arnaud samuel et gaëtan roussel poursuivent en tandem la belle aventure de louise attaque. ils ont donné naissance à tarmac, un band qui fleure bon  » notre époque « . rencontre.

CD  » Notre époque « , chez Bang !

Arnaud Samuel (39 ans) et Gaëtan Roussel (31 ans) sont tous deux multimil- lionnaires mais n’affichent aucun signe extérieur du considérable succès musical, critique et financier du groupe Louise Attaque (plus de trois millions d’albums vendus en France). Formation phare de la génération lycéenne de la fin des années 1990, Louise Attaque s’est propulsée par un rock-folk énergique avant de se mettre en pause-carrière il y a deux ans environ. Alors que le bassiste Robin Feix et le batteur Alexandre Margraff formaient Ali Dragon, le chanteur Gaëtan Roussel et le violoniste Arnaud Samuel donnaient, eux, naissance à Tarmac. Un joli band qui dissimule derrière son patronyme de bitume, une douceur hypnotique, encore plus convaincante sur le deuxième album  » Notre Epoque « . Rencontrés à Paris, Gaëtan et Arnaud sont exactement comme on le pressentait : ouverts sur leur musique, fermés sur leur intimité.

Weekend Le Vif/L’Express : Comment Tarmac a-t-il succédé à Louise Attaque ?

Arnaud : Ce n’était pas prévu, on ne savait pas à l’avance si on allait faire de la musique ou pas. Dans la pause qu’on s’était accordée avec Louise Attaque, Gaëtan et moi, on s’est revu assez souvent, et entre la poire et le fromage, on s’est retrouvé à faire de la musique avec nos deux instruments, la guitare et le violon.

Pourquoi avoir choisi un nom tel que Tarmac ?

Gaëtan : Le tarmac comme piste d’atterrissage et de décollage constitue une zone  » libre « , qui n’appartient à personne.

Arnaud : C’est l’idée du maximum de liberté.

Quelle image gardez-vous des derniers instants de Louise Attaque ?

Arnaud : C’était un festival. On avait l’impression d’être avant une pause. Comme si on allait prendre des vacances. Cela ne ressemblait pas à une fin. Mais si ça tombe, après trois ans de pause, on va se revoir et trouver que, non, il n’y a plus rien à dire. Mais c’est peu probable vu que tout le monde a envie, tout au moins, de se revoir.

Comment se protège-t-on, pratiquement, d’un tel succès, d’une telle  » louiseattaquemania  » ?

Arnaud : En essayant de ne pas être trop à découvert, de ne pas avoir sans cesse sa photo dans les magazines. On aurait pu répondre aux sollicitations non pas nécessairement de magazine people, mais de magazines rock ou classiques, sérieux. Mais qui nous auraient mis en valeur plus qu’on ne le voulait. Grâce à cela, on a pu aller faire nos courses au supermarché normalement. On tenait à préserver notre vie privée et on y est pas mal parvenu. Sans non plus se terrer.

Vous avez gagné beaucoup d’argent. Qu’est-ce que cela a changé dans votre vie ?

Arnaud ( réflexion) : On s’est acheté des appartements, ce qui est déjà pas mal. L’argent nous a surtout permis d’avoir une certaine liberté créative. Psychologiquement parlant, c’est plus confortable, parce que les gens de la maison de disques, par exemple, sont plus dans une relation de confiance. Pour le deuxième album de Louise Attaque, on ne nous a mis aucune contrainte…

Dans votre nouvel opus signé Tarmac, vous reprenez des textes de Fernando Pessoa et Walt Whitman.

Arnaud : On a repris Whitman à partir du moment où on a commencé à composer Louise Atta… ( Arnaud Samuel se reprend et sourit.), pardon, quand on a commencé à composer  » Notre Epoque « . A un moment, un peu par hasard, on a été attiré par ce texte de Walt Whitman qui semblait pouvoir parfaitement prolonger l’idée de Gaëtan racontant la déambulation dans une ville d’une fille nommée Kiko. Idem sur  » Chaque Ville  » : dans Pessoa, on avait l’impression de retrouver cette même sensibilité…

Vous êtes très français dans le sens où vous êtes  » littéraires « , à l’opposé de ce que peut être la musique anglo-saxonne. En France, tout finit toujours par de la littérature !

Gaëtan : On est peut-être de vieux enfants, de grands enfants, de la littérature.

Arnaud : J’avais lu Whitman au lycée et Gaëtan a découvert Pessoa au cours de ses lectures…

On imagine bien la musique de Tarmac jouée au fin fond de Lisbonne, à l’extrémité de l’Europe, devant l’Océan…

Gaëtan : Lisbonne dégage quelque chose de particulier, c’est sûr. Comme Barcelone que j’aime bien. L’espagnol û que je ne maîtrise pas au point d’avoir une conversation sophistiquée û est entré dans les chansons de Tarmac parce qu’on avait envie d’une autre langue, de chanter différemment d’autres sons, d’autres intonations. C’est comme pour la musique. On essaie d’en élargir le spectre et de rebondir d’un instrument à l’autre, d’une voix à l’autre. C’est pour cela qu’on a voulu prendre, par exemple, un refrain en espagnol alors que le couplet est en français. Il n’y a pas de plan préconçu : on comprend sans doute mieux à présent ce qu’est Tarmac plutôt qu’à ses débuts. C’est un groupe à géométrie variable.

Dans une série DVD qui leur est consacrée, les Beatles sont filmés en train de travailler, de discuter… On y voit le groupe avec ses tensions, ses crises, ses doutes. Imagineriez-vous être l’objet d’un tel reportage ?

Arnaud (tout de suite) : Pas du tout, non ! Ce sont des échanges privés. Notre façon de communiquer avec le public, c’est d’abord à travers la musique, que ce soit en concert ou par le disque, parce qu’elle nous paraît la plus vraie, la plus saine. Les Beatles avaient peut-être envie de montrer cela aux gens, nous, on choisit ce qu’on a envie de leur donner. Par exemple, on fait attention au prix d’entrée des concerts. La tournée qu’on vient de faire avec Tarmac, c’est 15 euros !

Mais votre disque est néanmoins vendu au même prix que les autres !

Arnaud : C’est quelque chose qu’on ne maîtrise pas, pas plus que les clips que paie la maison de disques.

Arnaud : On est éditeur de  » Notre Epoque  » et coéditeur du premier disque de Tarmac. Sinon, on est lié pour quatre disques avec Atmo-sphériques, notre maison de production, qui peut aussi prendre les projets parallèles des individus ou les refuser !

Vous proposez une musique digne, sensible. Vous affichez une  » rigueur  » pas très rock’n’roll, pas très révoltée. Il n’y a pas de dépassement. Cela vient-il de votre façon de vous vendre… ou plutôt de ne pas vous vendre !

Arnaud : Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’avis, de révolte ou de dépassement. Du dépassement, sans doute pas mais de la révolte il y en a là ! Cela dit, la vraie révolte doit-elle se fondre dans la révolte d’Epinal de la rock’n’roll attitude ? Sur scène, je pense qu’on a parfois les comportements des débuts de Louise Attaque qui pouvaient aller vers le punk dans sa façon de se donner. Faut-il montrer ses fesses et faire des bras d’honneur ? Je ne le crois pas. Mais ce n’est pas pour cela qu’on n’est pas révolté par l’époque et qu’on ne traduit pas cet état d’âme dans notre musique et nos textes. Peut-être est-ce en filigrane.

C’est votre force et votre faiblesse…

Arnaud : On préfère cela. Ce n’est pas pour autant qu’on n’a pas d’idées sur l’ouverture d’esprit et celle des frontières…

Disposez-vous de témoignages indiquant que l’une de vos chansons a changé la vie de quelqu’un ? Des fans se sont-ils mariés sur votre musique ?

Gaëtan : Ce qui est drôle, c’est quand on rencontre des gens qui aiment Louise Attaque, ils nous parlent plus de ce qu’ils ont vécu sur la musique que de la musique elle-même. Ils racontent le retour en bagnole de je ne sais où : il n’y a qu’une cassette et c’est celle de Louise Attaque !

Peut-on parler un instant de votre enfance ?

Gaëtan : Je viens de l’Aveyron. Ma mère écoutait peu de musique. Mon père était à l’Education nationale. J’ai fait le tour de la France avec mes parents. J’ai beaucoup écouté Brel, Brassens, Renaud. Je ne me suis mis à la musique qu’assez tard…

Arnaud : Mon père est originaire de Bagdad, un juif irakien qui a immigré en 1951. Ma mère est française. Personnellement, j’ai une culture très mélangée : il y a l’apport oriental de mon père, l’apport classique de ma mère, et toutes les musiques qu’on entendait au lycée.

Vos parents sont-ils fiers de vous ?

Arnaud (surpris) : Vous leur demanderez !

Quelle est pour vous l’importance d’être français ?

Arnaud : Cela va paraître bateau mais je pense que je peux parler pour nous deux : on a le sentiment de faire partie du monde et que c’est le hasard qui nous a mis en France à un moment donné. On ne choisit pas son pays. Dans ce que l’on exprime, il y a plutôt la sensibilité d’être un élément parmi d’autres dans la multitude. En re-vanche, on peut faire entendre avec la musique, sa voix, sa sensibilité.

Vous dites-vous parfois que vous auriez pu naître à Bagdad et avoir alors une vie complètement différente ?

Arnaud : ça, c’est un peu spécial. L’Irak est le pays de naissance de mon père, il n’est pas forcément le pays qui l’a accueilli et l’a fait grandir ! On rejoint un débat politique sensible qui nous emmènerait assez loin !

Souhaiteriez-vous réagir à chaud sur les événements politiques ?

Arnaud : On pense que Tarmac n’est pas nécessairement le lieu pour faire ça ! Notre sensibilité s’exprime à travers la musique et on n’a pas nécessairement à dévoiler nos idées politiques û qui peuvent d’ailleurs fluctuer. En revanche, nous avons une sensibilité politique à exprimer, qui peut être assez profonde ! Ce n’est pas pour autant que tout doit se mélanger entre nos idées personnelles et Tarmac.

Là, c’est de la langue de bois !

Arnaud ( vexé) : Ah non ! On n’est pas prudents. Si l’on considère le dernier thème politique pour lequel on s’est manifesté publiquement û la présence de Le Pen au deuxième tour des présidentielles françaises au printemps 2002 û Tarmac a pris des positions réelles, et a d’ailleurs organisé un concert. Ce n’est pas pour autant qu’on en a fait une chanson…

Recevez-vous beaucoup de déclarations d’amour ?

Arnaud : De ma femme, cela arrive !

Propos recueillis par

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content