À 32 ans, Thibault de Montaigu décrit dans son troisième roman les tourments d’une jeunesse dorée dans la folie de l’après-guerre. Accros à l’amour et aux substances illicites, leur jouissance de la vie peut parfois mener à la déchéance.

L’écriture est-elle un grand geste ?

Oui, il s’agit d’une gestuelle intime et profonde, où l’on se risque énormément, tant on s’y engage.

La littérature est-elle pour vous une passion héréditaire ?

Étant le fils de Françoise Gallimard, j’ai grandi au milieu des livres que je jalousais parce qu’ils absorbaient les adultes qui m’entouraient. Alors autant voir avec qui ils me trompaient ( rires) !

Petit, vous vouliez devenir…

Pompier, puis écrivain car je vivais parmi eux. À mes yeux, ce métier permettait de vivre de multiples vies en restant tranquillement chez soi.

Votre rêve d’enfant ?

Tout petit, je pensais être le Messie, porteur d’un message. Mais à 15 ans, je rêvais de monter sur scène avec les Stones.

Quels sont vos héros ?

Ils craignent d’être seuls et de passer à côté de leur vie. Aussi se situent-ils dans l’excès permanent qui leur permet de se sentir vivant. Or, on est le seul siège de son bonheur.

Pourquoi la jeunesse anime-t-elle vos romans ?

Ma génération se brûle les ailes, alors je suis fasciné par le paradis perdu. Certains êtres ont tout. Ils sont en pleine possession de leurs moyens physiques, intellectuels et matériels, mais ils chutent. Ce thème fitzgeraldien m’obsède.

Un rêve d’adulte ?

Continuer à avoir cette verve créative, me permettant d’avoir des livres en moi. Vivement qu’ils rencontrent une résonance.

Quel mot vous définit ?

La nostalgie. J’ai beau lutter contre, j’ai l’impression d’être né à la mauvaise époque. Ainsi, je recrée la mythologie des années 50 où la jeunesse s’invente. Cette fuite vers le passé rime avec une explosion de liberté, que j’aimerais retrouver.

Qui incarne le mieux cette époque ?

Sagan, Bardot, Gréco et Jeanne Moreau, qui mènent leur vie et leurs amours de façon libre et indépendante. J’adore ces amazones, fortes et effrontées, qui aiment les hommes et rivalisent avec eux.

L’amour, damnation ou libération ?

C’est très ambivalent, parce qu’on est dans le don et l’oubli de soi. Ceux qui sont incapables d’aimer sont esclaves d’eux-mêmes.

Quand êtes-vous ivre de vous-même ?

Lorsque j’écris une belle page, mais je dessaoule vite ( rires). Je me complais dans l’insatisfaction, moteur de la création. La littérature est l’inverse de la psychanalyse : on n’est pas dans l’enfermement de soi, mais dans la réinvention de soi.

Peut-on vraiment échapper à soi comme vous l’affirmez ?

Non. Le destin nous dépasse, mais ce qui compte c’est le voyage, quitte à s’écraser.

Que renferme votre  » musée de poche  » ?

Des livres adorés, des lettres de femmes et des bouteilles de vin. Je travaille avec obstination à embrasser la vie.

Les Grands Gestes la nuit, par Thibault de Montaigu, Fayard, 343 pages.

KERENN ELKAÏM

Je me complais dans l’insatisfaction, moteur de la création.

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