Psychologue et écrivain, François Vigouroux a sondé les cours. De son enquête pour L’Ame des objets, il ressort une expérience riche en émotions et en souvenirs. Bibelot, jouets ou tableaux renferment une part précieuse, et parfois inavouée, de notre être… Explications.

« Parmi tous les objets qui nous entourent, pourquoi certains prennent-ils à nos yeux une valeur particulière ?  » s’interroge François Vigouroux. Le fruit de sa réflexion, étayée par pas moins de 18 récits réunis dans de L’Ame des objets :  » Souvent liés à un souvenir, à un être aimé, les objets cristallisent nos émotions et nos sentiments : amour, tristesse, joie, peur, désir, jalousie… On entretient avec eux une relation intense, voire passionnelle. On les aime, on frémit à l’idée de les perdre, on cherche frénétiquement à les retrouver…  » La conclusion du psychologue-écrivain ?  » Témoins d’un fragment de notre histoire, ils sont aussi une part de nous-même dont nous avons du mal à nous séparer. Ils font partie intégrante de notre vie psychique. Si les objets ont bien une âme, elle est alors un reflet de la nôtre, puisqu’ils n’existent qu’à travers nous.  » Il s’en est expliqué à Weekend.

Weekend Le Vif/L’Express :  » Objets inanimés avez-vous donc une âme ?  » s’interrogeait Lamartine…

François Vigouroux : Les objets n’ont pas d’âme, c’est nous qui leur conférons une qualité particulière. Comme en témoigne mon livre, ils servent de support pour raconter une histoire, la face cachée des personnes. Ce n’est pas l’objet en soi qui est important, mais ce qu’on peut explorer à travers lui, car il donne une substance très fournie de celui qui y est attaché. A travers lui, on voit surgir sa propre histoire. Déclencheurs d’images, les objets font jaillir des souvenirs très précis. Ils révèlent ainsi l’être profond, auquel on n’a pas immédiatement accès, y compris son inconscient. Chargée de sens, cette partie symbolique peut être interprétée lorsqu’on met des mots sur ce qu’elle évoque.

Les enfants investissent naturellement un objet. Qu’en est-il des adultes ?

Il est vrai que les enfants fonctionnent de proche en proche. Aussi investissent-ils des choses inanimées. En les dotant d’une réalité ou d’un pouvoir, ils projettent du vivant dans un objet pur. Le  » doudou  » a une fonction très spécifique, puisqu’il permet d’aller de la relation fusionnelle, à la mère, vers la séparation et la prise de conscience de son propre corps. Il fait partie de ces objets, qui nous aident à progresser car ils nous permettent de passer d’un monde à un autre. Les adultes conservent un attachement particulier aux objets liés à l’enfance. Ceux qui nous environnent sont perçus comme de la déco, or certains d’entre eux font vraiment partie de nous. Ils nous relient inconsciemment à quelqu’un ou à quelque chose d’important. En se penchant sur un objet, on peut se demander pourquoi nous l’aimons et ce qu’il représente pour nous.

Pourquoi certains objets nous accompagnent-ils toute une vie durant ?

La plupart des objets sont insignifiants. Ce n’est que parce qu’ils sont chargés de souvenirs, qu’ils prennent de l’importance. Ils sont soit rattachés à l’enfance, soit à un proche, un disparu ou un événement de vie précis. Ces périodes, chargées d’émotions, suscitent une telle  » secousse affective « , qu’elle se cristallise sur un objet. On a plus d’images en nous que ce qu’on imagine. Grâce à un objet, elles peuvent resurgir de l’enfouissement apparent. L’histoire familiale est liée à certains objets, qui racontent la vie de nos arrière-grands-parents. Porteurs du passé, ces objets fondent les racines qui nous composent. Transmis de génération en génération, ils nous resituent dans une chaîne. Nos émotions projetées s’inscrivent dès lors dans un sentiment éprouvé vis-à-vis d’une lignée ou d’une personne aimée.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

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