2003 marque le grand retour de Tom Barman, leader de dEUS, sur la scène médiatique. Au programme : un premier long-métrage en tant que réalisateur ( » Any way the wind blows  » annoncé pour le 18 juin prochain) et – enfin ! – des retrouvailles musicales avec son groupe, dès la fin de l’été, pour un nouvel album en studio. Action !

Bon prince, Tom Barman nous a offert une parenthèse textile sous le ciel de Bruxelles. En exclusivité pour Weekend Le Vif/L’Express, le chanteur de dEUS a en effet accepté de jouer au mannequin d’un jour pour célébrer, à sa manière, la mode masculine de l’été 2003 (voir pages 80 à 85). Son agenda est pourtant bel et bien rempli. Outre un premier long-métrage en postproduction (dont la sortie est annoncée pour le 18 juin prochain), le jeune artiste anversois multiplie les projets musicaux entre ses performances de DJ, un premier album électronique sous le nom de Magnus et, surtout, un retour en studio avec les autres membres de dEUS en septembre. A 31 ans, Tom Barman est plus gourmand que jamais et fait le point, avec nous, sur cette boulimie de travail et sa vision de la mode…

Weekend Le Vif/L’Express : Certains artistes rock aiment porter, en concert, des vêtements de créateurs renommés. Est-ce votre cas ?

Tom Barman : Non, je n’aime pas trop ça. Je n’aime pas les groupes qui ont un look trop recherché, trop  » fini « . Quand tout est parfait, ça m’énerve. Mais bon, on pourrait dire que l’imperfection est un acte tout aussi délibéré…

Etes-vous tout de même soucieux de votre image ?

Oui, c’est vrai que je m’en préoccupe, mais d’une façon assez nonchalante. Ce n’est pas si important. En fait, j’aime beaucoup les mélanges : des vêtements habillés et casual, une veste de costume avec un pantalon militaire… C’est un peu comme mes goûts en musique, en peinture ou au cinéma. C’est très varié.

Considérez-vous les créateurs de mode comme des artistes au même titre que les musiciens ou les cinéastes ?

Certains le sont. Je pense notamment à Raf Simons. C’est quelqu’un qui a aussi une vie en dehors de la mode. Il a des concepts, il explore la photographie, les films, la musique… J’aime beaucoup quand quelqu’un élargit sa vision des choses et quand il partage des influences un peu plus larges. Je considère donc Raf Simons comme un artiste, tout comme Veronique Branquinho d’ailleurs. A Anvers, il y en a quelques-uns. C’est une petite ville. Tout le monde se connaît.

Votre premier film,  » Any Way the Wind Blows « , qui est actuellement en phase de postproduction, a justement la ville d’Anvers comme décor principal…

Oui, c’est vrai qu’il s’agit avant tout de l’atmosphère d’une ville. Il n’y a pas un personnage principal, mais une série d’histoires parallèles. Le titre fait d’ailleurs référence à une chanson de JJ Cale car, dans le film, le vent sert de colle entre les personnages. Mais je ne veux pas en dire plus pour laisser la surprise aux spectateurs. Cela dit, il s’agit effectivement d’une atmosphère urbaine qui entoure des personnages tels que je ne les vois pas assez dans des films belges ou, du moins, flamands. Car, en Wallonie, vous avez les frères Dardenne…

Votre film serait-il donc porteur d’un message social ?

(Hésitant.) J’ai un peu l’impression d’avoir vécu dans une bulle au cours des années 1990. Quand je ne faisais pas la fête, j’étais en studio ou en tournée avec dEUS. J’ai donc un peu le sentiment d’avoir négligé le côté engagé et social durant toutes ces années. Là, c’est un peu plus calme depuis trois ans et je suis en train de récupérer tout ça. Je vis plus au c£ur de la société, j’écoute un peu plus les gens, je lis davantage les journaux… Bref, je fais attention ! Tout ça pour vous dire que, dans ce film, il y a, forcément, quelque chose de social, mais pas politique, car les films des frères Dardenne sont assez politiques. Chez eux, la prise de position est très engagée. Mais la politique peut se décrire autrement. Cela peut être l’émotion d’une ville, les relations entre les gens…

Précisément, pensez-vous qu’il est de votre devoir, en tant qu’artiste anversois, de vous prononcer publiquement contre le Vlaams Blok à la veille des prochaines élections ?

Je suis persuadé que les gens qui m’écoutent depuis longtemps ne votent pas pour le Vlaams Blok. Je n’ai donc pas envie de prêcher des convertis. Cela dit, ce n’est pas une raison pour ne pas prendre mes responsabilités. C’est évident qu’il faut contrer le Vlaams Blok, mais je pense qu’on peut le faire de manière plus subtile, plutôt que de grimper aux barricades en hurlant aux gens ce qu’ils doivent faire. Avec dEUS, on a toujours fait état d’un esprit d’ouverture dans notre travail quotidien. Je suis persuadé que le message passe mieux de cette façon. Donc, pour moi, il ne sert à rien d’exprimer littéralement un  » Non au Vlaams Blok !  » Il faut agir de manière plus subtile. C’est comme ça que je vois les choses.

Revenons-en à votre film. A quelques semaines de sa sortie, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous ?

Je me sens très bien. C’est un des plus beaux moments de ma vie parce que c’est comme un long voyage qui est en train de se terminer. J’ai tout appris dans ce film parce que je n’avais, jusqu’ici, jamais réalisé de long-métrage, ni écrit de dialogues. A ce propos, il était très intéressant, pour moi, de voir ce que font les acteurs avec leur personnage respectif et les dialogues écrits. Au tout début, je voyais plutôt le scénario comme une comédie. Mais au fil de l’écriture, cela a un peu changé. Il y a des moments comiques, mais ce n’est pas une comédie. J’ai souvent utilisé le jeu de mots  » soft neurotique  » pour décrire le projet en référence à un film qui serait  » soft érotique  » comme  » Emmanuelle.  » Mais c’est un petit peu dépassé. Aujourd’hui, je dirais plutôt qu’il s’agit d’une comédie  » soft existentielle « …

A l’époque de votre tout premier album avec dEUS, certains critiques avaient utilisé les termes  » expérimental mais accessible  » pour décrire votre musique. La formule pourrait-elle être utilisée pour votre premier long-métrage ?

Je le pense bien. Avec dEUS, on a toujours utilisé des influences qui n’étaient pas très évidentes mais qui étaient mises dans un contexte un peu plus accessible. Dans mon film, c’est un peu pareil. D’ailleurs, quand j’ai commencé à écrire, je ne voulais pas une histoire du style  » C’est un garçon qui rencontre une fille et puis, il se passe ceci et cela.  » Dans mon film, il ne s’agit pas d’une histoire très linéaire. Il y a différentes histoires. C’est assez  » jazz  » comme structure. J’attends impatiemment les premières réactions…

Contrairement à vos fans, le grand public ignore que votre passion première était le cinéma bien avant la musique…

Effectivement. Comme tous les gens de mon âge, je suis né avec la vidéo. J’ai appris à décortiquer les films et, ensuite, j’ai rapidement eu envie de construire moi-même ce monde-là. Bizarrement, je n’ai jamais voulu être acteur. Dès l’âge de 14 ans, je voulais devenir metteur en scène et, donc, j’ai commencé des études de cinéma à Sint-Lukas. Malheureusement, je n’ai pas terminé parce que je me suis fait renvoyer : je m’étais fait prendre en train de tricher à un examen !

Evidemment, j’ai été assez triste sur le moment même, mais, aujourd’hui, avec le recul, je suis plutôt satisfait. Car cela m’a permis de former dEUS, de réaliser les clips du groupe et puis, finalement, de faire ce film. J’ai rattrapé le cinéma !

dEUS est donc né par hasard…

C’est très simple. J’ai acheté une guitare et j’ai appris à jouer avec une cassette ! J’écoutais beaucoup Léonard Cohen, Neil Young, JJ Cale… et je jouais leurs morceaux dans ma chambre. Un jour, j’ai rencontré Stef Kamil et on a commencé à jouer dans la rue, un peu partout en Europe. On mettait un chapeau par terre et on gagnait à l’époque entre 400 et 500 francs que l’on buvait en Duvel ! C’est comme ça qu’on vivait et que l’on a rencontré les autres membres de dEUS…

Pouvez-vous rassurer vos fans sur l’avenir de dEUS ?

On va tous se retrouver dès la fin de l’été pour commencer à écrire de nouveaux morceaux. J’ai déjà quelques pistes de chansons et j’aimerais vraiment faire ce que l’on n’a pas fait avec  » Ideal Crash « , c’est-à-dire un disque assez  » up tempo « , très sexy et très dur. A l’époque, on avait changé le projet initial en cours d’enregistrement. On était en Espagne et moi, je vivais une relation complètement tordue. Donc l’atmosphère a joué. Alors là, on va faire ce qu’on voulait faire à l’époque. Donc, ce sera bien rock ! Idéalement, la sortie de ce nouvel album devrait se faire au printemps 2004. Mais bon, comme tout le monde est occupé avec des projets parallèles, il n’est pas impossible que cela prenne plus de temps que prévu. De toute façon, je suis très optimiste et j’espère que les autres membres sont aussi motivés que moi. Je crois que tout le monde en a vraiment envie, parce que ça fait longtemps qu’on n’a plus fait un album ensemble…

Mais dEUS n’est pas votre seul projet musical à l’heure actuelle…

Effectivement, il y a le projet Magnus plus électronique avec un single prévu à la mi-avril et un album en septembre. D’ailleurs, j’utiliserai quelques morceaux pour la bande originale de mon film. Je continue aussi ma petite expérience de DJ avec des sets en Belgique et aux Pays-Bas. Et puis, il y a aussi un best of des concerts acoustiques que j’ai faits en duo avec Guy Van Nueten. Tout arrive un petit peu en même temps, donc je suis super excité !

Qu’est-ce qui vous passionne le plus en définitive : la musique ou le cinéma ?

Je n’ai pas envie de faire passer l’un avant l’autre. Un film, c’est un travail de longue haleine, donc c’est nécessairement différent. Cela prend beaucoup plus de temps : un an pour écrire, au moins un an pour trouver de l’argent, six mois pour tourner, 4 mois pour la postproduction… Il faut donc compter au minimum trois ans, voire quatre, pour mener à bien un projet. Et puis, la sortie du film en elle-même est un peu le cauchemar de tous les réalisateurs. Comme François Truffaut le disait si justement, cela prend le même temps pour faire un bon film que pour en faire un mauvais. Donc, cela représente trois ou quatre années d’une vie et puis, les critiques entrent en jeu. Ils peuvent dire que le film est mauvais, alors les gens n’y vont pas et il disparaît de l’affiche après une semaine. C’est un cauchemar ! Bien sûr, cela me fait peur et je crois que je réagirais très mal. Mais cela ne m’abattrait pas pour le suivant. J’ai appris tant de choses avec ce premier film. Donc, peu importe si c’est un succès ou un flop, j’en ferai un autre. Avant l’âge de 40 ans, je veux encore faire au moins trois films. D’ailleurs, j’ai déjà commencé l’écriture de mon deuxième long-métrage…

Et si vous étiez contraint de choisir, un jour, entre dEUS et votre carrière de réalisateur…

Il doit être possible de pouvoir combiner les deux. Emir Kusturica le fait. Il a son groupe, il fait des tournées et il continue à réaliser des films. Donc, pourquoi pas ? Et puis, la combinaison des deux est tellement magique ! Le son et l’image, c’est ma religion.

Votre avenir sera donc forcément pluridisciplinaire…

Si Dieu le veut !

Propos recueillis par Frédéric Brébant

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