Tours de magie en haute couture
Paris sera toujours Paris… Et la haute couture une féerie. Gros plans sur les plus belles créations printemps-été 08.
C hristian Dior. Des kilomètres de soie couvrant toute la palette des couleurs et des désirs (vert pré, fuchsia, jonquille, violet, bleu électrique…), des manteaux rebrodés de triangles et d’arabesques or à la Klimt, évoquant les tableaux mosaïques du maître symboliste viennois : la partition livrée par John Galliano pour Dior – » voyage de séduction « , ainsi que la qualifiait le couturier britannique – a charmé une assistance aussi glam’ qu’à l’habitude : Diane Kruger, Lucy Liu, Dita Von Teese… Galliano nimbe ses élégantes teintées d’érotisme dans des robes au volume grand soir, des vestes bar à dos bulle, des jupes bouillonnées, en une évocation subtile des années 1950, renforcée par les poses outrancières et terriblement chics des mannequins.
G ivenchy. Erotisme, aussi, mais version new wave et corsetée, au couvent des Cordeliers, haut lieu de la Révolution française – où Riccardo Tisci frise la perfection et poursuit sa propre révolution, entamée chez Givenchy voilà deux ans à peine. Secouant les codes, il impose sa patte sombre et radicalement moderne, loin du luxe chichiteux dont nous rassasie souvent la couture. Pantalons de cuir Stretch noir sur chemises immaculées à col lavallière rigide, robes volantées, sévères et pourtant si graciles, smokings revisités, robes bustiers de ballerines gothiques… Les icônes rock Lou Doillon, Béatrice Dalle et Joana Preiss, au premier rang, sont transportées.
C hanel. Au Grand Palais, Karl Lagerfeld administre une piqûre de jeunisme chez Chanel, imposant la ballerine plate sur des silhouettes juvéniles, jupes courtes en tweed – voire tutus – drapées et relevées jusqu’en haut de la cuisse. La veste Chanel (dont une copie géante sculptée en plâtre fait le show sous la verrière) s’émancipe pour rallier la nouvelle clientèle couture, plus jeune et mondialisée ? – et se pique de paillettes, de tweeds nacrés, rosés, grisés, en un clin d’£il aux coquillages.
J ean Paul Gaultier. Influence marine plus premier degré chez Jean Paul Gaultier, où, sur fond de chants de marins ou de sirtaki, des sirènes, crinières mouillées et tatouées comme des canailles, défilent en robe filet de pêche, mousseline ondoyante telle la vague ou bustier conique à obus coquillages.
Christian Lacroix. » Un ange passe « , chuchote pour sa part Christian Lacroix sous les lampes-lunes géantes du Centre Pompidou. Sous cet intitulé, le créateur fait, une fois de plus, la démonstration du somptueux travail de ses ateliers à coups de vêtements-tableaux en soie gouachée, repiqués de chantilly illuminée d’or, de guipure volantée… Une ode à la légèreté et à la couleur.
Valentino. Chez les Italiens, fin de partie pour le maestro Valentino, habilleur de la jet-set depuis quarante-cinq ans, qui a présenté son ultime collection couture avant de passer la main à Alessandra Facchinetti. Sous l’£il de ses pairs Alber Elbaz et Miuccia Prada, Valentino a résumé son vestiaire, BCBG, le jour, glamour façon dolce vita toutes paillettes dehors, le soir. Lorsque, pour le final, il fait défiler ses mannequins ceints de son mythique fourreau rouge, c’est une standing ovation que lui offre Paris…
Armani Privé. Quant au Milanais Giorgio Armani pour Armani Privé, il reste fidèle à ses classiques – vestes ajustées, jupes droites ou en » lampion « , dentelle – applaudis par un parterre de belles Italiennes de toutes générations : Laura Morante, Claudia Cardinale, Sophia Loren…
Les jeunes pousses. Parallèlement à ces shows tout-puissants, le calendrier couture, in ou off, gorgé de jeunes pousses (Felipe Oliveira Baptista, très en forme avec sa collection inspirée des insectes, On aura tout vu, Boudicca…), a offert cette saison de vivifiantes surprises (Avalon Vega et ses sublimes tuniques plissées évoquant, sur fond d’oranges et de rouge sang, les magiciennes de la Grèce antique) et de purs coups de c£ur. La plus grande émotion fut celle qui traversa les salons feutrés du chocolatier Angelina, où Alexis Mabille, jeune homme hanté par les jeux du masculin/féminin, a présenté un défilé époustouflant de maîtrise et d’élégance, avec ses robes et boléros gansés de n£uds papillon, ses chemises cow-boy en broderie anglaise, ses fourreaux en crêpe marocain… Beaucoup d’esprit et de fantaisie, qualités que l’on retrouve chez Martin Margiela et ses modèles en matières recyclées, dont une robe en mousseline de soie piquée de 2 500 boutons rougeoyants formant une bouche (bée !) pixélisée et incandescente. Où l’on retrouvait, même nichée dans cette récup’ de luxe, l’exception éternelle de l’artisanat griffé haute couture, posé aux frontières du réel et de l’imaginaire.
Katell Pouliquen
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