Le charme désuet d’une station balnéaire, ajouté à l’énergie d’une ville anglaise : voilà une parenthèse qui mérite plus que jamais son surnom de  » London on the sea « .

Nostalgiques des séjours linguistiques dans le Sussex, rassurez-vous : sur le front de mer, la carte postale est intacte. La carcasse en ruines du West Pier s’enfonce inexorablement dans la Manche. Mais le Brighton Pier – ses machines à sous, ses effluves de fête foraine – fait toujours le bonheur des touristes. Rien ne manque, ni les transats rayés, ni les goélands prêts à fondre en piqué sur le cornet de frites du promeneur distrait. Surplombant l’immense plage de galets, King’s Road est immuable, avec ses grands hôtels et ses fish & chips. Mais, sous ses arches en brique, près du musée de la pêche, on trouve désormais bars lounge, surf shops et ateliers d’artistes. Des guérites proposent de la beach-food à picorer : coques décortiquées, crab sandwich au raifort, kippers ou saumon fumés sur place, dans une cabine de bains aménagée ! Dès qu’on quitte la mer, l’ambiance est plus urbaine : épiceries pakistanaises, cantines ouvrières 100 % british, gargotes afghanes, anatoliennes, supermarché chinois, mosquée… Sans les mouettes perchées sur les capots des voitures, on se croirait dans n’importe quel quartier populaire londonien. D’autres rues, au contraire, la jouent Portobello-sur-Mer, avec des rangées de maisons élégantes aux portes colorées. Quant à l’iconique Royal Pavillion, impossible de le manquer. Cet extravagant palais moghol hérissé de minarets fut édifié en 1815 par le futur George IV pour y donner bals, concerts et banquets. Capitale des plaisirs, Brighton était lancée. Surtout, ne manquez pas la visite. Entre dragons, lustres disco-balls monumentaux, frises d’oiseaux exotiques, commodes en rotin à la India Mahdavi ou papiers peints jungle très 2014, on peut même piquer au Régent des idées de déco !

CHIC ET BOHÈME

L’excentricité de ce monarque fêtard semble avoir déteint sur la ville entière. Dans ce repaire de comédiens et d’artistes, à l’importante communauté gay, tout est permis. Des dragqueens se produisent dans des pubs de quartier, devant des sexagénaires sortis d’un film de Ken Loach. Le costume bermuda se porte quelle que soit la saison. Les chevelures arborent toutes les nuances du rose ou du bleu. Les salons de tatouage font le plein. Et les musiciens sont comme des poissons dans l’eau. Noël Gallagher, Fat Boy Slim, Paul McCartney ont longtemps habité Brighton. Adele vient d’acheter à Hove – le très chic West End brightonnien -, où Nick Cave vit depuis vingt ans. Du coup, tout l’establishment musical y déménage peu à peu. Avec ses salles cultes (le Dome, le Green Door Store…) et ses festivals cotés, Brighton est une scène en pointe. En fin de semaine, les rues se peuplent de jeunes gens avec des étuis à guitare. Pour découvrir avant tout le monde le prochain Damon Albarn, le chanteur de Blur et de Gorillaz ? Demandez-leur où ils jouent le soir.

L’autre passion locale ? Le shopping, of course ! Les Lanes, l’ancien quartier des pêcheurs, aux maisons basses et aux ruelles labyrinthiques, alignent joailliers contemporains et antiquaires de bijoux anciens. C’est là aussi que les élégantes s’offrent des robes rétro chic pour la saison des mariages, ou la panoplie bobo pour un barbecue sur les galets. Pour des souvenirs plus déjantés ? Mettez le cap sur North Laine. Entre North Street et North Road, d’innombrables petits concept stores diffusent le meilleur (et le plus rigolo) de la jeune création britannique : vaisselle animalière, coussins à message, linge de maison sérigraphié, escarpins-licornes, maillots de bain-sirène… Nola, multimarque pointu, propose les créations de Simeon Farrar, le nouveau wonderboy de la mode anglaise, et les cachemires Chinti & Parker, avec qui Gwyneth Paltrow a collaboré. On va de friperie en friperie, on craque, chez Beyond Retro, immense hangar de fringues vintage, pour un sweater jaune Picallili ou un blouson Harrington (Quadrophenia, l’épopée des mods, fut tourné ici). Les disquaires et les bouquinistes sont bien représentés aussi. Et pour la pause, entre les coffee-shops des hipsters sympas, les pâtisseries aux gâteaux girly, les  » tea mixologists  » et les glaciers créatifs… on a le choix ! Depuis toujours, Brighton est aussi le paradis des chineurs. Partout, on s’engouffre dans des entrepôts capharnaüm, comme Snooper’s Paradise, où l’on déniche des pépites entre un lot de mugs Charles & Diana ou de cachethéières au crochet. Les fans de la période 1950-1970 écumeront Grosvenor Street et Vine Street, puis pousseront jusqu’à Kemptown, quartier bohème et  » village  » (à l’ouest du Pier), pour ses antiquaires pointus autour du Kemptown Flea Market, et ses nombreuses charity-shops. De là, ne pas oublier de se poser une heure ou deux chez Marmalade, délicieux café-restau shabby chic installé dans une maison victorienne.

BRUNCHS RAFFINÉS

Amis foodies, vous serez gâtés aussi ! L’offre de restauration locale a, ces dernières années, été sérieusement upgradée. Les amateurs de sea food exquise – homards, soles de Douvres, huîtres de Jersey… réserveront chez English’s, vieux bistrot Art nouveau qu’adorait déjà Chaplin, ou chez Ridley & Finns, l’  » Oyster & Champagne Bar  » le plus couru de Brighton. Les fans de new British food courront les gastropubs. Et les voyageurs constateront que les cantines locavores de North Laine – notamment Bill’s, bondée pour le brunch – n’ont rien à envier à celles de Brooklyn. D’ailleurs, dans cette mini  » ville monde  » de 270 000 âmes, on peut aussi se régaler de tacos, de sushis, de tapas, de dim-sum, et dîner indien raffiné au très design Chilli Pickle, par exemple. Last but not least, Brighton, QG alternatif, recèle les meilleurs restaurants végétariens du royaume, comme Terre à terre, aux assiettes incroyablement ludiques et festives. Tout cela, bien sûr, n’empêche pas de s’offrir un pèlerinage fish & chips… ou une orgie de Brighton Rocks (sucres d’orge bien chimiques). Car c’est ça, au fond, le charme très particulier de Brighton. En se baladant sur la digue, entre collégiens en uniforme et mamies fans de bingo, on retrouve tout ce qu’on aimait de l’Angleterre un peu kitsch des années Thatcher. Et en flânant dans le centre, on profite du meilleur de l’Angleterre d’aujourd’hui, cool, décalée, hypercréative. Brighton ? C’est bien plus dépaysant que l’East End londonien. Et on peut même glisser un maillot de bain dans la valise, du moins dès que le printemps arrive…

PAR MARIE-ODILE BRIET / PHOTOS : MARIE HENNECHART

C’est là que les élégantes s’offrent des robes rétro chic pour la saison des mariages.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content