Sans Topshop, le géant britannique du prêt-à-porter branché, la London Fashion Week ne serait pas ce qu’elle est. Le temple de la mode highstreet, qui a propulsé Hussein Chalayan et Clements Ribeiro, est devenu le sponsor majeur des jeunes créateurs. Explications sur les raisons d’un succès.

A Londres, le passage obligé d’un jeune créateur passe par Topshop. Comme s’il était impératif de se frotter aux réalités de la grande distribution avant de lancer sa propre marque. Les jeunes talents, souvent repérés à la fin de leurs études, au sein du prestigieux Saint Martins College of London, sont soutenus par la chaîne trendy de prêt-à-porter pour présenter leur défilé. En contrepartie, ils dessinent une collection capsule distribuée dans les magasins de la marque. Ainsi, de grands noms, tels Hussein Chalayan ou Clements Ribeiro, ont fait leurs premières armes chez Topshop. D’autres, comme la créatrice grecque Sophia Kokosalaki, y sont restés fidèles et continuent d’être sponsorisés même en dehors des frontières britanniques. En effet, grâce au soutien du grand magasin, Sophia défile désormais à Paris.

En décembre dernier, l’enseigne fondée en 1964, aujourd’hui membre du groupe Arcadia dirigé par le milliardaire Philip Green, reconduisait son contrat avec le British Fashion Council, organisateur de la London Fashion Week, pour quatre saisons supplémentaires. En quelques années, le temple de la  » highstreet fashion  » est devenu le sponsor incontournable de la semaine de la mode londonienne. Au total, près du tiers des créateurs qui défilent sur les catwalks à Londres, lauréats de la New Generation Award, sont soutenus par la chaîne. Depuis 2004, Topshop soutient aussi la manifestation baptisée  » Fashion East  » qui se veut découvreuse de jeunes talents pendant la London Fashion Week et qui mettait en avant, en septembre dernier, le travail de Marios Schwab, Spijkers en Spijkers et Gareth Pugh.

Le rendez-vous de la branchitude londonienne

La même semaine, pour clouer le bec à ceux qui accusent la chaîne de copier les grandes marques, Topshop présentait également, pour la première fois, son propre défilé, la collection printemps-été 2006 de sa ligne  » Unique « , fruit du travail des équipes de designers  » in house  » depuis 2001. Une collection qui donnait le ton des tendances et qui rivalisait avec le travail des créateurs du calendrier officiel.  » Personne ne voulait passer ni avant, ni après le défilé Topshop, confie le duo Sinha-Stanic, également sponsorisé par l’enseigne et approché pour réaliser une collection capsule ( lire pages 84 à 88). En effet, ils disposaient des meilleurs mannequins et des meilleurs invités.  » Pour la presse, outre l’affaire Kate Moss, le show de la mode à petits prix était l’événement mode de la semaine. Un événement très attendu, tout comme la soirée organisée dans la foulée au sein de Home House, un club de membres très sélect, particulièrement prisé par la chanteuse Madonna. La fête, qui avait lieu le même soir que le lancement de Puma by McQueen, a ainsi réuni toute la branchitude londonienne (lire pages 70 à 75).

Dans l’espace réservé aux jeunes créateurs des principaux magasins de Topshop, on pourra découvrir, ce printemps-été 2006, des créations signées Sophia Kokosalaki, Zandra Rhodes, Jonathan Saunders, Emma Cook, Peter Jensen, Preen, Richard Nicoll et Future Classics. L’enseigne distribuera également une partie de la ligne  » Unique  » chez Colette à Paris, pendant la semaine de la mode, dès le 27 février. Et annonce, pour début avril prochain, un co-branding avec Celia Birtwell. La créatrice icône du Swinging London des années 1960, mariée à Ostie Clark de 1969 à 1975, a en effet dessiné, en exclusivité pour Topshop, une collection nourrie d’imprimés Sixties.

298 boutiques en Grande-Bretagne

 » La Mecque Fashion « , telle que la baptisait le quotidien britannique  » The Independant  » qui lui consacrait deux pleines pages en septembre 2005 lors de la London Fashion Week, vient aussi d’inaugurer un mégastore à Dublin sans parler des projets d’ouverture à New York, Tokyo, Paris et Milan en plus des 298 boutiques existantes. La vitrine de l’enseigne, située sur Oxford Circus, un immense navire de 90 000 m2, accueille 180 000 visiteurs chaque semaine et renouvelle son stock deux fois par jour !

Dans les bureaux du Groupe Arcadia, situés dans Berners Street en plein c£ur de Soho, où, en cette veille de week-end, une frénésie de hall de gare s’est emparée de la salle d’attente, explications sur les raisons d’un succès avec Caren Downie, la responsable des achats chez Topshop.

Weekend Le Vif/L’Express : Topshop est-il le pionnier, en Grande-Bretagne, pour sa politique de soutien à la jeune création ?

Caren Downie (Topshop) : Non, pour être parfaitement honnête, nous ne sommes pas les premiers. Avant nous, le grand magasin Debbenhams l’avait fait, mais nous avons réussi le tour de force de devenir incontournable et très pointu en termes de sélection de talents émergents. Le premier créateur que nous avons soutenu était Clements Ribeiro il y a environ sept ans.

Peut-on dire que, sans Topshop, la London Fashion Week ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui ?

(Rires.) Cela fait environ cinq ans et demi que nous soutenons la New Generation à la London Fashion Week. Nous avons signé, en décembre dernier, pour quatre saisons encore. Sans nous, ils seraient désespérés, on peut le dire !

Que représentent pour vous les ventes des collections capsule ?

Très peu. Pour vous donner un ordre d’idée, notre pièce-phare, une paire de jeans cigarette se vend à 20 000 exemplaires par semaine (au total, nous vendons 38 000 paires de jeans par semaine). Alors, à côté de ces chiffres, les jeunes créateurs pour lesquels nous éditons cinquante pièces, vous vous rendez compte… De toute façon, la massification n’est pas l’idée recherchée au travers de notre politique de soutien à la jeune création.

Qui achète les collections capsule ? Est-ce une clientèle différente de celle de Topshop ?

C’est difficile à dire. Ce sont des pièces plus chères et qui partent généralement plus vite durant la semaine de la mode. Je pense que les clients sont des journalistes et des gens de la mode qui connaissent les créateurs et qui viennent s’approvisionner. Mais, parfois, ce n’est pas parce que le créateur est connu que cela se vend mieux. Une fois, nous avons mis en vente les créations de jeunes diplômés de Saint Martins College et c’est parti très vite. Au bout du compte, c’est la qualité de la collection qui importe.

Avez-vous la possibilité d’offrir aux jeunes créateurs des matériaux de qualité ?

Au début, ce n’était pas forcément le cas car nous étions très à cheval sur les coûts. Mais, désormais, nous avons développé la qualité des produits et nous avons légèrement monté les prix des collections capsule. Du coup, les jeunes créateurs ont accès à un très bon niveau de tissu et de fabrication.

Votre particularité par rapport à des chaînes comme H&M, par exemple, est que vous n’êtes pas dans le  » one shot « . Vous suivez les créateurs sur la durée…

Oui, parce que nous pensons que si les jeunes créateurs bénéficient d’une aide au départ, le plus difficile pour eux, c’est de perdurer. Nous ne les laissons donc pas tomber. Le meilleur exemple est la créatrice Sophia Kokosalaki avec qui nous poursuivons notre collaboration depuis cinq ans. Elle continue à dessiner des collections pour nous et nous la soutenons pour qu’elle puisse monter son show à Paris. Sans nous, elle ne pourrait probablement pas présenter sa collection dans la capitale française où les défilés coûtent beaucoup plus chers qu’à Londres. Hussein Chalayan, par exemple, a dessiné trois collections pour nous. Cela dépend en fait des autres contrats qu’ils signent et où ils en sont dans leur carrière. Mais, en tout cas, ce partenariat les aide dans leur développement. C’est une bonne carte de visite pour eux.

Comment les choisissez-vous ? Vous traquez tous les défilés ?

Au début, nous procédions ainsi, mais maintenant nous recevons tellement de portfolios que nous opérons les sélections en interne. Quant à la New Generation de la London Fashion Week, nous disposons d’une équipe de  » fashion scouts  » qui sélectionnent les créateurs à suivre. Pour le printemps-été 2006, nous avons ainsi aidé financièrement Giles, Basso & Brooke, Ashish, Sinha-Stanic, Roksanda Ilincic, et c.neeon.

Vous avez soutenu Hussein Chalayan ou Clements Ribeiro à leurs débuts. Tous les grands noms de la scène britannique sont donc passés par Topshop…

Sauf Roland Mouret, mais il est français !

Vous ne sélectionnez que des talents britanniques ?

Au départ oui, mais aujourd’hui cela tend à s’élargir un peu. Par exemple, cette année, nous soutenons c. neeon, le duo berlinois qui a remporté le Festival de Hyères en 2005. Et désormais, Clara Kraetsch et Doreen Schulz défilent à la London Fashion Week.

Vous avez également des projets avec des créateurs irlandais…

Oui, à l’occasion de l’ouverture de notre première boutique internationale à Dublin, j’ai pris des contacts avec des créateurs irlandais pour qu’ils dessinent des collections capsule. C’est notre première vraie boutique internationale. Les autres, celles de Barcelone par exemple, sont des franchisés.

Et qu’en est-il de vos intentions d’ouverture sur New York et Paris ?

New York n’est pas encore confirmé. Nous sommes à la recherche du site idéal. Pour l’instant, nous présentons notre collection dans une boutique de Manhattan,  » Opening Ceremony « . Ils distribuent, depuis septembre dernier, notre ligne  » Unique  » et certaines de nos collections capsule. Nous envisageons aussi une ouverture à Paris, à Tokyo, à Milan avec, à chaque fois, une politique de soutien aux jeunes créateurs du pays. A Milan, il faudra que nous réfléchissions à une vraie stratégie car les jeunes créateurs italiens ne sont pas vraiment médiatisés.

Pour la première fois à Londres, en septembre dernier, Topshop a présenté sa propre collection  » Unique « . Une provoc ?

C’était une manière de montrer que nous sommes aussi des créateurs. Notre prochain défilé aura lieu en mars, en dehors du calendrier de la London Fashion Week. Nous disposons d’une équipe de quinze designers à laquelle s’ajoutent des free-lances. Leur offrir un défilé, c’est leur donner une chance unique de montrer leur créativité.

Mais vous faites indéniablement des copies, comme cette robe en laine directement inspirée du modèle de Dior et vendue l’hiver dernier…

C’est très similaire, en effet, on essaie au maximum de ne pas copier, mais certains produits sont tellement demandés ! Vous savez, la culture de la copie est l’héritage de la  » highstreet fashion  » en Grande-Bretagne…

Internet : www.topshop.co.uk

Agnès Trémoulet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content