Derrière la tour Eiffel, autour du bâtiment de l’Unesco, se cache le Jardin de la paix imaginé par Isamu Noguchi, un havre  » wabi-sabi  » où la minéralité des vieilles pierres répond à la beauté naturelle de la végétation.

Sur la plaine du Champs-de-Mars, devant les Invalides, le paysage urbain respire le faste et l’agitation de la capitale française. Juste derrière pourtant, l’intime Jardin de la paix, attenant au building de l’Unesco, offre une ambiance totalement différente. Cet aménagement oriental est l’oeuvre de l’architecte paysagiste américano-japonais Isamu Noguchi et est devenu l’un des lieux de méditation les plus prisés de la ville. Bien qu’il s’agisse d’un endroit étonnamment beau et mystérieux – davantage encore au printemps, quand les cerisiers du Japon sont en fleurs -, ce petit parc reste néanmoins peu connu du grand public.

Isamu Noguchi (1904-1988) est né aux États-Unis. Son père était un célèbre poète japonais, sa mère une auteure américaine. Il a grandi entre les deux pays avant de devenir, à un peu plus de 20 ans, l’assistant du célèbre sculpteur roumain Constantin Brancusi. Plus tard, il fait également la connaissance, à Paris, d’Alexander Calder et multiplie les allers et venues entre Orient et Occident. Dans les années 30, il séjourne au Mexique, où il réalise plusieurs grands projets et vit une liaison passionnée avec la peintre Frida Kahlo. Après la guerre, il crée la célèbre Coffee Table pour Herman Miller, une table d’appoint pour Knoll et des lampes en papier, toujours très populaires aujourd’hui. Il se lance aussi dans la conception de jardins, davantage comme sculpteur que comme paysagiste.

Le bâtiment de l’Unesco a ouvert ses portes en 1958. Sa forme en Y est l’oeuvre du trio formé par Marcel Breuer, Pier Luigi Nervi et Bernard Zehrfuss. Le site est une perle de l’art et de l’architecture d’après-guerre. Peuvent d’ailleurs y être admirées de nombreuses oeuvres, entre autres de Miró, Picasso, Le Corbusier, Calder, Moore et Giacometti. Mais le joyau de la couronne est ce jardin japonais signé Isamu Noguchi, pour lequel ce dernier a fait acheminer de l’empire du Soleil levant des arbres nains et quatre-vingts tonnes de rochers.Chacun d’eux a été choisi pour sa beauté. L’eau, les rocs et la verdure créent un paysage de rêve, sinueux, qui n’a rien de commun avec son environnement. C’est la partie inférieure du site qui offre les traits les plus typiques. Les éléments naturels y sont mis en scène comme sur une estampe. Certaines pierres ressemblent véritablement à des menhirs. La comparaison n’est d’ailleurs pas dénuée de sens quand on sait que dans la culture nipponne traditionnelle, celles-ci sont aussi glorifiées qu’elles l’étaient ici durant la préhistoire. Noguchi a également demandé l’aide de jardiniers venus de là-bas qui ont fourni des magnolias, des cerisiers, des pruniers et des bambous. Résultat, il s’agit là du jardin le plus japonais qu’ait créé le concepteur, ses projets ultérieurs étant plus sobres et situés en dehors de l’Europe.

EN MOUVEMENT

La réalisation de ce vaste jardin de 7 000 m2 a marqué un tournant dans la carrière de l’Américano-japonais. En effet, il s’était jusque-là surtout fait connaître comme sculpteur, mais a ensuite découvert l’espace autour de son travail. Le designer avait toutefois précédemment déjà recherché cette confrontation avec le mouvement en créant des décors et des costumes pour des représentations de danse de Martha Graham. Il avait par ailleurs collaboré avec le compositeur John Cage et le danseur Merce Cunningham. Ici, on retrouve cette même recherche sur le mouvement dans l’espace avec notamment le frémissement de l’eau des étangs et les jeux d’ombre et de lumière.

Au départ, Noguchi ne devait créer que la terrasse, mais il a lui-même proposé d’aménager aussi la zone en contrebas. Pour la conception du plan d’ensemble, comprenant le jeu de niveaux, les minéraux, les végétaux ainsi qu’une variété d’éléments, tantôt lisses, tantôt rugueux, il s’est inspiré du wabi-sabi, qui décrit un concept esthétique de beauté imparfaite, éphémère et incomplète. Les pierres brutes et la construction asymétrique rendent la composition particulièrement fascinante et quelque peu surréaliste. Cela correspond toutefois à l’esprit de l’époque. En effet, quand le jardin a été créé, les surréalistes faisaient fureur dans l’art. C’est pourquoi, le projet parisien ressemble, sous certains aspects, à un tableau de Giorgio De Chirico, dont les oeuvres furent un temps admirées par le mouvement.

Jardin de la paix, 7, place Fontenoy, à 75 007 Paris. Tél. : +33 1 45 68 10 00. www.unesco.org La visite du jardin de l’Unesco et de sa collection d’art se fait sur rendez-vous.

PAR PIET SWIMBERGHE

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