Inspirée de l’architecture en terre berbère et des casbahs, cette villa ultracontemporaine face aux montagnes de l’Atlas s’inscrit totalement dans le paysage désertique de la région. Le temps des vacances, toute une famille y trouve refuge et sérénité au plus proche de l’immensité du ciel et du silence de la terre. Et apprend à tutoyer l’infini avec un mode de vie actuel.

Après avoir quitté le ruban de macadam, la piste pour arriver à la Villa D. est remplie d’ornières, elle se perd entre les barrières d’épineux avant de retrouver son tracé chaotique. Aux alentours, quelques maisons en forme de cubes éparpillés sur l’étendue ocre du bled, les femmes invisibles à l’intérieur, les hommes nonchalants à l’extérieur et des palmiers qui meurent de soif. Au loin, très isolée, la villa n’est pas visible tant elle s’assimile au paysage horizontal. Le désert, autour, semble si vaste. C’est dans cet environnement pauvre et sublime à la fois, s’ouvrant à perte de vue sur la chaîne de l’Atlas, qu’une famille française de quatre enfants, en quête d’infini, a choisi d’élire sa résidence de vacances. Elle savait parfaitement ce qu’elle voulait. Elle a fait appel au Studio KO, par pure intuition. Mais la jeune agence, qui partage ses bureaux entre Paris et Marrakech, s’était déjà fait connaître au Maroc en construisant une maison dans le nord-est du pays pour la famille Hermès.

Instantanément, le projet s’est élaboré dans une totale complicité. Ce qui fait dire aux deux architectes :  » On construisait ensemble « . La mission pour eux était d’édifier une habitation spacieuse et contemporaine mais s’attachant à conserver l’esprit marocain avec ses modes de construction traditionnels. L’important était de traduire sans exotisme la culture du pays au profit d’une architecture épurée, habitée, réfléchie. Dire que ni les uns ni les autres n’aiment l’art mauresque, la mosaïque, le plâtre ciselé, les sculptures en alvéoles du bois de cèdre et la somptuosité des palais serait un mensonge. Mais leur attrait pour le Maroc s’exprime aujourd’hui en d’autres termes, dans la simplicité brute de l’habitat berbère.

Une maison eco-friendly

La Villa D. est une association rigoureuse de lignes rectilignes et du savoir-faire ancestral que transmettent de génération en génération les artisans du Maghreb. Avec ses murs en briques de terre cuite enduits de pisé qui lui donnent l’impression d’être née du paysage, elle aborde les mêmes principes écologiques de l’architecte Hassan Fathy qui, dans les années 1945, utilisa ce matériau millénaire pour édifier ses chantiers égyptiens : l’argile extraite du sol au moment des fondations est immédiatement réutilisée sur place. Economique et naturelle, elle laisse respirer les murs tout en jouant le rôle de régulateur thermique.

En fait, la maison repose sur un idéal de simplicité géométrique. La structure en carrés et en rectangles emboîtés reflète la composition de la famille, son mode de vie et sa vision puriste des volumes. Sans maquillage, sans déguisement. A l’intérieur, le rythme s’articule le long de deux ailes perpendiculaires. L’une abrite l’espace des enfants : quatre chambres identiques possédant chacune un patio qui a la qualité d’un petit cloître, univers intime où tout ce qui n’est pas nécessaire est mis à l’écart. Et une grande salle d’eau inspirée des hammams et de l’organisation d’un pensionnat. L’espace réservé aux parents s’étend sur deux étages. Au rez-de-chaussée, les pièces se succèdent en déroulant jusqu’à la bibliothèque une voie centrale qui dessine la parfaite symétrie d’une église cistercienne. Le grand luxe, c’est aussi de les traverser sans être gêné par l’abondance de mobilier ou de tableaux.

Une spiritualité primitive

Les perspectives permettent de comprendre comment un espace conduit à l’autre et comment la Villa D. se connecte naturellement avec l’extérieur à travers les ouvertures aux huisseries invisibles. Dans ce champ visuel clarifié, l’£il devient sensible à des détails qui ne sont généralement pas remarqués, les joints creux par exemple au ras du sol allègent la masse des murs. Ou les portes habillées d’une plaque de métal clouté, qui renvoient aux usages dans la médina.

On atteint le premier étage par une volée de marches enfermées entre deux murs étroits dont la notion d’ascension est accentuée par la lumière naturelle éclairant les paliers. L’escalier conduit à la chambre-loft qui occupe tout l’étage. Celle-ci est organisée en séquences symboliquement marquées par la cheminée centrale, le dressing-room, la salle de bains. La mobilité constante de la lumière et ses jeux d’ombre imprègnent la maison d’une spiritualité primitive. Alors qu’à l’extérieur la piscine en béton noir inspirée d’un bassin d’irrigation intègre naturellement l’eau comme élément de communication avec la terre et le ciel.

La Villa D. participe au renouveau de l’architecture marocaine, souvent mal interprétée. Aujourd’hui, Karl Fournier et Olivier Marty ne comptent plus les va-et-vient entre Paris d’où ils gèrent leurs chantiers en France et à l’étranger, et Marrakech où ils planchent sur leur dernier projet : 250 villas de luxe au Domaine Royal Palm, toutes différentes mais réunies par un même concept minimaliste aux références écologiques : la terre. Un matériau vivant que l’usure du temps embellit.

Geneviève Dortignac Photos : Eric Morin

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