Le packaging chic fait vendre. Mais à quel prix pour l’environnement ? Dans l’univers glamour des parfums et des cosmétiques, les emballages aussi pourraient se mettre au vert. Explications.

Avouons-le. Au déballage, le plaisir est au rendez-vous. Car, sur la planète beauty, tout a été pensé pour que nos sens soient en alerte. Le grain du carton, l’imprimé qu’il cache à l’intérieur, le relief d’un logo cacheté à la cire donnent envie de toucher, même de garder cette boîte que pourtant… aussi jolie soit-elle, on se résigne à jeter.

Ces déchets chics, nous les avons payés, au prix fort : les spécialistes du secteur estiment, en effet, que le packaging à lui seul représente plus de 6 % des coûts de mise en £uvre d’un produit. Un  » extra  » qui, en plus, donne mauvaise conscience. Car ce surplus de luxe, souvent non recyclable, qui file à la décharge, nous paraît d’autant moins justifiable que ce qu’il protège et met en valeur n’est pas un consommable de première nécessité.

Du changement dans l’air

Serions-nous prêts pour autant à nous passer de toute forme d’emballage superflu ?  » Lorsqu’ils font des achats, les gens ont certaines attentes et exigent, en tout cas, que ce qu’on leur vend soit d’une qualité irréprochable, insiste Paul Austin de l’agence de design Made Thought qui compte, entre autres, parmi ses clients Stella McCartney. Dans le secteur de la beauté, on s’interroge beaucoup sur l’usage du Cellophane, qui, a priori, ne sert absolument à rien. On ne l’utilise que pour éviter l’apparition de salissures sur les boîtes. On pourrait donc le supprimer. Mais je peux vous prédire qu’aucun consommateur n’achètera une boîte couverte de traces de doigts  » (1).

Mais même dans l’überluxe, les mentalités sont en train de bouger, boostées sans doute par un récent rapport du WWF (2) classant les géants du secteur – dont le business pèse aujourd’hui plus de 110 milliards d’euros – en fonction des efforts qu’ils consentent en matière d’environnement. Si les auteurs de l’étude s’entendent pour reconnaître de réels efforts en ce qui concerne les conditions de travail, la protection des essences et des espèces naturelles, même les premiers de la classe (L’Oréal, Hermès et LVMH) n’ont été crédités que d’un C+. Autrement dit une maigre  » satis  » accompagnée du commentaire :  » pourrait mieux faire « .

Même si les industriels de la beauté ne seraient finalement responsables  » que  » de 2 % des déchets d’emballage dans le monde, agir sur le packaging a au moins l’avantage d’avoir un impact immédiat en termes d’image. Si elle perd en glamour en utilisant un carton recyclé, la marque gagne à coup sûr en crédibilité écologique.

 » Nos équipes de développement produits sont sensibilisées à l’écoconception, assure-t-on chez Chanel. Nous proposons ainsi à la vente des recharges pour nos principales lignes de fragrance. Nous avons aussi conçu un nouveau carton de livraison fabriqué à partir de 85 % de papier recyclé et entièrement recyclable qui nous a permis de générer une économie de 450 tonnes de carton par an. « 

Même approche chez LVMH où, pour les différents labels du groupe, on travaille également sur les deux niveaux de packaging : l’emballage dit secondaire que le consommateur ne voit jamais et qui ne doit donc pas répondre aux mêmes critères esthétiques et l’emballage primaire, en première ligne dans les rayons.  » Chez Guerlain, les produits rechargeables ont toujours existé, rappelle Sylvie Bénard, directrice environnement chez LVMH. Et pour Ange ou Démon de Givenchy, nous proposons aussi une version éco de notre pampille.  » La ligne – inspirée de cristaux facettés des lustres à l’ancienne – de la bouteille créée par Serge Mansau, n’a rien perdu de son élégance. La recharge, elle, est vendue dans un berlingot argenté au packaging minimaliste.

De nouvelles expériences

 » Les contenants rechargeables ont déjà fait l’objet d’expériences dans certains pays au fil des ans, jusqu’ici avec très peu de succès, regrette Michel Fontaine, directeur packaging de L’Oréal. Comme la conscience écologique des consommateurs évolue rapidement ces dernières années, il est probable que nous ferons de nouvelles tentatives.  » Autre piste de réflexion : la taille des flacons :  » Une bouteille 30 % plus grande ne génère pas pour autant 30 % de déchets de packaging en plus « , précise Michel Fontaine. Chez Biotherm – une marque du groupe L’Oréal également -, on a choisi de miser sur la réduction du poids des emballages. Une mesure qui a permis de diminuer de 22 tonnes par an la consommation de plastique. Ceci en jouant seulement sur l’épaisseur des flacons.

Autre fer de lance : les échantillons, véritable  » plaie  » écologique s’il en est puisque le ratio déchets/produit – quelques millilitres à peine – y est maximum.  » Nous sommes en train de mettre au point un processus permettant de passer, pour nos échantillons de produits Homme, à du packaging en carton recyclé « , ajoute Charlotte Walhain, directrice de la communication internationale de Biotherm.

Chez Nuxe, on préfère insister sur le fait que si luxe il y a, il réside dans la qualité des formules et pas dans le packaging qui se limite à un pot, un tube ou un flacon parfois emballé dans un étui de carton.  » Tous les matériaux (verre, carton, plastique) utilisés dans nos packs sont recyclables, souligne Aliza Jabès, présidente de Nuxe. Et les livrets explicatifs de notre gamme de démaquillants ont été supprimés.  » Chez Vichy, ces informations sont désormais reprises sur la face interne des boîtes.

La ligne Care de Stella McCartney, dont on connaît l’engagement écologique, elle, fait quasi l’impasse sur les échantillons pour éviter de générer un surplus de déchets inutiles.  » Chez nous, tous les contenants se prêtent au recyclage, martèle-t-on chez Care. Et nous encourageons nos clients à les ramener dans les boutiques contre des points qui peuvent être ensuite échangés contre des produits. Tous les contenants vides sont ensuite recyclés. « 

Chez l’américain Kiehl’s qui vient de lancer, avec le soutien médiatique de Brad Pitt, le premier gel douche 100 % biodégradable, pareille stratégie existe déjà depuis 1970 :  » Et avec notre huile pour le corps Superbly Restorative, nous avons même travaillé pour la première fois avec du plastique recyclé. Et nous comptons à l’avenir y avoir recours pour davantage de produits. « 

Reste enfin l’option qui consiste à prévoir dès la création une seconde vie pour l’emballage. Chez Dior, c’est un poudrier qui joue les transformistes, pour devenir miroir de sac à main une fois que le godet de poudre a été retiré. Jean Paul Gautier travaille de cette manière chaque année pour ses coffrets de fin d’année. Cet hiver, ses parfums se loveront dans de jolies boîtes à musique. Histoire de faire durer l’esprit de la fête dès qu’on en soulève le couvercle…

(1) In Vogue UK, décembre 2007.

(2) In Deeper Luxury, WWF, décembre 2007.

Isabelle Willot

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