Deux ténors chacun dans leur domaine, le cuisinier Pascal Devalkeneer et le paysagiste Erik Dhont, se sont unis pour créer un garde-manger quasi inépuisable, et des plus contemporains, pour le restaurant Le Chalet de la Forêt, à Bruxelles.

« Jeune, j’ai eu la chance de travailler plus d’une année au Scholteshof de Roger Souvereyns, à Stevoort, alors qu’il avait deux étoiles au guide Michelin. Roger avait dessiné un potager de rêve qui a compté jusque 5 hectares de légumes et de fruits. Il était un véritable précurseur en cette matière, comme dans d’autres d’ailleurs.  » Installé depuis seize ans dans le cadre champêtre du Chalet de la Forêt, dans la forêt de Soignes, Pascal Devalkeneer (photo) – lui aussi doublement étoilé – disposait d’une parcelle de taille bien plus modeste, soit 1200 m2, mais entendait bien emprunter la voie de son ancien maître.  » C’était une pelouse que j’avais réservée pour l’éventuelle organisation d’événements, raconte le Bruxellois. Nous avions aussi quelques longs bacs dans lesquels nous cultivions déjà une dizaine d’aromatiques, sans plus.  »

Voici près de deux ans, le chef confie son projet de potager au paysagiste Erik Dhont, reconnu internationalement pour sa vision résolument contemporaine des espaces verts.  » Au départ, je voulais lui parler de notre jardin privé qui nécessitait quelque rénovation. Deux semaines plus tard, il m’est revenu avec des esquisses qu’il avait réalisées de sa propre initiative. C’était ambitieux et cela le reste. En tout, il a disposé 52 bacs aux contours souples qui évoquent des ellipses. Les parois sont conçues dans un matériau inerte obtenu à partir de matières plastiques recyclées. C’est dans ces contenants, à environ 50 cm de hauteur, que nous semons et plantons.  » Le projet d’Erik Dhont ne se limite pas à ces formes destinées à faire pousser herbes et légumes. Celles-ci sont insérées dans un périmètre végétal composé de vivaces, d’annuelles et d’arbustes. Le paysagiste explique :  » Les Prunus yedoensis et autumnalis (NDLR : des cerisiers) participent aussi à cet échange et donnent de la verticalité, accompagnés au printemps par la floraison des Syringa vulgaris (NDLR : des lilas). Les Hamamélis Jelena et Orange Beauty sont de taille intermédiaire entre les grands sujets et les vivaces, de même que quelques variétés de Rosa moschata (NDLR : des rosiers musqués).  » Le spécialiste a également fait des recherches en vue de proposer des plantes, fleurs, aromatiques et légumes moins connus. Le résultat est plus que séduisant car il offre à la fois une vision moderne, contemporaine, quasi sculpturale du potager et l’atmos-phère bucolique d’un éden d’autrefois.

L’année 2015 fut donc celle des découvertes.  » Nous avons préféré la diversité à la quantité, explique Pascal Devalkeneer. Mais nous avons couvert l’intégralité de nos besoins en herbes aromatiques et 30 % de ceux en légumes, le tout en bio. Nous avons aussi expérimenté des systèmes de paillage, des associations de plantes dans un même bac. Dans un restaurant, nous pouvons utiliser certains légumes comme des notes condimentaires. Le chou-rave cru est un bon exemple. Nous en avons récolté une quinzaine et utilisé un par jour. Nous avons même cultivé deux caisses de melons.  » Pour un cuisinier, pouvoir jouer avec un tel répertoire est un enrichissement permanent. Il donne envie de créer de nouvelles recettes, de mettre le végétal à la place qu’il devrait occuper, de varier les modes de préparation.  » Mais le plus important, c’est le caractère éducatif et formateur de cet outil, concluent les deux partenaires de l’initiative. Nombre de jeunes cuisiniers sont coupés de cette réalité, du rythme des saisons. Ils ne savent plus comment grandit une carotte. Grâce aux serres couches qui sont situées à l’extrémité de la parcelle, ils peuvent en outre suivre pas à pas l’évolution des semis, se familiariser avec la fraîcheur des primeurs.  »

Le Châlet de la Forêt, 43, drève de Lorraine, à 1180 Bruxelles. www.lechaletdelaforet.be

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

 » NOMBRE DE JEUNES CUISINIERS NE SAVENT PLUS COMMENT GRANDIT UNE CAROTTE.  »

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