Au coeur du paysage toscan des Crete Senesi, au sud-est de Sienne, l’architecte anversoise Christine Conix a superbement rénové une ancienne exploitation agricole. À la stricte observance des normes locales du patrimoine bâti, répond une interprétation hypercontemporaine de la maison de vacances.

Carnet d’adresses en page 114.

Plus qu’une construction, la réhabilitation d’un bien est une longue aventure, faite d’anecdotes que l’on a plaisir à raconter. Le Podere Ferranesi n’échappe pas à cette règle. L’histoire commence par un rêve… L’architecte Christine Conix (chargée, entre autres, de la rénovation de l’Atomium) et son mari Philippe Van Doninck, souhaitent trouver, en Toscane, une résidence hors du temps où s’installer un jour, ou à tout le moins y passer le plus de bon temps possible. Ils mettent le cap sur la région des Crete Senesi, un relief extraordinaire de collines pelées situées au sud-est de Sienne. Ici, on a le sentiment que chaque demeure s’est posée de manière idéale sur un petit mamelon qui lui offre une vue toujours unique. C’est le cas de cette ancienne exploitation agricole située à Asciano, le long de la Strada delle Ferranesi, la route qui conduit de San Giovanni d’Asso à Chiusure.

Bien avant que la mécanisation agricole ne fasse ses effets, le Podere Ferranesi fut occupé par une quarantaine de personnes, les contadini (paysans) et leur famille. Début des années 2000, il n’existe plus de cette ruche qu’une annexe avec ses quatre murs et son toit. Le reste n’est que vestiges, pans de pierres de taille décharnés.  » Tout indiquait que le site avait la structure d’un carré, à tout le moins d’un U, explique Christine Conix. Mais un demi-siècle d’abandon avait fait disparaître toute trace écrite fiable des plans originaux. Or, les règles urbanistiques toscanes sont telles qu’on ne peut rien reconstruire sans fournir la preuve de l’existence d’un bâti antérieur. Nous avons commencé par interroger le voisinage, voir si les plus anciens n’avaient pas conservé de photos des environs.  »

Les recherches infructueuses débouchent sur une idée : s’adresser à l’armée, dans l’espoir que les exercices de cartographie photographique aient porté sur cette microrégion. Bingo ! Il existait bien un cliché aérien datant de 1954. Avec la collaboration de l’architecte de la commune d’Asciano, sur le territoire de laquelle est situé le bien, Christine Conix peut alors coucher sur papier ses premières esquisses.

Le travail de la jeune femme témoigne d’un grand respect de l’architecture paysanne locale. La pierre de taille (de la région de Montalcino), qui rosit au soleil couchant, ne ménage que peu d’ouvertures, la plus belle étant celle qui transperce le corps de logis principal et offre ainsi une connexion entre le sud et le nord.  » L’histoire du lieu s’est en fait imposé à nous, souligne Christine Conix. L’imposante surface nous a conduit à développer un projet beaucoup plus vaste qui regroupe quatre logements contigus mais indépendants. Comme autrefois, plusieurs familles peuvent cohabiter ici, à la différence que nous destinons ces maisons aux amoureux de vacances toscanes.  »

Chaque unité possède son identité, mais toutes ont un point commun qu’on peut au mieux apprécier dans le logement principal : la recherche d’un minimalisme qui, à la vérité, répond à celui des intérieurs régionaux d’autrefois. A l’image de la très longue table de la salle à manger, le mobilier a été choisi parmi la gamme Ethnicraft, qui propose une collection complète de meubles réalisés en teck, du bois massif majoritairement de réemploi, c’est-à-dire issu de constructions anciennes.

Mais ce qui séduit le plus, c’est l’organisation architecturale de cette très grande pièce centrale. Usant de codes chers à la Toscane û comme les percées en forme de voûte ou de la rusticité d’une construction campagnarde, avec ses grosses poutres apparentes û Christine Conix a superbement valorisé les volumes. Et son trait s’est amusé à créer deux magnifiques envolées, celles des escaliers. L’un, en dur, incorpore le conduit du grand feu ouvert longiligne. L’autre met en évidence le savoir-faire des artisans ferronniers et offre au regard le magnifique tracé en zigzag des marches habillées de chêne.

Les deux escaliers débouchent aux étages sur deux entités indépendantes de chambres avec leur dressing et salle de bains. De chaque fenêtre ou presque, on peut profiter d’une vue magnifique sur le paysage des Crete Senesi.

Jean-Pierre Gabriel

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