Un cocktail diamanté

Barbara Witkowska Journaliste

Une pluie de diamants aux couleurs du temps, bleu clément, jaune soleil, gris orage, rose aurore… La Rainbow Collection, réunie au fil des ans par le Belge Eddy Elzas, est la plus belle au monde. Dans leurs créations, les joailliers, eux, valorisent toute la séduction des diamants de couleur.

Comme tous les collectionneurs, Eddy Elzas adore faire partager sa passion. Reconnu dans le monde entier comme le grand spécialiste des diamants de couleur, cet homme enthousiaste, chaleureux et disponible aime à rappeler que bien que « pur » Anversois, il n’est pas issu d’une famille de diamantaires. Sa mère avait une boutique de fleurs et leur extraordinaire palette chromatique était la seule richesse de la famille. Enfant, il voulait construire des avions.  » L’avais-je lu dans mon horoscope ? Etait-ce génétique ? Je ne sais pas. Mais j’étais fou d’avions « , confie-t-il avec humour.

Le rêve de devenir ingénieur d’aviation ne s’est, hélas! pas réalisé. Eddy Elzas a appris le métier de cliveur ( » ingénieur du diamant « ).  » Le clivage consistait, avant la taille, à départager le diamant afin de supprimer toutes ses impuretés, explique-t-il. Aujourd’hui, cette étape n’est plus nécessaire. Le diamant a beaucoup évolué, il s’est démocratisé. En résumant, on peut dire qu’il y a cinq siècles, les diamants étaient portés uniquement par les rois, les reines et la noblesse. Il y a un siècle, la grande bourgeoisie s’en est emparée, en privilégiant des pierres importantes, sans la moindre imperfection. Après la guerre, le marché du diamant s’est développé et s’est étendu. Il y a des femmes qui ne recherchent pas le nec plus ultra. Aujourd’hui, même les pierres  » piquées « , avec des impuretés, trouvent preneur. C’est la raison pour laquelle le métier de cliveur est devenu obsolète. « 

A un moment, il a donc fallu se recycler. Courtier de diamants taillés frais émoulu, Eddy Elzas commence au bas de l’échelle, avec de la marchandise bas de gamme. Dans l’absolu, le métier de courtier ne le passionne pas. Mais sa vie est guidée par une règle d’or :  » être le meilleur en tout, exceller en tout « . Au bout d’un an, il est reconnu dans le métier comme le meilleur vendeur. Il se débrouille tellement bien, qu’un fabricant en Afrique du Sud le met au défi de vendre  » une accumulation de trois générations de diamants invendables « .  » Il m’a envoyé une boîte à cigares, se souvient Eddy Elzas. A l’intérieur, un pêle-mêle de diamants de toutes les couleurs. J’ai eu un orgasme visuel. Je n’ai pas d’autres mots pour définir l’émotion qui accompagnait cette découverte. Devant mes yeux, le meilleur des deux mondes était réuni : le scintillement des diamants et la magie chromatique des pierres précieuses. « 

Cette découverte euphorique s’accompagne d’une mauvaise nouvelle. Faute d’approvisionnement, Eddy Elzas perd son travail de courtier. Un signe du ciel ? Forcé une fois de plus de modifier le cours de sa vie, il prend sa décision en 24 heures : du jour au lendemain, il choisit de devenir collectionneur. C’était en 1970. « On m’a appelé Eddy-le-Fou. J’ai lancé un appel : j’achète tous les diamants de couleur, n’importe où dans le monde. Personne n’a jamais manifesté le moindre intérêt aux diamants de couleur, ni du point de vue esthétique, ni du point de vue commercial. Là, en une semaine, cinquante personnes ont commencé à chercher des diamants de couleur, pour un seul acheteur. »

Eddy Elzas sillonne la planète dans tous les sens. Son bilan voyageur est vraiment impressionnant : 20 000 heures d’avion en dix ans, chiffre correspondant au nombre d’heures que deux commandants de bord font durant toute leur carrière, 1 000 allers-retours aux Etats-Unis, 250 au Moyen-Orient et 250 en Afrique du Sud…

En achetant, en revendant, aussi, des pierres qu’il considère comme mineures, Eddy Elzas crée, puis dynamise, un véritable marché pour un produit qui ne suscitait pas beaucoup d’intérêt, excepté auprès de quelques monarques et des maharadjahs. Durant dix ans, il réunit toutes les pierres qui constituent la Rainbow Collection : 300 diamants de couleur. Un ensemble exceptionnel et unique au monde.  » Je suis un peu complexé, note Eddy Elzas avec une simplicité désarmante. J’ai toujours dû exceller en tout. Et comme le dit si bien Sigmund Freud : « On collectionne pour rehausser sa personnalité. » C’est la raison pour laquelle je voulais avoir la plus belle collection au monde. J’essaie de l’améliorer en permanence. « 

A 58 ans, Eddy Elzas est un homme comblé. Conseiller, intermédiaire, spécialiste doté de l’oeil  » le plus expérimenté du monde « , expert assermenté auprès de tribunaux américains, il est bel et bien reconnu comme le plus grand spécialiste des diamants de couleur.

La Rainbow Collection est gardée précieusement quelque part en Suisse. Pour son plaisir et celui de ses admirateurs, Eddy Elzas l’expose en moyenne deux fois par an, dans les grands musées internationaux. La première fois, on a pu l’admirer, en 1981, au musée d’Histoire naturelle de New York. Quelques jours plus tard, le roi Khaled d’Arabie saoudite a fait une offre à Eddy Elzas. Il souhaitait acquérir la Rainbow Collection, pour l’offrir en cadeau de mariage au prince Charles d’Angleterre et à la princesse Diana.  » Bien entendu, j’ai décliné l’offre. Je ne vends pas mes enfants « , conclut Eddy Elzas avec un sourire malicieux.

Le diamant de couleur chez les joailliers

1. Piaget: bague en or blanc 18 carats, 112 diamants blancs (2,37 ct), 19 diamants jaunes (0,85 ct), 1 diamant jaune taille coeur (5,01 ct) et bague en or blanc 18 carats, 117 diamants cognac (2,56 ct), 1 saphir jaune taille coeur (8,15 ct).

2. La Rainbow Collection d’Eddy Elzas : une pluie de diamants aux couleurs du temps.

3. Chopard, collection  » La Vie en rose « : montre dame en or rose 18 carats, sertie de diamants roses naturels (2,01 ct) et rubis (4,67 ct), 7 diamants mobiles roses et rubis.

4. Chopard, collection  » La Vie en Rose  » : pendentif ours en or rose et or blanc 18 carats, serti de 274 diamants, 181 diamants roses et 2 rubis avec 3 diamants mobiles.

5. Cartier: 2 rangs de perles fines multicolores (128,30 ct), 1 rang de perles fines blanc-rosé (71,51 ct), 1 saphir coussin jaune-orangé (36,26 ct), 1 diamant coussin brun-rosé (4,08 ct), 1 perle fine dorée (4,99 ct), 1 diamant fancy yellow brown (56,073 ct), monture or gris

6. Poiray: bague Coeur Secret en or blanc ou or jaune. Diamants blancs, diamants noirs et diamants bruns.

7. Mauboussin: bague Swan en or blanc, pavée de diamants blancs et d’un diamant cognac triangle d’un poids de 14,44 carats.

8. Chanel: clips d’oreilles Feu en or jaune et blanc 18 carats, composés de 173 diamants jaunes et blancs et de 6 perles des Mers du Sud.

9. Eddy Elzas, citant Sigmund Freud:  » On collectionne pour rehausser sa personnalité. »

Barbara Witkowska

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