Un univers design et signé Philippe Starck

Homme de pub, Alain Manders s’est façonné un univers à la mesure de ses rêves. Son loft bruxellois rend un bel hommage au design et à l’oeuvre de Philippe Starck.

Carnet d’adresses en page 112.

« Je puis dresser une liste de tout ce que je n’aime pas dans un loft, ou plutôt de tout ce qu’il ne faut pas faire. Je n’aime pas avoir froid dans un espace trop ouvert que pour être bien chauffé. Je déteste abîmer trois paires de chaussettes par jour sur un plancher usé, mal raboté. Je n’aime pas davantage les différences de niveaux dans lesquelles vous vous prenez immanquablement les pieds.  » A 33 ans, Alain Manders fait figure d’icône dans le monde de la pub. Il propose à une brochette assez impressionnante de marques connues l’approche la plus personnalisée qui soit du contact direct avec le client potentiel, appelée dans le métier, le  » one to one « . Au sortir d’une salle de cinéma ou après un concert dans un festival rock, si on vous offre un soft drink bien frais à 2 °C… Alain Manders ne se trouve pas loin. Il est même à la source de cette opération promotionnelle et de tant d’autres.

 » Nous avons commencé notre activité dans une maison de ville. Au fil des mois, avec le développement de nos affaires et du personnel, nous nous sommes trouvés de plus en plus à l’étroit. Quant au garage dans lequel nous rangions le matériel entre deux opérations, il n’était plus possible d’y entrer.  » Alain Manders part alors à la recherche de vastes entrepôts. Tout ce qu’on lui propose se trouve hors de Bruxelles. Mais pour exercer pleinement son activité, il a viscéralement besoin de vivre la ville, de la sentir. Un jour, il découvre un bâtiment à l’abandon, à Laeken. Le dernier occupant en date était l’importateur d’une célèbre marque de bière danoise. Le lieu a une histoire industrielle : il fut d’abord une laiterie, puis une biscuiterie. Le coup de foudre ! Mais, avec ses plusieurs milliers de mètres carrés, l’ensemble bâti représente bien plus que les besoins de l’entreprise, même en plein boom. C’est ainsi qu’Alain Manders échafaude le projet de transporter non seulement le matériel, mais aussi son équipe, et de convertir en lofts les parties les plus intéressantes du point de vue architectural. Une fois achevés, chacun de ceux-ci disposera d’un jardin, ceux des étages supérieurs bénéficiant, en outre, d’une terrasse.

Aujourd’hui, le beau bâtiment situé à front de rue est dans sa dernière phase de rénovation. Les façades en briques ont été entièrement ravalées et les baies vitrées récréées.  » Pour des raisons de sécurité, toutes les ouvertures avaient été murées. J’ai dû faire réaliser tous les châssis d’après des plans d’époque. Nous avons privilégié l’acier, au détriment de l’aluminium ou du PVC, qui auraient sans doute été plus pratiques à l’emploi, mais totalement inesthétiques.  »

Au rez-de-chaussée, on achève aujourd’hui la salle de fitness, destinée au team de Demonstrate, la société d’Alain Manders. Au premier niveau sont installés les grands bureaux et, au second, une partie des salles de réunion et de détente ainsi que le loft du propriétaire des lieux.  » C’est le premier qui soit achevé ; je l’ai fait pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que cela me permet d’éviter de me déplacer, car je travaille souvent tard le soir. Ensuite, parce que j’ai besoin de démontrer les potentialités d’un tel espace. Même si j’explique aux gens qui souhaiteraient s’installer ici ce que représente une surface de 250 m2, comment seront les jardins de toiture… Rares sont ceux qui peuvent visualiser le parti qu’ils peuvent tirer de la situation existante. En fait, je m’aperçois que le loft est affublé d’une certaine image, celle d’un espace unique où tout est en communication. Mais il est, par exemple, irréaliste de vouloir chauffer de la même manière un tel volume. Dans le living, on préfère généralement 21 ou 22 °C, dans la chambre, 16 °C suffisent amplement. En revanche, dans la salle de bains, pour y faire ses ablutions, on a besoin de 25 °C.  »

L’espace s’organise donc en une grande salle de jour qui reprend à la fois le hall avec les sanitaires pour les invités, le salon, la salle à manger, le bureau, la cuisine et, même, la salle de jeux. Un volume plus intime est réservé à la nuit. Il est aussi plus petit parce que la structure des lieux l’imposait. Alain Manders a cependant trouvé un moyen visuel d’amplifier l’espace. En guise de cloison, du plancher au plafond, il utilise une paroi de verre. Il peut, de la sorte, conserver l’écart de température tout en créant l’illusion de la continuité. Et si l’on souhaite isoler les deux pièces, un simple voile en tulle vient se glisser le long de la vitre.

Si la chambre est sobrement meublée, dans la salle de bains la manière dont la baignoire est installée et le choix de celle-ci révèle une des grandes passions de l’occupant des lieux : le design selon Philippe Starck. La baignoire Edition 2 (Hoesch), munie du robinet mélangeur de la même collection (Axor), constitue la pièce maîtresse, enjolivée d’un appuie-tête en forme de c£ur. Tout, de la douche au lave-mains, en passant par le tabouret en verre Bohem 3 (Kartell) est donc signé Starck.  » J’aime les univers de Starck. D’ailleurs, quand je voyage, je m’organise toujours pour loger au moins une nuit dans un des hôtels du groupe Ian Schrager, qui gère les hôtels décorés par le célèbre designer : le Sanderson à Londres, le Delano à Miami, le Paramount à New York. J’aime l’humour de ce créateur, comme, par exemple, lorsqu’il place un nain de jardin dans le lobby.  »

Côté jour, le presse-agrumes Juicy Salif (Alessi) se retrouve avec les chaises café Costes entourant la table en verre de Le Corbusier, elle-même coiffée par la macro lampe Superarchimoon (Flos), une des plus récentes créations de… Starck.  » Mes visiteurs s’étonnent souvent que je ne possède pas d’£uvres d’art. Mais, pour moi, ce mobilier représente une véritable collection. J’ai d’abord vécu dans un petit studio, meublé en kit. Mais je me suis offert le fauteuil LC 1 de Le Corbusier, édité par Cassina. Et d’année en année, de déménagement en déménagement, j’ai continué à accumuler, en me cantonnant à trois couleurs : le rouge, le noir et le blanc, qui sont aussi celles de notre logo. Le blanc, c’est la pureté, la sérénité. Cette couleur suscite le calme. D’ailleurs notre salle de réunion est peinte en blanc. Le noir est synonyme de chic et de classe. Le rouge, ma couleur préférée, est celle de la passion. Un coloris très utilisé dans le monde de la pub et de la communication. Avez-vous déjà observé combien de marques célèbres emploient le rouge ? Coca, Virgin, Stella… « , précise Alain Manders.

Ces couleurs sont savamment dosées à l’intérieur du loft. Le blanc est concentré sur un point : le petit bureau dessiné par la styliste Ann Demeulemeester, flanqué d’une chaise Panton du designer du même nom, éditée par Vitra et décoré d’un iMac. Le rouge fait, lui aussi, la part belle aux grands noms du design, comme la chaise dessinée par Charles et Ray Eames pour Herman Miller en 1946, qui contraste avec le chêne clair du plancher. Mais ce rouge est beaucoup plus affirmé dans le voluptueux sofa en velours, le bien nommé Boa, dessiné par Fernando et Umberto Campana pour l’éditeur italien Edra.  » Je retrouve chez Edra cette même note d’humour que chez Starck. Dans la chambre, je possède également leur célèbre canapé Bocca, en forme de lèvres, qui fut utilisé pour une publicité de barre chocolatée.  »

La cuisine, séparée du séjour par un comptoir, comprend un vaste plan de travail et de très belles plaques de cuisson révélant le goût très affirmé d’Alain Manders pour les plaisirs de la table.  » J’adore manger. Je suis plutôt du style vide frigo. Je cuisine avec tout ce qui me tombe sous la main J’apprécie tout autant un pot-au-feu qu’une simple salade. Et j’aime m’entourer d’instruments efficaces. Du grille-pain, au blender (mixeur) en passant par le presse-agrumes, tous mes appareils électroménagers présentent une qualité commune : l’esthétique.  »

La démonstration par A plus B qu’un loft n’est pas forcément un lieu aseptisé habité par un être ne goûtant pas les plaisirs simples de la vie. Ce type de logement séduit également les esthètes épicuriens.

Texte et photos : jean-pierre Gabriel

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