrakech – mais aussi ses déceptions – une composition peu convaincante portant le nom de So’fa. Le pâtissier propose aussi des macarons dont les uns vantent la légèreté et les autres regrettent le manque de corps. Pour se faire une opinion, on se rendra dans son sympathique établissement où il est possible de déguster ses créations sur place… dans un cadre de bois précieux.

Fabrice Collignon, 587, chaussée de Waterloo, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 344 26 06. Internet : www.fabricecollignon.be

k La Tarterie de Pierre

Ce récent concept autour des tartes sucrées et salées a pour écrin l’ancien magasin de Pierre Marcolini ( NDLR : le chocolatier s’est impliqué au départ en tant que consultant mais a aujourd’hui quitté l’affaire). Ayant pour volonté de remettre à jour des saveurs d’autrefois, le chef Philippe Collignon a pris le parti de produire de vraies tartes ne faisant pas l’impasse sur les calories. Dans un écrin joliment mis en scène et scindé en deux univers – sucré à droite, salé à gauche – la Tarterie de Pierre séduit une clientèle jeune et urbaine. Vers 16 heures, on ne compte plus les créatifs pressés s’arrêtant quelques minutes pour grignoter, debout, un morceau de tarte sur le pouce. La formule 1/8 de tarte sucrée accompagnée d’un verre de vin moelleux (7,50 euros) remporte un franc succès. Le must ?  » Lydie « , une tarte aux cerises du nord, crumble et pistaches. Bonne nouvelle : une autre adresse, avec 40 places assises, s’ouvrira sous peu place du Vieux Marché, à Namur.

La Tarterie de Pierre, 39, place du Grand Sablon, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 514 74 88.

k Pierre Marcolini

L’empire gourmand de Pierre Marcolini ne cesse de s’étendre. Il a inauguré une troisième boutique au Japon et vient de lever le voile sur un premier magasin à New York. Le nom de ce chocolatier qui a été sacré Champion du Monde de Pâtisserie en 1995 est devenu aussi prestigieux qu’une griffe de haute couture. Sa dernière adresse du Sablon, le quartier ultrachic de Bruxelles, qui scintille impeccablement sur trois étages, ne lui a toutefois pas valu que des applaudissements. Il s’est vu, en effet, suspecté de perdre son esprit d’artisan. Peu importe la polémique et au-delà du côté show-off, on ne peut pas nier que l’homme a renouvelé le genre avec des chocolats façon thym orange, mélange de praliné amandes-noisettes ou thé citron. Pierre Marcolini est celui qui a redoré le blason du chocolat belge. Son succès en témoigne largement. A Paris, Pierre Hermé himself n’hésite pas à lui rendre hommage.

Pierre Marcolini, 1, rue des Minimes, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 514 12 06. Internet : www.marcolini.com

k Laurent Gerbaud

Si, en matière de nouveaux chocolats belges, la figure du père est incarnée par Pierre Marcolini, celle du fils rock’n’roll revient immanquablement à Laurent Gerbaud. Ce jeune chocolatier a connu un parcours atypique : une licence en histoire médiévale, une connaissance effective du mandarin et une passion véritable pour la chose culinaire. Après un mémoire sur l’univers du chocolat, Laurent Gerbaud a suivi une formation au Ceria dans le but de réconcilier ses deux passions, la Chine et le chocolat. Ne réussissant pas à s’implanter comme il le désire à Shanghai, il revient en Belgique pour proposer un chocolat enrichi des saveurs extrême-orientales qu’il a découvertes. On prend toute la mesure de son talent en goûtant son coffret  » L’invitation au voyage « , un mélange de chocolat 70 % cacao, de fruits secs et confits pour une expérience entre sucré-salé, acidulé-amer. On regrettera juste que sa marque ne dispose pas de magasin propre.

Informations points de vente : Laurent Gerbaud, 7, rue d’Alost, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 213 37 20. Internet : www.chocolatsgerbaud.be

k Arcadi

La déco de cette cantine originale a été conçue dans un esprit très marché aux puces. Le décor est brut de décoffrage : aucun nom du design n’est venu apposer sa signature sur le mobilier, les objets hétéroclites et les cadres anciens qui garnissent les lieux à la manière d’un souk… Ce qui fait le succès d’Arcadi n’est pas seulement dédié au sucre, c’est l’imparable fraîcheur et qualité des différentes quiches et tartes. Une note aromatique d’inspiration maghrébine saupoudre pas mal des plats proposés : c’est un bonheur de sentir les légumes échapper à leurs terroirs et évoquer d’autres horizons. Le persil plat, le cumin, les dattes et les figues font ici  » respirer  » les préparations. Et l’on ne résiste pas non plus à la partie sucrée de la carte, version pomme, citron meringué ou framboise. Un doux péché que l’on vous invite à arroser d’un thé de menthe fraîche.

Arcadi, 1b, rue d’Arenberg, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 511 33 43.

k Sophie Tordoir

Sophie Tordoir officie comme maître pâtissière au Royal Windsor Hotel… Outre ses différents desserts qu’elle présente à la façon d’une collection de mode, la jeune et talentueuse femme a réussi à se faire un nom dans le landernau gastronomique alors que – le défi est de taille – c’est dans l’hôtellerie qu’elle £uvre. Issue d’une famille de restaurateurs, elle s’est lancée dans la pâtisserie animée par une véritable boulimie de  » savoir « . Son moteur ? Les multiples facettes du massepain et la possibilité de réaliser des décors féeriques. Sa formation, elle l’a glanée aux quatre coins de la capitale, sans oublier de passer par les plus grands comme Pierre Marcolini, Yves Mattagne ou Planète Chocolat pour qui elle a réalisé une magnifique contrebasse en chocolat de deux mètres de hauteur. On retiendra tout particulièrement ses Fashion Desserts directement inspirés des Fashion Rooms de l’hôtel dans lequel elle évolue – une initiative qui a consisté à confier dix chambres au bon goût de dix créateurs belges. On peut déguster les créations de Sophie Tordoir tous les jours de 15 heures à 17 h30 lors du Fashion Tea Time dans le cadre intimiste du Waterloo Bar du Windsor Hotel.

Waterloo Bar du Royal Windsor Hotel, 5, rue Duquesnoy, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 505 55 55.

k Carthage

Situé à deux pas de la Grand-Place, Carthage est un salon de thé oriental à nul autre pareil. Il a été créé par Abdelhafid Missaoui, un boxeur maroco-tunisien au passé prestigieux. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un £il sur les photos noir et blanc qui retracent son histoire : on le voit en compagnie d’une foule de personnalités, de Charles Aznavour à Georges Brassens. Aujourd’hui, c’est sa fille qui est aux commandes. Stucs meringués et ornements des Mille et Une Nuits, Carthage parcourt les méridiens sous l’angle du sucre : Turquie, Maroc, Tunisie, Liban… Cela donne de merveilleux loukoums aux parfums variés, des kadaïfs (des roulades de vermicelles aux fruits secs et au miel), des cornes de gazelles, des baklavas (des feuilletés aux fruits secs et au miel)… accompagnés de thé à la menthe et de fleur d’oranger. Le tout pour un décollage à la verticale du quotidien.

Carthage, 3, rue Chair et Pain, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 513 27 77.

k Les Tartes de Françoise

Il ne faut pas hésiter à pousser la porte des Tartes de Françoise. Sous des dehors banals, elle ouvre sur un paradis de sucre, de fruits et de crème. Au départ ? Françoise et Olivier Laffut, un jeune couple étranger à la restauration. De fil en aiguille, au gré des demandes des amis et du bouche-à-oreille, les Tartes de Françoise vont connaître un véritable engouement. Aujourd’hui, un grand nombre de restaurateurs viennent se fournir ici, au point que c’est entre 400 et 500 tartes qui sortent chaque jour. La star, c’est la fromage blanc-spéculoos qui séduit par sa fraîcheur et son biscuit à la cannelle très croquant. Indiscutablement, le charme vient de l’approche spontanée qui évite une vision formatée de la pâtisserie, comme en témoigne une récente bûche de Noël à base de grains de riz soufflés. Le conseil : s’y rendre le dimanche vers 11 heures, les tartes sont alors chaudes, préparées du jour même.

Les Tartes de Françoise, 75, avenue de l’Hippodrome, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 644 95 30. Internet : www.tartes.be

k Comus & Gasterea

Si l’on se rend chez Comus & Gasterea, ce n’est certainement pas pour le décor : fleurs en plastique, carrelages tristounets et chaises en rotin… Paradoxalement, on s’en réjouit. On ferme les yeux et on fait abstraction de ces considérations matérielles pour se concentrer sur l’essentiel : des glaces à se damner. Plus de 400 goûts différents – lychee, vanille de Madagascar, trois poivres, genièvre – sortent des turbines de ce maître des textures, des couleurs et du froid. Des glaces savoureuses et des sorbets à la fraîcheur stupéfiante expriment ici le goût du jour sous forme de boules copieuses. On ne compte plus le nombre de restaurateurs qui se fournissent chez Comus & Gasterea… mais ce qui est certain c’est que parmi eux figurent des étoilés. En hiver, on ne saurait trop conseiller de tester le chocolat chaud.

Comus & Gasterea, 86-88, quai aux Briques, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 223 43 66.

k Le Framboisier Doré

Cette adresse au décor de bois s’affiche comme le rendez-vous incontournable des amateurs éclairés de glace. Le travail se veut ici hyperconsciencieux. Les exhausteurs de goût, les colorants, la gélatine, les poudres en tout genre et les assouplissants de texture sont bannis… pour un résultat à la hauteur des attentes les plus exigeantes. Rien qu’à l’£il, on peut jauger de la finesse de la vanille, du grain précis du chocolat ou de la subtilité de la pistache – on est loin du vert fluo que l’on a l’habitude de croiser sous nos latitudes. Quelques goûts de glaces et sorbets – pignon de pin, basilic ou estragon – laissent rêveur. Ici aussi on choisira la version à emporter, la salle n’apportant pas de supplément d’âme à l’expérience.

Le Framboisier Doré, 35, rue du Bailly, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 647 51 44.

k Jean le Chocolatier

Dans le sillage de Pierre Marcolini, une nouvelle génération de chocolatiers a émergé. On suit avec intérêt le travail de Jean le Chocolatier, un artisan venu de Sète particulièrement attentif aux accords avec le vin. Après une première antenne à Habay-la-Neuve, ce créateur a ouvert une seconde enseigne à Uccle. Dans un cadre sobre et contemporain, il propose des chocolats subtils qui n’hésitent pas à affronter d’autres saveurs : croisement avec certains des thés Mariage Frères, fusion avec le piment d’Espelette, rencontre avec des graines de sésames torréfiées, clash avec le gingembre ou le cumin… On notera aussi parmi l’assortiment original, une série de chocolats spécialement conçus pour l’apéritif. Sans oublier, une mystérieuse déclinaison de pralines érotiques.

Jean le Chocolatier, 18, avenue du Prince de Ligne, à 1180 Bruxelles. Tél. : 02 374 92 80.

k Les Caprices du Bailly

Les Caprices du Bailly déclinent le joli cadre d’une boulangerie de quartier. Grands miroirs, hauts plafonds et tons pastel pour une atmosphère un rien surannée. Un esprit de nostalgie que ne renierait certes pas Amélie Poulain. Et pour cause : les grands bocaux en verre renferment des trésors inestimables, entre lards bien roses et biscuits secs croquants. Comment résister à toutes ces gourmandises enfantines. On craque aussi pour les couques généreuses, les carrés frangipane et les pâtes d’amandes – mendiants qui ne lésinent pas sur le sucre et la crème pâtissière.

Les Caprices du Bailly, 75, rue du Bailly, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 538 79 93.

k AM Sweet

Le salon de thé d’Anne-Marie Schram est sans doute le plus cool de Bruxelles. Dédié à la confiserie à l’ancienne, cet endroit très bonbonnière s’affiche comme un tout bon plan pour une régression sucrée. Ce n’est pas pour rien que les modeux de la rue Antoine Dansaert en ont fait leur point de chute préféré. Surtout à l’étage où de moelleux fauteuils en cuir ajoutent au bonheur de suçoter les bonbons de nos grands-mères : cuberdons juteux, dragées craquantes et berlingots imparables. Mais l’enseigne propose aussi d’autres délices. On notera les tartes maison à la pâte d’amandes sans beurre et sans farine, les confitures artisanales de saison et les cakes. AM Sweet propose aussi une belle sélection de produits comme les cafés Cordesa, pralines Nihoul, thés Mariage Frères, bonbons Barnier, chocolats Laurent Gerbaud… Sans oublier une rareté à Bruxelles : les véritables Fleurs Cristallisées de Toulouse, des petites merveilles qui se déclinent à la violette, à la lavande et à la menthe.

AM Sweet, 4-6, rue des Chartreux, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 513 51 31.

Dans le numéro du 10 février prochain, Weekend* eating sera consacré aux tables de Flandre du moment

Michel Verlinden

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