Conçu en 1938, ce jardin du Pajottenland appartient, comme la maison qu’il agrémente, à l’histoire de l’architecture moderniste. La belle propriété est toujours habitée par le fils du maître d’ouvrage qui veille à sa conservation… Et cette perle rare est aujourd’hui protégée comme un monument historique.

Née dans l’entre-deux-guerres, l’architecture moderniste a généré, en Belgique comme à l’étranger, un certain nombre de constructions, devenues aujourd’hui des icônes. Il est toutefois rare qu’un jardin, élément vivant et sensible par excellence, soit resté quasiment intact. C’est bien le cas pourtant de celui de la maison Heeremans-Moens, à Liedekerke, dans le Pajottenland, au sud-ouest de Bruxelles, aménagé entre 1938 et 1940.

Pour construire sa demeure le maître d’ouvrage a fait appel à Huib Hoste (1881-1957), un des fondateurs des Congrès internationaux d’architecture moderne. L’architecte dessine à la fois l’extérieur et l’intérieur de la maison, confiant alors la réalisation du mobilier à la célèbre entreprise courtraisienne De Coene. Pour le jardin, il présente à ses clients le paysagiste Jean Canneel-Claes (1909-1988). Fils du sculpteur bruxellois Eugène Canneel (1882-1966), l’homme est impliqué dans la réflexion contemporaine sur le paysage : il est le fondateur et premier secrétaire général de l’Association internationale des jardins modernistes. Il est aussi le premier étudiant à avoir reçu, en 1929, le titre d’architecte de jardin, au terme de ses études à l’Institut supérieur des arts décoratifs de La Cambre, à Bruxelles.

Une vision jouissive

A Liedekerke, Jean Canneel-Claes doit intégrer deux éléments : d’une part, le plan de la maison, en ce compris la terrasse qui lui est accolée au nord, et d’autre part, la déclivité du terrain qui offre une vue bucolique sur la vallée de la Dendre. Bien que fonctionnaliste, le plan du jardin s’insère dans une vision fondamentalement jouissive, destinée à offrir aux habitants le maximum des possibilités du site : le superbe panorama sur le paysage environnant, une aire de jeu pour les enfants (la pelouse), un lieu de détente pour les parents, un accès facile à l’ensemble de la parcelle et une abondante moisson de fleurs… Tout en minimisant l’entretien.

Jean Canneel-Claes divise la parcelle en deux dans le sens de la longueur et de la largeur. Le fil conducteur – à la fois fonctionnel et poétique – est une  » promenade  » pavée de grandes dalles en béton de 80 cm de côté. Elle part de la terrasse supérieure et se prolonge jusqu’au bout du terrain. Comme s’il s’agissait d’accentuer la sensation de pente, elle commence par une épingle à cheveux pour descendre en longeant la pelouse et le mixed border situé à l’est. Celui-ci se termine par une terrasse-solarium ornée de parterres de roses et protégée du nord par un solide mur en ifs. Cette même haie cache un jardin secret, comme on en trouve, notamment, dans les opus de la Renaissance italienne. Dans le plan originel, cette haie était en partie taillée assez bas, de manière à ouvrir des fenêtres sur le paysage.

Près de septante ans après sa conception, le jardin de la maison Heeremans-Moens a certes subi quelques changements. Les pins situés de part et d’autre des longs côtés de la parcelle ont atteint depuis longtemps l’âge adulte et confèrent au site des accents méditerranéens. Le mixed border a évolué, lui aussi, comme le type de roses plantées, même si la couleur rouge vif est toutefois restée. Mais l’essentiel, à savoir la qualité graphique du plan, est bien vivant, cette qualité de conservation étant rare pour un jardin de cette époque.

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

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