Trinité-et-Tobago, les deux faces d’un même éden

Trinité vibre d’un extraordinaire dynamisme culturel tandis que Tobago baigne dans la torpeur de ses plages paradisiaques. Ces îles jumelles des Antilles constituent pourtant un seul et unique Etat qui a su préserver les splendeurs de sa faune et de sa flore sauvages. Découverte de deux petits bijoux où il fait bon vivre.

Des deux îles, Trinité est la grande s£ur frénétique. Quand la nuit tombe sur Port of Spain, la capitale trinidadienne s’éveille. Dans les innombrables petits bars, les musiciens préparent leurs steeldrums (tambours d’acier) ou pans (casseroles), des fûts de pétrole transformés en instruments de musique. De petits coups rythmés, et le métal qui distille un air de calypso, ou de soca, les musiques tropicales inventées ici, suscitent une irrépressible envie de danser. Le  » pan  » est né dans les années 1940 à Port of Spain. S’il est à ce point populaire à Trinité, c’est qu’il est indubitablement associé à la fête et à l’incontournable roi Carnaval. Outre cet amour de la musique, les Trinidadiens ont inventé un véritable sport national : le lime (prononcez laïme). Ainsi chaque soir, les bars s’emplissent de tranquilles fêtards qui dégustent entre amis une bière ou un rhum punch, la spécialité locale. Un véritable art de vivre. Le haut lieu du lime : le quartier de Saint-James à Port of Spain. Passées les portes de fer forgé de ce  » petit New York  » qui ne dort jamais, rhumeries et pubs branchés attirent toutes les communautés de l’île.

Afros, Indiens, Chinois ou Européens, Trinité est le creuset d’une coexistence culturelle symbolisée par le marché de San Juan, le plus important de l’île, situé à la sortie de Port of Spain. Les étals du marché mêlent odeurs et couleurs : curry, cumin, piments, mangues, noix de coco, gombo ou gingembre. Vers midi, on peut y déguster un  » roti  » : une purée de pois et d’épices entre deux galettes. Une spécialité d’origine indienne symbolisant l’un des rares exemples d’intégration des deux cultures majoritaires de l’île.

Importée ici comme main-d’£uvre salariée entre 1845 et 1917, la communauté indienne a su préserver ses traditions, à la différence des Africains, esclaves sans bagage. Ainsi, dans le sud, l’île a des allures de petite Inde, avec ses fanions multicolores et lacérés accrochés aux maisons ou ses temples travaillés et colorés. Celui de Carapichaima, est sans nul doute le plus spectaculaire. Situé entre San Fernando et Port of Spain, ce temple dédié à Hanuman se singularise par sa statue rose de 25 mètres de haut au corps d’homme et à tête de singe.

Tobago, la belle indolente

La petite île s£ur de Tobago et ses 50 000 habitants est beaucoup moins multiculturelle que sa voisine à 32 km de là. Ici, point d’exploitations agricoles ou zones d’exploitation pétrolière mais de magnifiques plages, atout principal de l’île.

Partant de l’aéroport de Crown Point, au sud, une route fait le tour de l’île. Non loin de la capitale, Scarborough, les lagunes de Stone Haven Bay et Castara Bay, vraies cartes postales, ont gardé toute leur authenticité. Nichées dans une succession de anses, ces plages bordées de cocotiers baignent dans une eau turquoise et abritent les barques pastel des pêcheurs. Tôt le matin, on peut en apercevoir tirant un immense filet. Leur pêche se limite toutefois à des jacks, de petits poissons tropicaux, servant de friture ou encore d’appât pour la très courtisée dorade coryphène.

En passant les vallons du milieu de l’île, la route débouche sur une magnifique vue, surplombant Englishman Bay, l’une des plus réputées de Tobago. La mer des Caraïbes y a taillé dans la roche une crique délimitée par un bush luxuriant. Sur la côte Atlantique, par ailleurs, Canoe Bay offre un cadre idyllique. Derrière le Canoe Bay Resort, la plage borde ainsi de multiples anses aux eaux turquoise. De petits bancs de bois sont dispersés sur le sable, abrités par de longues palmes entremêlées. Les vagues s’étirent langoureusement sur le rivage protégé par une barrière de corail alors qu’au loin, l’océan s’étend à l’infini. En fin de saison, on se croirait sur une île déserte où l’on a tous rêvé d’être naufragé avec son âme s£ur. Romantique à souhait.

Au centre de cette couronne de plages paradisiaques s’élève une magnifique forêt tropicale protégée depuis 1765. Car ici comme sur Trinité, on a rapidement pris conscience de la richesse des trésors naturels. Aujourd’hui, l’écotourisme est le véritable dénominateur commun aux deux îles. La végétation luxuriante de la forêt de Tobago ou la réserve Asa Wright de Trinité sont propices aux grandes balades où l’on peut admirer quelques-unes des 400 espèces d’oiseaux tropicaux multicolores tout en dégustant la chair sucrée d’une graine de cacao sauvage.

Outre ces grands classiques de l’écotourisme, le pays offre d’autres valeurs écologiques particulièrement grandioses. Ainsi, au sud de Trinité, à quelques encablures du Venezuela, s’étend le plus grand lac d’asphalte du monde. Une bizarrerie géologique de 50 ha, une sorte d’immense tapis d’asphalte instable tels des sables mouvants, et parsemé de poches d’eau auxquelles on prête des vertus curatives. Cette incroyable réserve d’asphalte naturel, la plus grosse au monde, se régénère toutefois et ce malgré l’extraction industrielle dont elle fait l’objet. Une légende raconte que dans les temps anciens, des villageois auraient tenté de chasser l’oiseau mouche sacré déchaînant ainsi la colère des dieux. Ceux-ci décidèrent de rayer le village de la carte en l’ensevelissant dans l’asphalte. Depuis, des objets fabriqués par l’homme remontent régulièrement à la surface… Cyril, guide rasta, assure même que dans les bois aux alentours, on découvre des trésors. Un homme aurait même arraché de l’asphalte  » un cristal gros comme un £uf « . Le vieil homme ajoute toutefois :  » Mais il faut avoir de l’eau bénite et sa Bible sur soi. Car si on entre dans ces bois sans ça, on tombe malade.  »

Tout aussi magique, les tortues luth, les plus grandes au monde, se donnent rendez-vous ici de mars à septembre sur certaines plages où elles ont choisi de venir pondre. En voie de disparition, leur nombre se réduit tant dans l’océan Atlantique, que sur la plupart des côtes d’Amérique latine. A Trinité-et-Tobago, tout au contraire, la colonie s’agrandit d’année en année. Protégées efficacement sur le plus important site de ponte, à Grand Riviere (Trinité), il est interdit aux curieux de s’aventurer sur la plage entre 18 et 6 heures du matin. En dehors de cette période, on peut toutefois les apercevoir en pleine ponte, creusant le sable ou le balayant pour recouvrir leurs £ufs. Elles repartent ensuite lentement se fondre dans les eaux profondes. Une soixantaine de jours plus tard, leurs minuscules bébés s’extrairont du sable pour filer, eux aussi, vers l’océan.

Cécile Bontron

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