Barbara Witkowska Journaliste

Après avoir magistralement rendu hommage à sa mère, en 2010, dans L’Insoumise ou Scarlett O’Hara au pied du terril, la comédienne revient sur les planches avec Les Monologues voilés. Une reprise très attendue.

Grande comédienne, mais… par intérim. Pour boucler les fins de mois, Jamila Drissi travaille à plein temps à la bibliothèque communale de Saint-Ghislain où elle nous reçoit. Un vaste espace tapissé de rayonnages de livres et une ambiance recueillie qui va bien à cette belle femme calme et généreuse, au regard chaleureux et attentif, auréolé par une splendide chevelure baudelairienne.

La reprise des Monologues voilés l’enchante.  » Le spectacle, écrit par Adelheid Roosen, a été créé au Théâtre de Poche, à Bruxelles, en 2008. Il est dans la même lignée que Les Monologues du vagin, d’Eve Ensler. Quand on m’a proposé les auditions, j’avais une petite réticence en me disant qu’on allait revenir avec les mêmes clichés : l’excision, le mariage forcé, le mariage blanc… Puis j’ai lu le texte. Et j’ai été très touchée par les témoignages de ces femmes, originaires de différents pays musulmans où l’islam n’est pas vécu de la même façon. Dans un langage libre et parfois cru, elles parlent de l’intimité et de la sensualité. C’est un cliché d’affirmer qu’elles sont toutes soumises, tristes et qu’elles n’ont rien à dire. Ce sont de vraies femmes. On est dans le récit, on ne porte pas de jugement. Le but est de susciter des émotions et des réactions. J’insiste, on ne parle pas d’islam.  »

Née à Mons en 1968 dans une famille à mille lieues du théâtre (parents d’origine algérienne, père mineur, huit gosses), Jamila se souvient d’une enfance heureuse et insouciante, vécue dans une ambiance multiculturelle, empreinte d’une grande solidarité. La maison est petite, les mômes jouent dehors, font des expéditions, organisent des pique-niques sur les terrils. Jamila travaille très bien à l’école, décroche le diplôme de secrétaire de direction.  » Mes parents sont illettrés mais ils ont toujours soutenu leurs enfants pour qu’ils fassent des études. Je leur tire mon chapeau. « 

Le théâtre est sa vraie passion. Jamila veut s’exprimer, jouer, lire à haute voix,  » manger  » du texte. Les parents sont réticents. Sa mère consent toutefois qu’elle entre au Conservatoire de Mons à condition de faire du théâtre pour enfants. Douée et motivée, elle décroche le premier prix dans la catégorie  » l’art de la parole « , au bout de trois ans (au lieu de cinq). Son ambition est de vivre de son art. Elle survit, plutôt, de petits boulots à droite et à gauche. Au bout de trois ans, de guerre lasse, elle accepte un contrat de trois mois à la bibliothèque communale de Saint-Ghislain. Elle y travaille toujours, depuis quatorze ans, comme bibliothécaire et animatrice pour enfants.

Un jour, le théâtre est venu enfin à elle. On lui a proposé Les Monologues voilés. Un succès. Puis le directeur de l’Espace Magh (centre culturel dédié aux cultures du Maghreb), à Bruxelles, a souhaité travailler sur la mémoire des femmes et des mères. L’auteur et le metteur en scène Soufian El Boubsi a imaginé L’insoumise ou Scarlett O’Hara au pied du terril, un spectacle magnifique, fort et émouvant où Jamila, seule sur scène, raconte la vie de sa mère.

 » Mon rêve ? Organiser des goûters philo avec des enfants. Je voudrais leur donner la parole, les faire s’exprimer et les faire réfléchir différemment. Nous avons tous quelque chose à dire. Sinon, je profite au maximum de ce que la vie m’offre. Je n’ai pas d’enfants et j’ai beaucoup de liberté. Le théâtre est une question de rencontres. Je laisse venir les choses… « 

Les Monologues voilés, au Théâtre de Poche, à Bruxelles, du 5 au 23 avril

prochain, www.poche.be

BARBARA WITKOWSKA

 » Mon rêve ? Organiser des goûters philo avec des enfants… Nous avons tousquelque chose à dire. « 

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