Alexandrie ! Vocable mystérieux… Site mythique… Ville troublante… Coincée au nord aux rives de la Méditerranée et au sud à la frange du lac Mariout, la cité d’Alexandre existe-t-elle encore ? Est-ce un leurre ? Chantée par les écrivains, Alexandrie voit son lustre renaître sous les feux de sa Bibliotheca. Flânons dans cette ville  » en feuilletant  » ses rues.

Le Pharos, l’une des Sept Merveilles du monde, disparu… La Grande Bibliothèque et ses 700 000 volumes ? En cendres… Les vestiges archéologiques, traces de l’histoire ? Quasi enfouis… La haute société cosmopolite influente aux destinées du monde ? Un souvenir… Et pourtant la puissante métropole égyptienne, qui exerça sa fascination sur les grands voyageurs et les hommes de lettres, poursuit son destin ou plutôt reprend vie, tel le phénix, grâce aux écrits.

Entrouvrons la porte de Constantin Cavafy, rue Lepsius… quartiers interlopes, ruelles obscures, quête insatiable des plaisirs défendus, tout l’univers du poète maudit nous apparaît. Le monde alexandrin des petits métiers, des expédients, suinte entre les pages. Changeons de décor… Frises de nymphes drapées d’or soulignant des plafonds ouvragés, colonnades serties de mosaïques, et modénatures finement ciselées. Nous entrons au Windsor Palace, au palais El-Salamlek, ou au Cecil Hôtel. Lawrence Durrell y situa l’intrigue de son fameux Quatuor d’Alexandrie. Et si les ors pâlissent un peu, le faste demeure, les arcanes sentimentaux de Justine ou Balthazar y sont encore palpables. Dehors, la rue. Théâtre à ciel ouvert de toutes les vies. Poussière et tintamarre… Palabres, rires et sourires… Labeur et nonchalance… Misère et clinquant…

Daniel Rondeau, avec ses mots acérés, nous livre ces vies : chaleur et dérision d’un quotidien inchangé. La vie des cafés et ses joueurs de domino, chicha au bec : la vie des marchands ambulants et celle des artisans du meuble de la rue Attarine ; la vie des vendeurs de foul et des étals de pacotille… Et dans cette  » capitale de la Mémoire « , Forster, l’auteur de Route des Indes nous guide pas à pas. Le Musée Gréco-Romain, le fort Qaït Bey, la colonne de Pompée, l’amphithéâtre romain, le Musée National… Aucune trace du riche passé de la cité d’Alexandrie n’échappe à sa plume.

Côté salons des belles-lettres, Pastroudis, Athineos, Délices et autres Trianon, tous salons de thé et de douceurs orientales, font office de Mecque du sucré. Les gourmandises littéraires s’yassocient avec naturel. Passages obligés de l’intelligentsia alexandrine, ces adresses incontournables font les délices de l’écrivain Ilios Yannakakis.

Et si ces temples des douceurs semblent être l’apanage de la diaspora grecque, Alexandrie,  » balcon sur l’Orient « , a toujours incarné l’ouverture à toutes ethnies et toutes confessions. Son éclectisme cosmopolite en fit la capitale du savoir. Les façades des immeubles parlent : elles disent leurs origines. Du baroque byzantin à la rigueur Art déco, le vocabulaire architectural composite est pour le moins éclectique ! Ce creuset des peuples, la verve d’Olivier Rolin nous le dépeint. Point de distinguo entre les auteurs contemporains et les anciens : tous chantent cette  » ville d’eaux  » au charme décadent, la  » Princesse et Catin  » de Durrell. Tous y noircissent des pages blanches de Plutarque à Mahfouz. Aujourd’hui, Alexandrie renoue avec sa tradition d’échanges de la connaissance. Et sa Bibliotheca s’érige en nouveau  » Phare du Savoir « …

Carnet de voyage en page 74.

Alix De Dives Photos : Bernard Touillon

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