Un paysagiste et un historien de l’art ont uni leurs talents pour créer dans la campagne hennuyère le jardin de leur cour. Avec un rare sens de la composition, ils ont conçu une succession de tableaux changeants au fil de la belle saison.

Carnet d’adresses en page 98.

C e jardin baigne dans une atmosphère à nulle autre pareille, celle si paisible que l’on ressent sur la terrasse jouxtant l’habitation dans la lumière filtrée par un gros noyer. Là, les couleurs méditerranéennes aidant, on se laisse charmer par le mouvement perpétuel d’une fontaine dont le mécanisme est soigneusement caché dans l’ancien petit pigeonnier amoureusement restauré.

Paysagiste de formation, Guy Vandersande travaille actuellement pour l’Institut bruxellois de la gestion de l’environnement (IBGE), avec la charge particulière des jardins du Botanique. Francis Peeters, quant à lui, s’appuie sur sa formation en histoire de l’art pour organiser des voyages culturels. Si l’Asie est sa destination préférée, il guide également des visites de jardins en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas.  » Nous avons longtemps vécu en appartement, explique Guy Vandersande. J’avais, avant de rejoindre l’administration, une activité indépendante. Mais j’étais frustré de réaliser les jardins des autres. Voici un peu plus de cinq ans que je peux enfin me consacrer à un espace qui nous appartienne.  »

Le jardin est le fruit de la réunion de deux parcelles. La première fait face à la maison, une habitation traditionnelle de cette campagne située entre Ath et Enghien. La seconde û le terrain voisin û a été acquise peu de temps après l’achat de la propriété.  » C’était une brousse, à l’exception de la base d’une habitation qui n’a jamais pu être terminée, poursuit Guy Vandersande. Plutôt que de tout démolir, nous avons tiré parti de cet espace pour organiser le jardin zen. Et nous avons utilisé du vide ventilé existant pour placer un petit jardin aquatique. Du petit ponton où il se trouve, on jouit d’une perspective transversale qui se prolonge dans la campagne environnante.  »

De ces vues longues, il en est souvent question lorsque ces jardiniers amoureux des plantes expliquent la manière dont ils ont aménagé ce qui n’était, voici peu, qu’un grand quadrilatère de 22 ares. Là où beaucoup créent différentes atmosphères en découpant l’espace en  » chambres  » plus ou moins closes par des haies, la succession des séquences est ici organisée de manière plus fluide, en recourant à la technique des îlots popularisée dans les années 1970 par le pépiniériste anglais Alan Bloom, dans son célèbre jardin de Bressingham, dans le Norfolk. Ce type de plantation organise le jardin en des ensembles autonomes de groupes de plantes. Comme sur les mers, les îlots peuvent prendre différentes formes et reliefs. Ils peuvent être constitués uniquement de vivaces où être dominés par de grands arbustes, par exemple. Ils peuvent aussi être entièrement fleuris ou déterminés par le vert, en privilégiant Hosta et graminées…

 » Notre première démarche a consisté à créer la base du paysage avec des arbres, rappelle Guy Vandersande. Aux quelques-uns qui subsistaient du jardin de l’ancienne occupante, la bonne du curé, nous en avons ajouté beaucoup, comme des Styrax, Pterostyrax, Nyssa et Halesia (l’arbre perce-neige), ainsi que des Magnolia d’été comme M. wilsonii, M. grandiflora, M. sieboldii… Ensuite, nous avons placé nos vivaces, puis des arbustes comme les Cornus, les Viburnum. Nous avons aussi planté des érables japonais, des azalées comme Rhododendron  » Amber Glow  » ou un grand massif de Rosa  » Complicata « .

Fidèles adeptes du Chelsea Flower Show, la célèbre exposition florale londonienne, Guy Vandersande et Francis Peeters en ont ramené l’an dernier une toute nouvelle variété de sureau, le Sambucus nigra  » Black Lace « . Leurs expéditions au Japon sont, elles aussi, sources de nouvelles acquisitions. Et puis, il y a tous leurs coups de c£ur, comme ces magnifiques clématites du groupe texensis, qui déposent leurs fleurs sur un arbuste, faisant penser en plus petit à celle d’une tulipe. Notre préférée entre toutes est Clematis texensis  » The Princess of Wales « . On pourrait également évoquer toutes les plantes qui diffusent leur parfum, comme Calamintha nepeta. Mais impossible, il est vrai, de dresser ici l’inventaire des plantes, arbres et arbustes qui peuplent ce beau jardin.

Une des choses les plus remarquables, du point de vue du visiteur, réside cependant, non dans le choix des différents éléments, mais dans leur combinaison et, bien plus encore, dans la succession des tableaux changeants offerts au fil du temps. Il est en effet amusant de constater combien de mai à septembre, le même endroit, la même vue, peut évoluer. Là où les Allium ou les Euphorbia règnent au printemps, on trouvera, quelques semaines plus tard, un festival de Rudbeckia ou d’Echinacea. Sans oublier, dès août, le beau spectacle des graminées ondulant dans le vent chaud de la fin d’après-midi. Et puisque l’on a affaire à de véritables collectionneurs dans l’âme, on ne s’étonnera guère de trouver ici, bien à l’abri des vents du nord, quelques plantes exotiques comme un très beau mimosa, un bananier ou des essences bien plus méconnues tel ce Lagerstroemia indica venu d’Inde, comme son nom le laisse supposer…

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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