Raffinée, féline et nomade, elle navigue du cinéma d’auteur français aux superproductions hollywoodiennes. Aujourd’hui, l’actrice allemande aborde un tournant avec Un plan parfait, sa première comédie. Elle s’y révèle hilarante.

Paris. Assise au premier étage du café de Flore – silhouette noire à la Juliette Gréco, regard clair et sévère -, elle ressemble à une muse de l’existentialisme… Tout le contraire du personnage qu’elle incarne dans Un plan parfait (*), le nouveau film de Pascal Chaumeil après L’Arnac£ur. Diane y dévoile, au côté de Dany Boon, un talent comique insoupçonné. La comédienne polyvalente et hyperactive (danseuse à 13 ans, mannequin à 15) est devenue, en une trentaine de films, l’une des figures les plus glamour du cinéma international – elle vit entre la Ville lumière et Hollywood. On l’a vue dernièrement dans le rôle de Marie-Antoinette ( Les Adieux à la reine, de Benoît Jacquot). On la retrouvera bientôt dans The Green Blade Rises, d’A.J. Edwards, produit par Terrence Malick, dans lequel elle interprétera Sarah Lincoln, la belle-mère de l’ancien président des États-Unis. En cet après-midi d’automne, Diane Kruger évoque sans détour et avec ironie ses failles et ses rêves.

Comment définiriez-vous Isabelle, l’héroïne d’Un plan parfait ?

C’est une menteuse et une manipulatrice, persuadée que sa famille subit une malédiction : tous les premiers mariages se terminent par un divorce. Alors elle épouse un inconnu crédule (Dany Boon), avec l’intention de s’en séparer immédiatement pour convoler avec son véritable amour. Le plan serait parfait si la victime n’était pas l’infernal Dany, rédacteur pour un guide touristique, qu’elle va devoir suivre dans un périple l’emmenant du Kilimandjaro à Moscou…

Qu’est-ce qui vous a plu dans ce scénario ?

Il reflétait tellement l’histoire de ces femmes qui ont voulu tout réussir : faire les bonnes études, trouver le bon travail, dénicher l’homme  » parfait « . Et puis tout a foiré ! Isabelle n’a que 30 ans, et sa vie est déjà horriblement chronométrée. Elle et son fiancé ont l’air d’un vieux couple : ils dînent tous les vendredis dans le même restaurant et commandent le même plat, ils font l’amour le samedi, jouent au bowling le mercredi avec leurs amis… Je me suis souvent demandé s’il existait un secret pour réussir un mariage. On tente d’inventer des règles au risque de s’enfermer dans une cage. J’aime l’idée que, dans une existence si programmée, une rencontre imprévue fasse tout voler en éclats.

Êtes-vous quelqu’un de très carré, comme l’est votre personnage au début du film ?

Pas du tout ! J’ai choisi d’être comédienne – un parcours fait de hauts et de bas – pour fuir la routine. Je prends des décisions importantes en me fiant à mon instinct, à mes coups de c£ur. Je suis incapable de me projeter… J’aimerais avoir une famille, des enfants, mais je ne m’imagine pas m’asseoir à une table avec mon compagnon pour programmer notre avenir.

Pourquoi la comédie est-elle arrivée si tard dans votre carrière ?

Je ne sais pas… Peut-être parce que j’ai un visage dur… Une allure de petit soldat. (Rires.) Cela dit, il y avait des passages plutôt marrants dans Inglourious Basterds, le film que j’ai tourné avec Quentin Tarantino, mais c’était un humour grinçant, dans l’excès… J’avais cette envie refoulée d’être drôle comme Kristen Wiig dans Mes meilleures amies. Avec Un plan parfait, je me suis lâchée. Ça n’a pas été évident car je n’ai pas une nature comique, mais Dany Boon m’a aidée à me décoincer.

D’où vient cette froideur apparente ?

Ma mère m’a élevée en me disant qu’il ne fallait pas trop se dévoiler ni montrer ses sentiments ou ses états d’âme. Et puis il y a en moi cette volonté de ne pas partager les choses. Pour moi, partager signifie se protéger, ne pas vouloir se voir telle que l’on est… Du coup, je suis quelqu’un de très réservé, et cela donne, effectivement, cette impression de froideur.

Vous avez incarné Marie-Antoinette. Était-ce un personnage difficile à approcher ?

Même si Marie-Antoinette, une femme déracinée, a eu des échos très forts en moi, j’ai eu du mal à reconstituer toutes les facettes de sa personnalité : la frivolité, l’arrogance, la colère, la solitude extrême. Elle disait :  » Le pouvoir est une malédiction sur un manteau d’hermine…  » La scène qui m’a le plus troublée est celle de la fin, quand elle efface son rouge à lèvres d’un revers de main, une façon de se débarrasser des artifices de la cour.

Avez-vous en commun cette solitude que vous évoquez parfois ?

C’est vrai, j’ai souvent besoin d’être seule, même si la solitude peut être pesante. Dans ces moments entre parenthèses, je réfléchis loin de tout et de tous. Je fais un grand deuil de mes  » premières fois « . Je ressens une grande nostalgie en pensant que je n’éprouverai plus jamais une pareille sensation avec la même force : la première fois où je suis tombée amoureuse, la première blessure sentimentale… Tout en sachant que si cela se reproduisait je souffrirais autant, mais que cette douleur passe. Oui, cela me rend très mélancolique.

Parlez-nous de votre prochain rôle, Sarah Lincoln…

C’est un film en noir et blanc qui dévoile une personnalité de l’ombre, fascinante, déterminée, en avance sur son temps : elle était contre l’esclavage. Sarah, la belle-mère d’Abraham Lincoln, a vu dans ce petit garçon une force, un sens de la justice et une intelligence hors du commun. Elle l’a poussé à faire des études d’avocat. Ce sera le rôle le plus américain de ma carrière.

Vous êtes très discrète sur votre vie privée…

Nous protégeons notre couple. Mon fiancé (l’acteur Joshua Jackson) m’a donné confiance en moi. Il est extraverti – mon contraire – et intéressé par toutes sortes de choses. J’aime l’épater en cuisinant, la gastronomie est ma deuxième passion. Et, à chaque fois que je le retrouve, je cours m’acheter une jolie robe pour lui plaire. On doit s’habiller pour les rendez-vous de la vie, non ?

(*) Sortie ce 31 octobre.

PAR PAOLA GENONE

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