En ville ou à la campagne, en mode balade ou sportif, utilitaire ou fashion, la tendance  » vélo  » est loin de s’essouffler. Tous en selle !

Plan large sur la tour Eiffel et les quais de la Seine. L’acteur Simon Baker, mentaliste de son état, pédale nonchalamment dans les rues romantiques d’un Paris idéalisé, taquine les pigeons, et vole au secours d’une belle inconnue qu’un trottoir impraticable condamne aux périls d’un détour par la chaussée. A peine est-il reparti vers d’autres conquêtes qu’une voix off attribue à la saynète le qualificatif  » casual chic « . Exemple parmi d’autres, cette campagne pour Givenchy démontre que le vélo bénéficie d’une image plus glamour que jamais et, après son grand come-back à l’aube du millénaire, semble parti pour retrouver une place de choix dans nos quotidiens.

Reste à trouver son bonheur dans une offre qui n’a jamais été aussi large qu’aujourd’hui. A chaque tribu sa bécane : les pliables pour navetteurs, les fixies chers aux hipsters, les électriques, les libres-services type Villo !, à Bruxelles, les beach cruisers californiens, les créations de designers comme Philippe Starck ou Marc Newson ou encore de nouveaux venus, tels que le fabricant français Victoire – à qui l’on doit la monture de Simon Baker – et Martone Cycling, dont la chaîne rouge est devenue la coqueluche des fashionistas. Karl Lagerfeld en possèderait même deux. Décidément intéressé par le secteur – on se rappelle de sa mémorable campagne de sécurité routière -, ce cher Karl avait d’ailleurs imaginé une bicyclette matelassée pour Chanel, avant de créer l’élégant Abici Amanta Donna en collaboration avec Fendi. Dans sa roue, ont suivi un modèle imprimé léopard chez Dolce & Gabbana ou en bambou chez Marc Jacobs, ainsi que Le Flâneur, cadre en carbone et gainages en cuir de taurillon, confectionné par Hermès. Tout ça sans même parler des innombrables accessoires modeux, tels les sacoches de Mme Vélo, les casques pour  » stylish cyclist  » de Sawako Furuno ou des pures folies bling-bling, comme le Racing Bike plaqué 24 carats, orné de diamants et vendu à partir de 330 000 euros par Gold Genie. Antivol non fourni mais recommandé.

PLUS QU’UN EFFET DE MODE

Coordonnatrice pour l’association de promotion du deux-roues ProVélo, Emilie Humbert décrypte le phénomène :  » Je ne sais pas si tous ces produits amènent les gens à la discipline. C’est surtout le marché qui se positionne sur un objet jugé porteur. Mais depuis le début des comptages en 1999, on a observé une progression constante du nombre de cyclistes, même si la courbe s’est un peu tassée, avant de connaître une certaine reprise ces dernières années. Il ne s’agit pas simplement de tendance, mais de plusieurs phénomènes qui se nourrissent. Ce moyen de transport coûte moins cher dans le cadre de déplacements courts – d’autant qu’il existe des incitants -, et il est plus rapide. En agglomération bruxelloise, le deux-roues affiche une vitesse moyenne supérieure à la voiture. Il y a donc de vrais arguments au-delà de l’effet de mode, qui relèvent du bon sens, d’un certain pragmatisme.  »

Pédaler constitue en outre un excellent moyen de bosser sa cardio et le regard porté sur cette activité a évolué positivement au cours de la dernière décennie.  » L’image est nettement plus positive qu’il y a vingt ans, confirme Emilie Humbert. Rouler à vélo est devenu un choix, plutôt que le signe que l’on ne peut s’acheter une voiture.  »

Il subsiste néanmoins un certain nombre d’obstacles qui  » freinent la mise en selle « , selon le vocabulaire de ProVélo, notamment l’encombrement du châssis, que de nouvelles technologies tentent de surmonter en améliorant constamment le poids des cadres, les mécanismes de pliage ou les systèmes d’assistance électrique.  » Toutes ces innovations donnent une visibilité au secteur et offrent des solutions à ceux qui prétendent « Je ne peux pas ». Elles prennent enfin en compte les réalités des déplacements, qu’ils soient personnels ou professionnels « , complète Emilie Humbert.

DU CHEMIN À PARCOURIR

Hélas, les belles promesses de cet avenir qui roule (lire encadré) resteront pourtant vaines sans une réelle sensibilisation des automobilistes et des autorités aux problématiques vélocipédiques. De nos jours, les adeptes peuvent bien sûr compter sur des associations dynamiques, qui représentent les usagers et défendent leurs intérêts, mais il reste du chemin à parcourir avant qu’ils obtiennent la place qu’ils méritent dans l’espace public.  » Depuis dix ou quinze ans, il y a plus de moyens humains dans les administrations et de « commissions vélo » pour tenter de peser dans les décisions d’aménagement urbain, mais nous héritons malgré tout des infrastructures du passé. On ne crée pas un environnement à partir de rien, nous devons vraiment essayer de nous faire une place dans un cadre pensé pour la voiture « , tient à tempérer Emilie Humbert.

Bien que la Flandre conserve quelques longueurs d’avance sur le sud du pays en la matière, la Wallonie demeure une terre de vélo, et compte bien le rappeler tout au long de 2016 grâce à son thème touristique annuel :  » Vivez la Wallonie à vélo !  » L’occasion de promouvoir, outre les traditionnelles Classiques ardennaises et les compétitions internationales de mountain bike, ses bike parks, son réseau RAVel et les centaines de kilomètres d’itinéraires jalonnés d’hébergements labellisés  » Bienvenue Vélo « , où le grand public appréciera gîtes, chambres d’hôtes, restos et bistrots du terroir.

 » Ça contribue à alimenter la mise sur le devant de la scène donc on s’en réjouit, admet Emilie Humbert. Il est essentiel de promouvoir ce qui existe et d’encourager les gens. Mais cette approche touristique ne doit pas faire oublier que la bicyclette ne se limite pas à ça et représente un moyen de déplacement quotidien.  »

PAR MATHIEU NGUYEN

 » NOUS DEVONS VRAIMENT ESSAYER DE NOUS FAIRE UNE PLACE DANS UN CADRE PENSÉ POUR LA VOITURE. « 

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