En découvrant, il y a quelques années, le quartier du Sablon, le propriétaire de cette superbe maison s’est promis d’y vivre un jour. C’est chose faite ! Un choix qui se double d’un beau geste de revalorisation du patrimoine bruxellois.

« Mon mari est anglais, confie notre hôtesse. Un jour, nous n’étions pas encore mariés à l’époque, il a débarqué à Bruxelles pour un déjeuner au Duc d’Arenberg, un restaurant situé alors au Petit Sablon. Il ne connaissait pas la capitale belge, c’était son premier contact avec la ville. Le déjeuner s’est conclu par un contrat de travail avec la possibilité de commencer dès le lendemain. Mon mari a eu un coup de foudre pour le quartier, s’y est installé tout de suite et y a occupé, successivement, deux appartements.  » Après le mariage, la famille s’agrandit rapidement, quatre enfants viennent au monde. Il faut de l’espace et le couple déménage dans une maison à Ixelles. Mais le rêve de tous était de retourner au centre-ville et, plus précisément, rue aux Laines, à deux pas du restaurant Duc d’Arenberg qui a laissé au maître des lieux un souvenir impérissable.

Cette rue peu connue et relativement peu fréquentée ne manque pas d’attraits. Dépourvue de commerces, paisible, confidentielle et résidentielle, elle aligne une série d’hôtels particuliers prestigieux qui cachent des volumes et des espaces insoupçonnables, aux configurations étonnantes. La circulation automobile y est quasi inexistante. Sa situation géographique est un autre atout. Le haut de la ville est à cinq minutes à pied. Le Sablon, les marchés du centre-ville et le quartier Dansaert sont à deux pas. On peut sortir le soir sans prendre la voiture. Mais les opportunités d’y acquérir une maison sont très raresà Coup de chance, en 2005, un antiquaire souhaite vendre sa demeure. Vaste et meublée avec goût, elle séduit instantanément le couple belgo-britannique.

L’affaire est conclue sur le champ. Une fois la maison vidée, les mauvaises surprises commencent. La moquette qui recouvre sols et escaliers se révèle un véritable cache-misère. En l’arrachant, les nouveaux propriétaires se rendent compte de l’ampleur des dégâts. Trois marches sont tombées, il a fallu refaire tous les sols sauf celui du rez-de-chaussée qui a pu être récupéré et restauré. La charpente s’est écroulée. Mises à nu, les pièces ont dévoilé des kilomètres de tuyauteries anciennes et apparentes. En faisant abstraction de ces dégâts, facilement réparables, la maison présentait pourtant de nombreux avantages. A commencer par sa surface de 600 m2 et ses cinq chambres. De surcroît, ses beaux volumes offraient d’innombrables possibilités de rangements, tandis que ses annexes cachées et inattendues réservaient pas mal de surprises et des perspectives peu banales.

Tous les aménagements techniques ont été pris en charge par Olivier Toegemann et Bernard Slegten, concepteurs-coordinateurs en architecture intérieure. La seule intervention importante sur le plan volumétrique a eu lieu au rez-de-chaussée, côté jardin. Le mur de séparation entre la cuisine et la salle à manger a été abattu avec pour conséquence une belle dilatation de l’espace, l’ouverture de nouvelles perspectives et l’établissement d’une communication plus aisée.

La propriétaire travaille beaucoup chez elle. Olivier Toegemann a proposé d’installer son bureau sur les hauteurs, dans une mezzanine créée au-dessus de la cuisine. Une solution à la fois pratique et esthétique qui permet de rester en contact avec les enfants déambulant dans la maison. Le dessin du garde-corps de la mezzanine, libre et aéré, s’inscrit admirablement dans le décor élégant et dépouillé de la cuisine, composé d’une série de placards immaculés, sur fond de mur vert tendre. L’ensemble a l’air lisse et simplissime mais cache dans ses entrailles une technologie très performante. Grâce à un équipement high-tech, on peut cuisiner les plats les plus sophistiqués, sans la moindre odeur. Au sol, un tapis en vinyle de couleur chocolat à motifs chevrons forme un joli lien avec le parquet voisin (restauré) en chêne, également à motifs chevrons, agrémenté d’un double liséré foncé qu’on appelle  » tour de chaise « .

Les pièces de vie sont meublées avec raffinement et sobriété. Les meubles les plus anciens, tels la table de la salle à manger et le piano Napoléon III, le canapé anglais en cuir et tweed, la table Charles X, cohabitent dans une entente parfaite avec le style des années 70 du salon : le canapé italien B&B recouvert de laine bouillie, le tapis en pétales de feutre et des coussins  » flokati « . Quelques luminaires représentatifs du design du XXe siècle et une série de céramiques et de vases scandinaves complètent harmonieusement le décor. Sans être collectionneurs, les propriétaires flashent pour des £uvres d’art  » coup de c£ur « . En témoignent cette photo sur Plexi de papillons multicolores de l’artiste belge Johan Deschuymer et, côté piano, l’Atomium revu et corrigé par un artiste taggeur.

Chaque étage (il y en a trois au total) comporte deux vastes pièces hautes de plafond, disposition typique des hôtels particuliers construits il y a un siècle. Le premier accueille le bureau du propriétaire décoré dans des tons prune. Il communique avec la chambre principale, très paisible, déclinant un camaïeu de taupe, de beiges et de blancs. Les fenêtres, elles, s’ouvrent largement vers le magnifique parc d’Egmont, classé. Quelques marches discrètes mènent vers le dressing, fermé par des tentures de lin de différentes épaisseurs aux teintes douces. Dans la salle de bains, les copies très réussies des sanitaires des années 1930 s’avèrent d’une étonnante modernité. Une fois de plus, le regard est flatté par une vue superbe sur le parc.

L’autre point fort ? Une impression de netteté et d’ordre impeccable. Aucune trace de câbles, radiateurs ou autres éléments techniques. Les surfaces sont planes et lisses. Les quatre enfants, eux,  » s’éclatent  » sur deux étages, les filles au deuxième, les garçons au troisième. Les chambres sont immenses, il y a de la place pour les devoirs, les loisirs, le repos et les jeux. Dans la salle de bains des filles, le rose prédomine. Celle des garçons est dotée d’un spectaculaire mur-miroir, composé de plusieurs parties juxtaposées et inclinées selon différents angles. En conclusion, cette demeure prestigieuse et centenaire a su se transformer en une maison dans l’air du temps, sans ostentation, chaleureuse et familiale où l’espace, la lumière et les couleurs apportent confort et bien-être.

Barbara Witkowska / Photos : Renaud Callebaut

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