James van Sweden, l’un des concepteurs du  » nouveau jardin américain « , a choisi le cadre enchanteur de LA Chesapeake Bay, dans le Maryland, pour se construire un havre de paix. L’architecture rigoureuse du bâtiment contraste avec l’exubérance de la végétation, mais tout concourt ici à un art de vivre très raffiné.

Carnet d’adresses en page 114.

 » E n fait, je suis resté très Hollandais, j’ai besoin de la plaine et de l’eau à proximité.  » Un sourire enjoué éclairant son visage alors que le soleil se lève sur Chesapeake Bay, James van Sweden pose de bonne grâce pour un portrait dans ce pavillon de jardin réalisé en bois flotté par l’artiste américain Ben Forgey. Réajustant son magnifique couvre-chef, il confie :  » Lors de l’inauguration en 2004 du mémorial pour la Seconde Guerre mondiale par George W. Bush, le Président Clinton, m’a fait un compliment sur un de mes chapeaux, allant même jusqu’à me demander où je l’avais trouvé.  » Notre hôte ne plaisante pas. Il était effectivement sur le podium ce jour-là, en tant qu’auteur du jardin de ce monument inauguré en grande pompe. Oehme, van Sweden & associés, son cabinet de paysagistes installé à Washington D.C., figure en effet parmi les plus réputés des Etats-Unis.

Petit-fils d’immigrants hollandais installés dans la région de Chicago, James van Sweden décroche d’abord, en 1960, un diplôme d’architecte à l’université du Michigan. Il revient ensuite sur la terre de ses ancêtres pour étudier le paysagisme à l’université de Delft et enchaîner par une fonction d’urbaniste à la ville d’Amsterdam. A son retour aux Etats-Unis, il intègre un grand bureau d’architecture de Washington où il se charge des aspects urbanistiques et d’aménagement du paysage. Il ne quittera plus la capitale fédérale. En 1977, il y fonde son propre bureau, s’associant alors avec Wofgang Oehme, un paysagiste allemand diplômé de l’université de Berlin. En plus de 25 ans d’activité commune, les deux complices ont non seulement trusté les plus belles clientèles de la côte ouest mais ils ont aussi réussi à imprimer un style qu’on appelle aujourd’hui le  » nouveau jardin américain « .

Nouveau jardin américain : les deux qualificatifs ont chacun leur importance. La référence américaine est fondamentale, car Oehme et van Sweden puisent leur inspiration dans la prairie indigène. La nouveauté vient, quant à elle, du plaidoyer pour un jardin qui demande moins d’entretien, moins d’arrosages, moins de fertilisants, moins de pesticides. En un mot plus sympathique pour l’environnement. Une large place est ainsi faite aux plantes vivaces et aux graminées ornementales qui sont ici utilisés en masses, formant des tapis, des mouvements ondulants, qui se mélangent les unes aux autres. Comme elles sont adéquates au sol et au climat, elles accomplissent un cycle complet, jusqu’à la formation des fruits. Et nombre d’entre elles restent jolies, même au-delà de l’automne.

Le  » nouveau jardin américain  » et ses préceptes sont aujourd’hui largement répandus, y compris en Europe. Preuve du succès du tandem Oehme et van Sweden, leurs deux pays d’origine respectifs se réfèrent largement à leurs travaux. On en retrouve notamment une filiation dans les jardins de graminées ou dans nombre de recherches qui sont effectuées en Allemagne pour minimiser l’entretien des parcs et jardins.

Cette philosophie, James van Sweden l’a appliquée au jardin qui entoure sa résidence de week-end, située à une heure et demie de voiture de ses bureaux. Voici quelques années, cette belle propriété n’était qu’un champ de soja…  » J’ai eu l’occasion de pouvoir mettre la main sur quelque douze hectares de terrain qui bordent littéralement le rivage de la Cheaspeake Bay, se réjouit le paysagiste. Comme cette surface était bien trop étendue pour mon seul usage, j’ai proposé à quelques amis de la partager. Nous avons ainsi créé quatre parcelles dont trois sont construites. Mon architecte Suman Sorg est d’ailleurs l’une des autres propriétaires. Nous avons procédé à un échange. Elle a conçu ma maison et moi son jardin…  »

Lorsqu’on l’aborde en venant de la rue, le bâtiment apparaît comme un parallélépipède austère, dont le caractère franchement monolithique est rompu par l’utilisation de deux couleurs, le gris d’une haute paroi en dur et le brun du bois. S’approchant davantage, la rigueur se confirme encore par les matériaux utilisés : de simples parpaings de béton peints et du contre-plaqué marin.  » Je me suis inspirée de ces hangars agricoles, à mi-chemin des bâtiments industriels pour réaliser une maison entièrement tournée vers la nature et le paysage aquatique « , explique Suman Sorg.

Deux entrées permettent d’accéder à l’intérieur. La grande est rarement utilisée. Car James van Sweden, comme ses amis, apprécient de passer par une petite ouverture ménagée dans le mur de béton, qui permet d’entrer directement de plain-pied avec la baie et avec les deux logements : la résidence de James, plus imposante, et une guest house que tout Américain d’un certain standing se doit d’offrir à ses hôtes de passage.

Les deux entités reproduisent à l’intérieur le contraste extérieur entre les blocs de béton et les panneaux en bois. Toutes deux sont aussi caractérisées par des murs qui dépassent 5 mètres de hauteur et des longues façades entièrement vitrées. Les quelques £uvres d’art soigneusement sélectionnées et le mobilier û réalisé sur mesure par Ben Forgey ou issu principalement du catalogue B&B Italia û tranchent par leur élégance avec le caractère brut de l’architecture, renforcé d’ailleurs par le sol constitué de grands quadrilatères de contreplaqué teinté en bleu ciel.

Pour son jardin personnel, qu’il a voulu fidèle à ses principes d’aménagement, James van Sweden a conçu deux atmosphères différentes. Du côté de l’entrée, les plantations foisonnent. L’allée est pavée de dalles de pierre irrégulières posées sur un lit de coquilles d’huîtres et est bordée de hautes vivaces comme des Rudbeckia maxima.

Un étang a été creusé, en harmonie avec le paysage aquatique environnant. Il joue magnifiquement son rôle de miroir romantique, reflétant au milieu de sa végétation rivulaire, le grand mur en béton. On note aussi de très hautes touffes dorées de Panicum virgatum  » Cloud Nine « . Côté baie, une large place a été laissée à la végétation spontanée, celle qui s’est réimplantée peu à peu quelques années après que la culture du soja ait cessé. Elle occupe la partie la plus distante de la maison et est séparée du jardin par une large allée qui est simplement le produit de tontes régulières de la prairie. A proximité de l’habitation, le jardin  » dessiné  » s’inspire des lignes de forces du travail de Oehme & van Sweden, à savoir l’emploi quasi exclusif de vivaces et de graminées. Parmi ces dernières, on notera le plus bel effet de vagues rouges de Andropogon virginicus et Schizachyrium scoparium, deux plantes caractéristiques des grandes étendues américaines qui côtoient des avoines sauvages (Chasmanthium latifolium).

Jean-Pierre Gabriel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content