Anne Ledroit et Vincent Pierret, deux jeunes architectes, ont transformé les niveaux supérieurs d’une maison bruxelloise en un triplex digne des exigences du IIIe millénaire. Un tour de force magistral.

Espace, clarté, pureté, confort, sérénité et fonctionnalité. Ces qualités viennent immédiatement à l’esprit en franchissant le seuil de cette habitation lumineuse, située sur les hauteurs d’une maison de rapport très classique. Haute, étroite, elle ressemble à tant d’autres bâtiments de cette grande artère bruxelloise. Construite au début du siècle par des entrepreneurs, sans l’aide d’un architecte, elle se contentait d’aller à l’essentiel. Le bel-étage était voué au commerce, les niveaux supérieurs abritaient des pièces à vivre et des chambres très simples.

Au fur et à mesure, on a cloisonné certaines pièces en fonction des besoins, on a installé des douches sur le palier ou dans les cuisines. C’est dans cet état, un peu chaotique, que la jeune Isabelle a hérité de cet immeuble de quatre étages. Les deux niveaux inférieurs, elle les a destinés à la location. Pour sa propre habitation, la jeune femme s’est réservé les troisième et quatrième étages, réunissant, au total, quatre pièces aux dimensions confortables et deux pièces plus petites. Le tout étant relié par un escalier extérieur commun. La solution la plus basique consisterait à y aménager deux petits appartements. Or, voulant aller contre cette logique, la propriétaire a décidé d’y créer un seul espace, vaste, moderne et cohérent.

Anne Ledroit et Vincent Pierret, deux (très) jeunes architectes, ont relevé le défi avec beaucoup d’enthousiasme. Leur ambition?  » Faire une maison bruxelloise comme on n’en a jamais faite « .  » Le point de départ était évident, explique Anne Ledroit. Au-delà du troisième étage, il a fallu supprimer la cage d’escalier extérieure, puis recréer une nouvelle circulation à l’intérieur. Le but du jeu était de gagner un troisième niveau pour créer un triplex.  » Les architectes ont totalement bouleversé la typologie habituelle de ce genre de maison. Auparavant, sur le palier du troisième étage, trois portes donnaient accès aux trois chambres. Tout a été supprimé. L’escalier a été arrêté et désormais une seule porte s’ouvre sur un petit hall d’entrée, judicieusement équipé de placards discrets. Ensuite, le visiteur est accueilli dans un vaste espace unique réunissant la cuisine, la salle à manger et le séjour. Bien sûr, il a fallu abattre des cloisons, voire même un mur porteur.  » Aujourd’hui, grâce aux conseils d’un ingénieur, on peut tout faire « , précise Anne Ledroit.

Les jeunes architectes prônent une philosophie très épurée.  » Nous souhaitons rendre les choses plus lisses, plus abstraites, plus structurales et plus organiques, explique Anne Ledroit. L’idée de la continuité prime, nous voulons gommer les ruptures. Toutes les portes, par exemple, sont sur pivot. En renonçant aux chambranles, nous obtenons des murs intacts, très doux. Les joints entre les portes sont les plus discrets possible. Dans la cuisine, également, nous avons évité les poignées, les boutons et les rebords. Les portes des placards ferment par un système de pression. L’ensemble des rangements donne l’impression d’un volume plutôt que d’une succession de portes. Dans le salon, la bibliothèque est encastrée dans le mur, toujours dans l’optique d’avoir une surface plane. « 

Les architectes ont attaché une grande importance aux moindres détails tels que la lumière artificielle dans le salon, par exemple. Le plafond du salon est constitué par le sol de la chambre et les architectes ont trouvé intéressant de jouer sur une lumière moins traditionnelle. D’où l’idée de placer les luminaires de façon plus aléatoire, plus graphique. Disséminés au hasard, les  » spots  » s’apparentent à de simples cylindres de métal.

Dans ce vaste espace immaculé, la couleur est employée à bon escient. Elle se fait symbole, marque les frontières et indique les transitions. L’orange, une couleur chaude, a été utilisé pour le plafond du hall d’entrée. Le gris foncé, chic et fonctionnel, habille les volumes dans la cuisine. Sur la mezzanine, un mur parme signale la chambre. Dans la salle de bains, le plafond ocre s’harmonise au vert des carrelages.

Les fenêtres n’ont subi aucune modification. La jeune propriétaire souhaitait garder la façade intacte, pour respecter le tissu urbain. En revanche, les architectes ont ajouté un Velux dans le toit. Il amplifie admirablement la luminosité de l’ensemble.  » Bien que tous les volumes aient été bouleversés, il s’agit d’une rénovation d’un coût raisonnable, conclut Anne Ledroit. Nous n’avons utilisé aucun matériau extravagant. Les escaliers intérieurs ont été réalisés par un ferronnier. La cuisine, dessinée par nous, a été construite par un menuisier. Il est peut-être intéressant de rappeler que faire exécuter des travaux sur mesure et faire travailler des artisans ne coûte pas forcément plus cher. Pour nous, la réussite d’un intérieur ne rime pas avec l’utilisation exclusive de matériaux luxueux. La qualité est synonyme de belles dimensions, de transitions judicieuses, de détails bien dessinés et de couleurs adéquates. « 

Barbara Witkowska Photos: Sven Everaert

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