C’est un petit paradis placé sous le signe de l’arc-en-ciel… Dans le golfe du Siam, les Belges Boris Vervoordt et Jef Moons ont aménagé un lodge de rêve où ils font revivre toute la magie de la cité balnéaire de Kep. Découvrez tous les sortilèges de leur Knai Bang Chatt.

Depuis la terrasse supérieure de la maison bleue, la vue est idyllique. Elle entraîne le regard au loin vers quelques îlots ancrés dans les flots du golfe du Siam. A droite, une maison peinte en rouge se reflète dans la piscine. A gauche, les convives réunis savourent le spectacle du soleil couchant en sirotant le verre de bienvenue, un jus de citron vert allongé d’eau glacée et légèrement sucré…

L’histoire du lodgde de Knai Bang Chatt commence lorsque, en juillet 2002, Boris Vervoordt et Jef Moons empruntent la petite route de terre qui conduit à la plage de Kep, dans le sud du Cambodge. Ils sont alors accueillis par une de ces merveilles que peut réserver la nature : un arc-en-ciel boréal. Ce phénomène peu courant, consistant en la formation d’un cercle multicolore complet, ils y avaient été initiés quelques jours plus tôt, alors qu’ils se trouvaient au sommet du mythique temple d’Angkor Vat.  » Nous avons pris cela comme un signe du destin, confie Jef, sans savoir que, désormais, nous reviendrions ici, au bord de ce golfe du Siam, plus de dix fois par an. En langue khmère, cet arc-en-ciel porte le nom de Knai Bang Chatt…  »

Tant pour Jef que pour Boris (le fils d’Axel Vervoordt (l’antiquaire anversois renommé), ce voyage était le premier au Cambodge. Le périple avait commencé à Siem Reap, la ville célèbre pour les temples d’Angkor.  » Nous voulions ensuite passer des vacances à la plage, poursuit Jef. Un barman de notre hôtel nous a conseillé la région de Kep et nous a recommandé l’hôtel Champey Inn, propriété d’un Français. De Phnom Penh, nous sommes allés vers le sud, direction Sihanoukville, aujourd’hui appelée Kompong Som. Et, de là, nous avons loué des motos. C’est le seul moyen de transport qui vous permette de découvrir en profondeur la majeure partie du Cambodge.  »

En arrivant à Kep, la route se rapproche de la côte. La cité balnéaire s’annonce par quelques habitations d’allure récente. De la splendeur passée, il ne reste plus que des murs en ruine. Quant aux jardins, ils sont retournés à l’état sauvage.

Cette vision invoque de manière étrange cette description extraite d’une encyclopédie publiée au début des années 1970.  » Les stations de Kep et de Kampot présentent, au bord du golfe de Thaïlande, leurs plages de sable fin à l’ombre des cocotiers, et de charmants pavillons pourvus de tout le confort qui accueillent les touristes dans un décor digne des mers du sud. »

Si Kampot, la grande ville voisine, où se tient le marché quotidien, peut encore faire illusion avec ses grandes artères et ses vestiges d’une architecture de type colonial, la première impression que l’on ressent en arrivant à Kep est celle d’un monde dévasté. Il le fut réellement durant la période Khmer rouge. Tous les signes de  » pollution ethnique  » devant être anéantis, les belles demeures ont été éventrées et débarrassées de leur mobilier. Elles sont aujourd’hui squattées par des familles indigènes qui y trouvent un abri de fortune et pacage pour leurs animaux.

La seule bâtisse à avoir conservé une partie de son intégrité est un palais royal juché au sommet d’une colline qui surplombe le bord de mer. Kep était autrefois une station très recherchée. De nombreux notables et des membres de la famille royale y avaient une résidence. On y a construit, dans les années 1950, quelques très beaux exemples de l’architecture moderniste. La rumeur attribue même l’une d’entre elles au grand Le Corbusier.  » On parle davantage de disciples de Le Corbusier, explique Boris. Le plus connu est Vann Molyvan, incontestablement une des figures de proue du modernisme en Asie. Il a aussi été l’architecte attitré du roi Norodom Sihanouk, qui lui a confié, entre autres, la construction du stade olympique de Phnom Penh.  »

à LA MAIN…

Non loin du Champey Inn et à côté du marché aux crabes local, Boris et Jef repèrent une maison à vendre signée Vann Molyvan. On devine encore la peinture bleue sur ses murs délavés. Elle occupe la partie haute d’une parcelle rectangulaire dont l’un des côtés donne sur la mer. Il n’en fallait pas plus pour que les deux voyageurs se muent en propriétaires.  » Nous avons tout de suite pensé, embraye Jef, que nous pourrions concevoir un lodge. Mais une seule maison était insuffisante au projet. Nous avons donc rencontré le vice-gouverneur qui habitait sur place en remettant notre sort entre ses mains. A lui de négocier pour l’acquisition des deux maisons situées de part et d’autre de  » notre  » maison bleue.  »

Trois jours plus tard, c’est chose faite. Le protocole d’accord est signé avec, en guise de seul acompte, 1 000 dollars. Le patron du Champey Inn met alors les deux complices en contact avec une amie architecte, Françoise Lavielle, une Française établie à Phnom Penh. Boris et Jef se répartissent les tâches. Au premier, l’aménagement architectural, au second toutes les considérations techniques, de la réfection de la piscine à l’installation d’un générateur d’électricité, le réseau n’atteignant plus la région.

Le chantier de rénovation – qui comptera aussi la construction d’une quatrième maison – va durer plus de deux ans, au cours desquels plus de 80 personnes s’activeront en permanence.  » Il faut savoir qu’ici tout se fait manuellement, souligne Jef. Le seul outil que j’ai pu voir fonctionner est une petite scie circulaire… Prenez, par exemple, les salles de bains. Le granito est entièrement poli à la main. Tous les sols ont nécessité quatre coulées de chaux, à chaque fois lissées à la main.  »

Parallèlement aux gros travaux, il faut aussi songer à meubler et décorer les 14 chambres que compte le lodge. Priorité absolue est donnée aux articles locaux. On trouve ici et là à Phnom Penh du mobilier contemporain. On peut aussi dénicher de vraies antiquités, essentiellement en terre cuite et en bronze. Les lits, eux, sont de véritables lits paysans khmers, tels qu’on peut les voir dans les familles à la campagne. Composés de grandes planches épaisses en bois vernis, ils sont déposés sur des tréteaux. Seule concession au confort moderne : les nattes végétales sont remplacées par des matelas…

Un havre de paix

Aujourd’hui, Knai Bang Chatt a atteint l’objectif recherché par ses propriétaires : offrir un havre de paix où chacun peut évoluer à sa guise, s’isoler ou profiter des activités en groupe.  » Le vrai luxe, s’enorgueillit Boris, est que nous sommes situés dans l’un des rares endroits de Kep où l’on jouit d’un contact direct avec la mer. D’autres maisons en sont séparées par une route ou sont implantées sur les collines.  »

A noter aussi : la qualité du service que Knai Bang Chatt propose à ses résidents. Une équipe de quatorze personnes organise la vie pratique dans le moindre détail. La table y est remarquable. Savut se charge des courses et se rend en mobylette, tôt le matin, au marché de Kampot. Shanti, la cuisinière, recrutée à Phnom Penh pour ses qualités de cordon bleu, prépare les repas. Son répertoire, varié, s’inspire avant tout de la cuisine cambodgienne, cousine en de nombreux points de la thaïlandaise.

Pour Boris, chaque séjour dans cet univers est un pur bonheur.  » Mes parents nous ont emmenés, mon frère et moi, très tôt dans leurs voyages, raconte-t-il avec émotion. L’Asie était déjà une de leurs destinations de prédilection. Je me souviens de m’être retrouvé à l’âge de 8 ans sur l’île de Koh Samui en Thaïlande. Nous logions dans des petites cabanes sur la plage. Et je me suis dit qu’un jour j’aurais une maison dans ce genre d’environnement. C’est comme si, dans une vie antérieure, j’avais vécu dans le Sud-Est asiatique. Je m’y sens chez moi.  »

Carnet d’adresses en page 120.

Texte et photos : jean-pierre gabriel

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