Le gazon est en plastique… et dans ce jardin sans fleurs s’épanouissent le béton, la pierre bleue et l’acier galvanisé. C’est pourtant un amoureux des plantes, le paysagiste belge Denis Dujardin, qui signe cette création ultracontemporaine.

Carnet d’adresses en page 72.

En découvrant ce jardin, on est d’abord surpris d’y voir un mobilier contemporain qui trouve habituellement sa place dans un intérieur branché. Puis l’on s’aperçoit que la pelouse est entièrement synthétique et que le sentier est couvert, en guise de gravier, de petits cailloux de verre bleu. La pergola, elle, est en acier galvanisé. Quant à la remise à outils, logée dans un coin, il s’agit d’une très grande citerne en béton qu’on a déposée à même le sol. Une simple porte a été découpée à la disqueuse tandis que la lumière naturelle entre par l’entremise de la trappe de visite originelle.

Pour ceux qui connaissent les travaux de Denis Dujardin et, plus encore, sa passion pour les plantes vivaces, ce projet doit apparaître saugrenu.  » La demande m’a été clairement exprimée par les propriétaires, explique le paysagiste : peu de plantes, peu d’entretien, peu de couleurs, pas de fleurs. Les plantes sont au nombre de trois : les Taxus baccata qui habillent certaines cloisons mitoyennes, les bambous que j’ai choisis pour la verticalité de leurs troncs et, au sol, les Ophiopogon  » Nigrescens « , pour la couleur noire de leur feuillage. En effet, une masse noirâtre contraste parfaitement avec le vert dominant et rappelle le béton poli qui constitue la terrasse à proximité de la maison.  »

L’intervention du paysagiste débute à cet endroit même, avec la césure opérée par un plan d’eau de 2 m de largeur. Sa profondeur atteint 1m 80, ce qui permet de s’ébrouer, de nager même. Ce plan d’eau qui coupe la parcelle dans sa largeur (soit une dizaine de mètres) fait penser aux douves d’autrefois. Pour atteindre l’autre partie du jardin, il faut, en effet, emprunter une étroite passerelle en métal ajouré. Mais pourquoi donc ce passage est-il interrompu sur 40 cm ?  » En fait, les propriétaires ont un chien à qui ils voulaient interdire l’accès à tout le jardin, confie Denis Dujardin. D’où ce trou infranchissable pour lui et qui réclame aussi plus d’attention à tous ceux qui empruntent la passerelle. A l’image des jardins secrets d’autrefois, l’autre partie de la propriété n’est accessible qu’aux  » initiés « , en l’occurrence les amis, les proches qui partagent ici de précieux moments de détente.  »

Et le gazon en plastique ? Ce revêtement s’est simplement imposé comme une réponse idéale au souhait des propriétaires de limiter l’entretien à sa plus simple expression. Dans l’aménagement, on remarque aussi de grosses tranches de croûte de pierre bleue taillées grossièrement, qui ont été réparties par Denis Dujardin. Rappels de la roche terrestre, de la minéralité originelle, ces stries dans le sol sont un des leitmotive du paysagiste :  » C’est une manière d’agrandir l’espace. Elles suggèrent que quelque chose se continue en dehors de la parcelle.  »

Le même sentiment intrigant prévaut lorsqu’on découvre la seconde parcelle. Attenant, pour partie, à l’extrémité du jardin principal, cette extension sera bien plus mystérieuse encore lorsque les bambous û des Semiarundinaria fastuosa û auront atteint leur taille adulte. Alors, cette chambre de verdure secrète ne sera plus signalée que par son  » couloir  » jonché de gravier de verre bleu et balisé de panneaux en branches de châtaigner. C’est ici que les propriétaires et le paysagiste ont choisi d’installer une salle à manger d’extérieur. Lorsque les beaux jours reviennent, une table attend les invités. Elle est intégrée à la pergola contemporaine dessinée par Peter Tinel, dont la structure est réalisée en acier galvanisé. Pour protéger les convives des fortes lumières, elle est équipée d’un écran coulissant, ce qui permet de créer une ombre au fil de la course du soleil.

Le choix de la couleur du mobilier est aussi à mettre à l’actif de Denis Dujardin.  » Avec le noir des Ophiopogon, l’orange s’imposait, s’enthousiasme-t-il. Je trouve que ces deux couleurs forment une paire très forte que j’aime mettre en scène.  » La sélection du mobilier, elle, est l’£uvre des propriétaires. Autour de la table de la pergola sont disposés les Air Chair, des sièges extrêmement pratiques et confortables signés Jasper Morrisson pour Magis. Quant aux chevaux et aux deux fauteuils bas en plastique, ils ont été dénichés chez Ikea…

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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