Encore discrets chez nous, ils ne devraient pas tarder à frapper à nos portes. Apparus il y a une dizaine d’années aux Etats-Unis, les coachs d’intérieur essaiment. Mais qui sont-ils vraiment ces néodécorateurs ? Explications.

Le coach d’intérieur est le résultat d’une équation parfaite. Primo : à une époque – la nôtre – où le temps pour soi est à la fois perçu comme une denrée rare et un droit inaliénable, tout coach tombe à pic. Cet avatar du prof de gym particulier touche aujourd’hui à tous les secteurs possibles et imaginables (love coaching, business coaching, coaching parental…). Avec le même but : nous aider peu ou prou à optimaliser nos performances. Vite et bien. Secundo : notre époque est tout entière tournée vers l’hédonisme et le bien-être. Et s’il est un endroit où cette tendance s’incarne ostensiblement, c’est bien la maison : aujourd’hui, le foyer est plus que jamais pensé pour être le plus convivial et le plus esthétique possible.

Nous y sommes : pas le temps mais l’envie urgente d’un home sweet home qui vous corresponde ? Tapez coach déco, nous disent ces relookeurs d’un nouveau genre. Apparus, il y a une dizaine d’années, dans les pays anglo-saxons, ils sont déjà bien implantés en France. Inspirés par les émissions de télévision consacrées à la déco qui pullulent sur leurs chaînes (Changing Rooms sur BBC 1, Côté Maison sur France 3…), ces gourous du goût proposent de reproduire hors caméra ce qui rend ces programmes si attractifs : la fameuse séquence où l’on voit un quidam ébahi par la métamorphose que son appartement vient de subir avec un rien d’idée et de créativité.

La question brûle les lèvres : quelle différence avec le bon vieux décorateur d’intérieur ?  » Le métier est le même dans sa finalité. C’est la façon d’y arriver qui change, éclaire Valérie Laporte-Volatier, ex-publicitaire basée à Paris qui a créé Les Murs ont des oreilles, sa propre société de consultance en décoration. Tony Lemâle, ancien attaché de presse d’Habitat et aujourd’hui patron d’une boîte de  » home relooking « , baptisée Le Cédrat, confirme :  » Je me considère avant tout comme décorateur, c’est juste l’approche qui diffère. Le coach d’intérieur reflète simplement une évolution du métier. On est sorti du cycle marqué par les grands décorateurs de famille traditionnels d’il y a vingt ans qui imposaient leur univers et leur vision. Toute la différence se situerait là : dans cette empathie inédite avec le client. En clair, le coach déco, tel un Socrate des logis, ne ferait rien d’autre que d’aider le client à exhumer ses envies et ses goûts des sables mouvants de l’hésitation.

Pour dégrossir le dossier, le premier entretien démarre d’ailleurs généralement par un interrogatoire en règle sur les habitudes du  » coaché « . Par exemple ?  » Est-ce qu’il mange debout ou à table ? Est-ce qu’il reçoit beaucoup ? Est-ce qu’il est téléphage ? » pointe Tony Lemâle. Mais aussi…  » Quelle est sa destination de vacances favorite, qui est son styliste préféré, quels sont ses références culturelles « , ajoute Valérie Laporte-Volatier, qui insiste sur les accents psychologiques du métier :  » On parle beaucoup d’eux. Je préviens à l’avance : je vais toucher à votre vécu, à votre intimité, il faut jouer le jeu.  » Des confessions sur le(s) divan(s) d’autant plus nécessaires quand la volonté de changement de déco fait suite ou anticipe un changement de vie : rupture, arrivée ou départ d’un enfant…  » Un homme fraîchement divorcé a fait appel à mes services. C’est lui qui gardait la maison. Il n’était pas bien. On a travaillé ensemble sur les pièces les plus importantes pour lui : la chambre et le salon. « 

Mais, tous s’accordent : le gros de la demande découle de l’offre pléthorique en matière de décoration et, partant, de la confusion que cette offre génère.  » Entre les bons plans dans les magazines, les émissions de télé, et les magasins de déco de plus en plus nombreux, c’est clair, ça complexifie les données, souligne Valérie Laporte-Volatier. La réaction type c’est le client qui vient me voir en disant : on est perdu, on est meublé de manière disparate, on ne sait plus quoi faire.  » Vincent Grégoire, chasseur de tendances pour le bureau de style Nelly Rody, cité sur le sujet dans Le Figaro (*) y voit l’expression d’une angoisse plus globale :  » La pression sociale est omniprésente. Les individus sont obsédés par la performance, ils veulent être parfaits en tout. Face à l’étendue de l’offre, ils se sentent perdus et ont besoin d’un regard distancé et rassurant.  » Tony Lemâle est là pour ça :  » Le design est accessible partout aujourd’hui. Et de moins en moins élitiste. Notre rôle est de guider le client à travers cette jungle, et aussi de le motiver à faire des choix plus marqués.  »

Un choix qui a un prix. Après entretien, Valérie Laporte-Vollatier propose un cahier d’idées. Forfait : 650 euros (hors TVA) par pièce étudiée, 150 euros par pièce supplémentaire. Elle suit rarement les chantiers.  » Mon cahier comporte les prix, les références, des photos, un carnet d’adresses, le client en fait ce qu’il veut « , lâche-t-elle. Tony Lemâle, lui, décline ses services à la carte. De l’entrée de gamme (entretien à 145 euros de l’heure) jusqu’au  » total relooking  » assimilable à un travail d’architecte d’intérieur, shopping déco et sourire compris. Son c£ur de cible ?  » J’ai cru longtemps en avoir un, conclut-il. En réalité, c’est très vaste : ça va du jeune couple qui a besoin d’un simple conseil, au retraité qui veut adapter son appartement à son nouveau mode de vie. Entre les deux, il y a ceux qui travaillent beaucoup et qui fonctionnent selon ce principe : je suis professionnel dans mon boulot, je fais appel à un professionnel pour ma déco.  » Simple en somme : chaque chose et chacun à sa place.

(1) Le Figaro, 3 avril 2006.

Baudouin Galler

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