Barbara Witkowska Journaliste

Elles ne sont plus de simples accessoires, mais de véritables must-have. Les lunettes solaires sont à la pointe de la mode. Et toute maison de luxe se doit, aujourd’hui, d’avoir  » sa  » collection.

Même Louis Vuitton n’échappe pas à la tendance. Après le prêt-à-porter, les chaussures, les montres et la joaillerie, le célèbre malletier lance  » Une nouvelle vision « , sa première ligne complète de lunettes de soleil. Il y a deux ans, un test avait été couronné de succès, lorsque Pharell Williams, chanteur américain et  » ami  » de la maison avait dessiné une mini-collection pour un défilé. La star du R & B et du hip-hop a laissé exploser sa créativité dans des modèles exubérants et parfois extrêmes, tels  » Millionaire  » et  » Havana « , tout en respectant, toutefois, les codes génétiques de la marque, comme les fleurs de la toile Monogram ou la  » serrure S  » utilisée en maroquinerie. Face à l’enthousiasme des fashionistas, la décision de lancer une vraie ligne de lunettes n’a pas tardé.  » La mise au point nous a demandé deux années de travail, explique Emma Winter, chef de groupe Lunettes chez Louis Vuitton. Il était important de trouver les meilleures manufactures afin de respecter les standards de qualité, tels le savoir-faire, le respect de la tradition et la créativité, propres à notre maison. De surcroît, le marché des lunettes étant extrêmement concurrentiel, nous voulions proposer une ligne originale, sortant des sentiers battus, ce qui implique un long investissement dans le temps.  »

Marc Jacobs, directeur artistique de la maison, a compulsé les archives du cinéma et, plus particulièrement du film noir, pour y puiser son inspiration. En parcourant la collection, on pense immédiatement à ces beautés blondes, froides et mystérieuses, héroïnes inoubliables des films emblématiques d’Alfred Hitchcock. La plupart des modèles se distinguent par des silhouettes plutôt généreuses, typiques des années 1950. Les montures ont un look affirmé, aux antipodes du minimalisme. Les lignes, très travaillées, sont élégantes et sensuelles. Chaque modèle, décliné en de multiples variantes, porte un nom évocateur du cinéma noir des années 1940 et 1950 : Secret, Glamour, Complot, Faux-Semblant, Soupçon, Obsession, Conspiration ou Chantage. Les symboles majeurs de la maison sont présents, mais parfois d’une façon très discrète, comme le motif Damier, placé à l’intérieur des branches du modèle Faux-Semblant.  » Louis Vuitton, c’est le voyage et donc… la découverte, poursuit Emma Winter. Nous voulions que nos clients découvrent les éléments d’identification de la maison les uns après les autres et prennent conscience de l’extrême attention apportée aux détails et aux finitions. Une manière subtile et sans ostentation de donner une réelle identité à la ligne, tout en échappant à l’omniprésence du logo.  »

Les motifs ne sont pas imprimés, mais intégrés dans l’architecture de la monture dans l’esprit de la marqueterie. Les fleurs et le  » LV « , issus du Monogram, visibles dans les modèles Obsession et Soupçon, en sont le meilleur exemple. La célèbre  » serrure S  » utilisée en maroquinerie et les coins de malle ont été interprétés en charnière. Toutes les montures sont réalisées en acétate, dérivé du coton. Ce matériau  » riche « , tant au niveau du toucher que du poids a, de surcroît, l’avantage de prendre, avec le temps, une belle patine, à l’instar du cuir. Réalisées par les artisans lunettiers du Jura, les montures ne sont pas moulées ou injectées, mais sculptées puis polies à la main. Pour les verres, enfin, la société allemande Zeiss, la plus grande spécialiste de verres ophtalmiques, a été sollicitée pour mettre au point des verres exclusifs et 100 % protecteurs. Ils ont bénéficié d’un double traitement. Le premier atténue les effets d’éblouissement, tandis que le second enrichit les couleurs et les contrastes de vision sans les dénaturer. La nouvelle collection propose 12 modèles, déclinés en 42 variantes.  » Cette offre sera complétée, au fur et à mesure, avec notamment des modèles créés pour les défilés, conclut Emma Winter. Ces créations seront inspirées des tendances saisonnières. Par ailleurs, nous continuerons à proposer des modèles « sport », comme la LV Cup, par exemple.  »

Lunettes version couture

L’autre grande nouveauté de la saison ? La collection de Tom Ford. Après avoir dirigé la création chez Gucci et Yves Saint Laurent, le turbulent Texan s’est installé à son compte et a lancé sa propre marque, dont cette collection de lunettes réunissant une vingtaine de modèles fabriqués à la main, est le premier  » bébé « . Tom Ford a retravaillé trois grands classiques (aviateur, le style  » sport-chic  » et le style  » hollywoodien « ) en y apportant sa patte inimitable qui se remarque, notamment, dans le souci des détails et dans les finitions méticuleuses. Les lignes sont sensuelles, d’une grande pureté. Les formes aérodynamiques ont été soigneusement étudiées pour protéger parfaitement les yeux et épouser le visage au plus près. Le confort avant tout ! Tom Ford a opté pour des résines de haute qualité, dont la plupart ont été spécialement mises au point pour la collection. Douces au toucher, les montures sont également légères à porter. Les verres déclinent une palette de coloris sombres, allant du marron au noir fumé, en passant par le bordeaux et l’aubergine. Certains sont dégradés pour alléger et aérer les montures imposantes, tandis que d’autres sont laqués avec un effet argenté exclusif. Chaque détail compte. Des microns d’or, incrustés dans certaines montures, ajoutent un zeste de glamour. Le logo du créateur est discrètement gravé sur une plaquette dorée à l’extrémité des branches. Ces nouveaux modèles ont pour écrin des étuis rigides et souples, réalisés dans un velours chocolat voluptueux.

Chez Chanel, les propositions estivales conjuguent une multitude de formes enveloppantes et XXL. L’inspiration des années 1950 et 1960 est évidente. L’univers du sport est interprété dans un modèle bandeau, coloré d’un vert vif profond, tout nouveau et très réussi. L’esprit  » aviateur  » se caractérise par des lignes épurées et un minimalisme sophistiqué. Sans oublier les codes couture, chers à la maison Chanel. Le double  » C  » entrelacé et le célèbre matelassé (à effet clouté) se posent sur les branches des montures à la silhouette épaisse et généreuse.

Elégante et sophistiquée, la collection Prada séduit par de nouveaux jeux de volumes ainsi que par des recherches formelles inédites. Le meilleur exemple ? Le modèle SPR14G, dont les contours doux et amples sont affirmés par de vives facettes sur la partie supérieure. Les formes plus classiques, tel le masque, ont été remises au goût du jour grâce à une approche plus graphique et épurée, ainsi que par des contrastes chromatiques pile-poil dans la tendance : le noir et le blanc, le rouge et le blanc, l’écaille et crème. A noter, un détail raffiné, la nouvelle plaquette métallique affichant le logo. Elle a été fumée pour devenir une  » flèche  » qui se perd au milieu de la branche. Les coloris ? Le noir est encore prédominant, mais il est talonné de près par les couleurs vives, tels le bégonia ou le pétunia et, bien entendu, le blanc, la couleur vedette de la saison !

Linea Rossa est la ligne Sport de Prada. Elle se caractérise par un esprit plus dynamique et plus minimaliste. Le point commun ? La légèreté. Les montures sont en plastique ultralight et associent, pour le confort, des détails en caoutchouc. On les retrouve dans les ponts, dans les embouts et dans les parties intérieures des montures. Le noir, le graphite et le bleu nuit sont dopés, parfois, par des tons plus vifs, tels le bleu, le rouge et le blanc. La célèbre bande rouge qui caractérise les collections Sport de Prada est, elle, toujours en bonne place.

Lorsque Miuccia Prada a créé, en 1993, la marque Miu Miu, elle a souhaité séduire une clientèle jeune et élégante, mais très sensible aux tendances et à la sophistication. Autrement dit, Miu Miu propose un look alternatif où le classicisme doublé d’une sacrée audace génère un style  » néoclassique « , plein de caractère et de personnalité. La nouvelle collection de lunettes en est le meilleur exemple. Les formes amples et classiques sont boostées par des associations chromatiques spectaculaires (vert forêt-violet-bleu, noir-jaune-vert ou rouge-rose-orange, par exemple), par des motifs amusants (fines rayures ou gros pois), des interprétations audacieuses du logo (celui-ci est démesuré dans le modèle SMU 52F) et des applications bien originales des cristaux Swarovski.

Une fantaisie pleine d’impertinence envahit également les modèles Dolce & Gabbana et D & G. Les formes XXL s’inspirent du glamour des années 1970 et 1980, tandis que les montures plus dynamiques rappellent l’univers de la course automobile. Les couleurs se déchaînent véritablement et osent le rose, le turquoise, le violet, le vert foncé, le rouge, le blanc et le bleu. La vraie originalité ? Le traitement du logo. Qu’il soit imprimé sur une plaque métallique ou une boucle, ou découpé et serti de petits clous, il vous donnera, à tous les coups, une allure de rock star !

Emporio Armani, pour sa part, mélange avec bonheur le streetwear et le sportwear. Pour elle, un modèle masque rectangulaire en métal s’agrémente de cabochons cache-vis au niveau des tempes, personnalisé par l’emblématique logo-aigle. Pour lui, le modèle  » aviateur  » est interprété dans l’esprit dynamique et nonchalant, caractéristique d’Emporio Armani. Les coloris sont neutres. Des bruns, des gris et des bleus fumés se fondent admirablement dans l’ambiance des grandes métropoles.

Les grands classiques

Terminons ce tour d’horizon avec deux  » valeurs sûres  » qui misent sur la tradition, sur l’authenticité et sur l’élégance discrète. La collection italienne Persol propose depuis plusieurs décennies des lunettes qui  » voyagent dans le temps sans changer d’apparence « . Des montures en acétate, des verres minéraux d’une parfaite pureté, des branches flexibles, ainsi que des coloris sombres et discrets (noir, tourterelle, havane, vert olive, mais aussi écaille), telles sont les caractéristiques principales de ces modèles intemporels et indémodables dont les célébrités du monde du cinéma raffolent. Les formes ? Elles ne changent guère. Tantôt légèrement rectangulaires, tantôt plus arrondies, elles gardent leurs lignes souples et sinueuses, subtilement affinées à chaque saison pour mieux s’inscrire dans l’air du temps.

Ray-Ban est l’autre grand classique (depuis 1937), apprécié par un large public dans le monde entier. Référence absolue dans le domaine des lunettes, la marque américaine véhicule les valeurs du bon goût, tout en offrant un excellent rapport qualité-prix. Le modèle-phare ? Le  » pilote « , avec son double-pont facilement reconnaissable. Cet été, il flirte gentiment avec la mode, en affichant de nouveaux verres, dans des tons roses, et en se métamorphosant en masque, fin, élégant et raffiné.

Carnet d’adresses en page 98.

Barbara Witkowska

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