Jeune designer complètement dévoué à sa discipline, il fait partie des talents les plus prometteurs de la nouvelle génération belge. Son chez lui est à son image. Nous l’y avons rencontré, pour deux heures de discussion forcément passionnée.

Autour de la table surmontée d’une suspension PH5, des chaises signées Panton, Grcic ou Prouvé. Frederik Delbart est un amoureux des objets et ne s’en cache pas. Dans un coin du salon, le fameux Phonosuper SK5 de Dieter Rams, acquis quand il était encore étudiant.  » C’était mon rêve, j’ai mangé des pâtes pendant un mois pour l’acheter. Il est plus vieux que mon père, mais passe des vinyles de Daft Punk.  » Détermination, culture du design et ancrage dans la modernité, en une phrase, c’est tout son univers qu’il vient de résumer.

Originaire du Limbourg, il habite Bruxelles depuis près de dix ans, attiré dès l’adolescence par La Cambre et sa filiation historique avec le Bauhaus. Aussi loin qu’il s’en rappelle, le jeune homme a voulu être designer. Depuis la maternelle, il en pince pour les voitures, avant de rapidement s’intéresser à tout ce qui se dessine – maisons, mobilier ou appareils électriques – avec l’envie secrète de tout réinterpréter à sa manière.  » Quand j’étais petit, mes parents étaient abonnés au Vif Weekend et chaque semaine, je regardais les images, les formes, les noms ; j’apprenais.  » Et l’on croit l’anecdote, à voir les caisses de vieux périodiques, dont l’une est effectivement estampillée au nom de notre magazine. Face à ces montagnes d’imprimés, se dresse un mur de livres et de publications spécialisées. Peu importe que le texte soit en japonais, il se gave de photos, graphismes, mises en page ou typos. Il lit même un titre danois, bien qu’il ne parle pas la langue, mais confesse avoir  » un truc avec le Danemark « , où il se rend plusieurs fois par an.  » Quand je vois les rues là-bas, j’ai l’impression que les bourgmestres sont des directeurs artistiques « , dit-il. Ses modèles s’appellent Arne Jacobsen, Poul Kjærholm ou Poul Henningsen,  » des figures visionnaires, mais humbles. Personnellement, je préférerais qu’on retienne mes objets plus que mon nom. L’idée qu’ils me survivent, c’est le but ultime ; une expo, cinquante ans après ma mort, ça, ce serait cool. Un jour, j’ai appris à un collectionneur que les chandeliers qu’il avait achetés en galerie étaient les miens. Lui pensait que c’était  » du vintage scandinave en bon état  » et a cru me vexer en l’avouant, mais j’ai pris ça pour un compliment.  »

Après son passage à La Cambre, il travaille pour son confrère belge Bram Boo, une collaboration salutaire qui tempérera ses visées radicales et ses obsessions pour les principes modernistes.  » Il m’a aidé à remettre l’âme au coeur du projet, à y injecter de l’émotion et du caractère « , reconnaît-il. Voulant perfectionner sa maîtrise du luminaire, il rame au milieu d’ingénieurs dans des cours  » de niveau très élevé « , pour ensuite briguer un poste senior chez Philips, leader historique de l’éclairage, où il apprend à  » manier la lumière comme une matière « . En toute logique, son produit-phare est une lampe, The Siblings, sortie en 2013, pour laquelle il développe une pastille inédite qui force l’admiration des grandes marques. Vendue partout dans le monde par Per/Use, elle a remporté plusieurs prix et distinctions, des Henry Van De Velde Awards à Design Miami/Basel. Insatiable, le créateur ne se limite pas à la lumière, en témoigne sa ligne de couverts, son installation en Dekton pour Cosentino ou encore ses activités de professeur assistant, de consultant, de directeur artistique ou de co-curateur de l’expo Dialogue, l’un des grands rendez-vous du festival Design September, à Bruxelles.

A l’écouter, assumant son ambition avec autant de sérénité que de conviction, on oublie parfois qu’il dépasse à peine le quart de siècle.  » J’entends ça souvent, mais c’est une question de personnalité, j’ai toujours été comme ça. J’ai décidé de tout consacrer à ma discipline.  » Pour un jour parvenir à ses fins, Frederik Delbart continue de bosser, jongle avec les casquettes mais n’oublie pas le dessin, qu’il s’astreint à pratiquer quotidiennement, comme un instrument, consignant page après page des monceaux de notes et de croquis dans ses carnets. Qui sait si, dans un siècle, une rétrospective sur ce talentueux concepteur ne montrera pas au public ces piles de cahiers numérotés…

www.frederikdelbart.be

PAR MATHIEU NGUYEN

 » Remettre l’âme au coeur du projet, y injecter de l’émotion et du caractère. « 

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