» Indien et contemporain.  » C’est par ces mots que Manish Arora définit son style. Avec sa collection printemps-été 08, l’étoile montante de la création made in New Delhi défilait pour la première fois à Paris. Portrait.

S’il en est un qui a créé le buzz – et ce avant même le début de son défilé -, c’est bien lui. Car le calendrier officiel n’était pas encore connu que la rumeur circulait déjà dans le petit milieu modeux : après quatre saisons sur les podiums londoniens, traditionnels incubateurs à talents, Manish Arora pourrait débarquer à Paris. Le 30 septembre dernier, les journalistes se sont donc rendus en rangs serrés au Grand Hôtel, dans le IXe arrondissement, pour assister au baptême du feu de cet Indien qui promettait d’en mettre plein la vue. Le résultat fut à la hauteur des espérances : son vestiaire printanier, spontané, pétillant et ultracoloré, a ébloui le parterre des rédactrices de mode. Au propre comme au figuré.

 » Je me suis inspiré du pop art, que j’ai combiné à des visages de dieux indiens, à des scènes de la vie parisienne, à des figures de danse traditionnelle et à des éléments de comics américains, décrypte Manish Arora. J’ai aussi puisé des références dans les silhouettes des seventies.  » Un exercice périlleux, qui aboutit cependant à une collection équilibrée, dans laquelle les coupes plutôt classiques et structurées tempèrent la puissance des motifs. Le styliste évite donc l’écueil du kitsch.

Il ne tombe pas non plus dans un autre piège, qui consisterait à se laisser enfermer dans un registre folklorique. Certes, il a étudié au NIFT (National Institute of Fashion Technology) de New Delhi avant d’être rapidement nommé assistant de Rohit Bal, figure de proue de la mode dans son pays. Et, selon lui, le style indien existe bel et bien, en dehors  » des nombreux créateurs qui dessinent des vêtements ethniques « . Mais la filiation qu’il revendique avec l’Inde est plutôt liée  » à un savoir-faire traditionnel, comme la broderie. Ce pays possède un passé incroyable et un formidable héritage en matière d’art et d’artisanat, s’enthousiasme-t-il. Nous maîtrisons des procédés ancestraux dans tous les domaines de la création, combinés à une palette culturelle très riche, qui fascine le monde depuis toujours. « 

Mix and match

Le trait de génie de Manish Arora, c’est de combiner ces techniques traditionnelles à des apports modernes. Pour la collection printemps-été 08, ce sont les cristaux Swarovski, le plastique et le vinyle. Même démarche côté couleurs, puisque les roses indiens et jaunes safran sont rehaussés de tons fluo. Ce principe de  » mix and match  » est déjà présent, en pointillés, dans sa première collection, lancée en 1997. Repéré par Vogue France, le jeune homme avait alors préféré décliner la proposition du magazine, qui voulait l’engager comme styliste, pour réaliser son rêve en créant sa marque.  » Enfant, j’aimais déjà l’art, semble-t-il se justifier. J’ai toujours su que j’exercerais un jour un métier en rapport avec la création. Puis la mode est devenue mon moyen d’expression. C’est ma manière de partager mes aspirations et mes idéaux.  »

Un savoir-faire en héritage

L’année suivante, il défile pour la première fois à New Delhi, où il ouvre une boutique en nom propre dès 2002. Celle-ci sera rapidement suivie par d’autres enseignes dans le pays. Mais c’est l’arrivée sur les podiums londoniens, en septembre 2005, qui booste sa carrière internationale. La collection estivale de Manish Arora ensorcelle les journalistes et – ce n’est pas toujours le cas – les acheteurs suivent. Sa griffe est aujourd’hui vendue à Milan, Rome, Barcelone, Ibiza, Monte-Carlo, Tokyo, Hong Kong et New York. Sans oublier Paris, où ses collections sont présentées chez Maria Luisa, boutique hype de chez hype, aux côtés de celles de John Galliano, Alexander McQueen, Yohji Yamamoto ou Vivienne Westwood.

Et quand on lui demande s’il est fier de compter parmi les premiers créateurs issus du sous-continent à défiler dans la capitale française – Anamika Khanna y défilait elle aussi pour la première fois en octobre dernier -, il ne boude pas son plaisir :  » Ce moment symbolisait une reconnaissance. Personnellement, j’ai réellement ressenti un accomplissement dans le fait de pouvoir présenter mon travail là-bas.  » Mais il ajoute aussitôt que  » saison après saison, l’Inde voit se développer des créateurs talentueux. Je ne serais pas surpris de voir de plus en plus de visages familiers lors des prochaines semaines de la mode « . Parmi ces créateurs indiens qui montent, Rajesh Pratap Singh défilera pour la première fois à Paris en mars prochain, où il présentera sa collection hiver 08-09 ( lire l’encadré ci-dessus).

Dans son pays, Manish Arora a jusqu’à présent séduit principalement une clientèle aisée et urbaine, composée de femmes actives, de chefs d’entreprise et des actrices de Bollywood. Créer pour des stars ? Un point commun avec John Galliano, à qui on l’associe parfois, ou Jean Paul Gaultier, dont il  » admire le travail « .  » Je dessine des vêtements pour des aventurières, qui n’ont pas froid aux yeux « , tranche le créateur dans un sourire.  » Des femmes occidentalisées « , rétorquent parfois les Indiennes, confirmant au passage que nul n’est prophète en son pays…

Delphine Kindermans

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content