Valentine dans la peau d’un pilote de F1

Pour expliquer son choix de sponsoriser l’équipe Renault en Formule 1, le groupe ING a fait preuve d’originalité. Son idée ? Organiser des journées  » Feel it  » qui permettent aux journalistes de tester en live la puissance des bolides. Une invitation exclusive dont Weekend a pu bénéficier… Pour nous, Valentine a relevé le défi. Son récit.

LUNDI

Il faut que je sois honnête : si j’ai accepté l’invitation, c’était juste pour rendre jaloux les hommes de mon entourage. Moi, la F1, je n’y connais rien. Quand on me dit  » Alonso « , je pense à Isabelle, la chienne de garde, pas à Fernando, le pilote. Mais voilà, j’avais envie de frimer… Et aujourd’hui, je me retrouve innocente dans le vol SN 3599 direction Marseille pour rejoindre le circuit Paul Ricard. Demain, je roule dans un bolide de compet capable de passer de 0 à 100 km/h en moins de deux secondes. Même pas consciente du danger. Ni de l’immense privilège que j’ai.

Dans l’hôtel 4-étoiles Le Castelet, situé pile à côté du circuit, je suis accueillie avec du champagne. Dure la vie de pilote. Je rencontre une partie de l’écurie, les hôtesses suédoises de1,80 m (vraiment dure la vie de pilote…) et les 25 autres journalistes internationaux : 20 hommes, 5 femmes. Objectif perso fixé mentalement : être la prem’ en ladies.

Speech session. Les boss enchaînent les discours sur les performances incroyables réalisées, la puissance encaissée par les pilotes (plusieurs G !), les sommes magistrales dépensées et surtout sur la chance inconsidérée que nous avons de pouvoir réaliser en un jour ce que certains pilotes attendent parfois durant dix ans.  » Hier, une journaliste brésilienne a défoncé une voiture en percutant un mur parce qu’elle a confondu le drapeau à damier avec le drapeau rouge (*)… Merci donc d’être vraiment attentif aux conseils qui vous seront prodigués demain.  » Le stress monte d’un cran. Mais l’honneur féminin est en jeu.

MARDI

6 h 00. Réveil. J’ai mal dormi. Visiblement, la peur du ridicule me travaille. Je résiste à l’appel des viennoiseries, pour adopter un petit déjeuner de championne : £ufs brouillés, salade de fruits et figue séchée.

7 h 20. Départ. Nous sommes scindés en groupes de cinq. L’adrénaline monte. Lorsqu’on passe devant les voitures de course alignées en rang, un silence respectueux s’impose naturellement. Je dois l’admettre : elles sont belles. Rutilantes et impressionnantes. N’empêche, je remarque illico l’espace ridicule qui permet de s’y immiscer. Première vraie frayeur : et si mes fesses n’entraient pas ?

7 h 30. Habillage. Je troque ma tenue de poupée et mes sandales compensées contre une splendide combinaison bardée de sponsors, des baskets stylées, des gants et une cagoule. Je ressemble à Goldorak. En fluo. Avec le casque, je passe presque incognito. Excepté que mon nom y est inscrit. La frime.

7 h 45. Présentation. L’équipe est au grand complet. Aujourd’hui 45 personnes, hôtesses suédoises comprises, vont nous encadrer. On ne plaisante plus, on est moins nombreux. Quelques notions de sécurité nous sont expliquées : signification des drapeaux et des feux, procédure en cas de tête-à-queue et signalement pour appeler à l’aide (croiser les bras en l’air). Moyen rassurant. Il est temps à présent de découvrir que pilote  » it’s a full time job « .

8 h 15. Repérage. Histoire de se familiariser avec le circuit, et surtout d’assimiler la signification des plots colorés disposés aux abords des tournants. Rouge, on freine. Orange, on débraye. Jaune, on tourne. Vert, on accélère. Easy.

8 h 35. Procédure de démarrage. Face à moi, une carcasse : seuls sont conservés le siège et les pédales du bolide pour expliquer comment faire démarrer l’engin. L’étape la plus compliquée. Parce que la vitesse de rotation peut atteindre 5 000 tours minute ! C’est comme démarrer en troisième. Il faut donc y aller vraiment mollo. En gros, ça donne : start, embrayage à fond, passage en première et dosage subtil d’accélération. Attention pédale sensible. Ultrasensible.

9 h 00. Physiothérapie. Pour pouvoir encaisser 300 km/h dans les dents, il faut une forme olympique. A une vitesse pareille, le corps est en effet tellement comprimé, qu’on ne peut respirer que dans les virages ! Les colonnes vertébrales déviantes et les tensions artérielles trop élevées seront ici recalées. Le physiothérapeute m’examine, et me teste, exercices de résistance à l’appui, pour voir si mes cervicales vont supporter le choc. Malgré mes abdos ramollos, je passe l’examen.

9 h 20. Pause-pipi. Pas de doute, la course auto est un sport de mec : la double tirette qui permet d’ouvrir juste le bas ne m’est d’aucune utilité… Pour moi, c’est l’équivalent d’une combi de ski. L’horreur. Surtout quand on est pressée.

9 h 25. Briefing. Par Guillaume Greuet, ex-pilote français toujours actif dans la Clio’s Cup. Il a pour tâche de nous apprendre, en 25 minutes, comment conduire une Formule Renault. Pas folles les guêpes : on ne nous met pas tout de suite le solitaire dans les mains. Histoire de faire des erreurs à moindres frais. N’empêche, la fiche technique donne déjà le tournis : châssis en carbone, boîte de vitesse Sadev à 6 rapports séquentiels, 450 kg, 1 998 cm3, 185 cv. Je n’y comprends rien, mais vu la tête des mâles de l’assemblée, ça doit le faire.

9 h 50. Premier tour de circuit. En FR 2.0. donc.  » Tout le monde pense que c’est l’accélération qui est impressionnante, mais vous vous rendrez vite compte que le freinage l’est nettement plus.  » Question d’aérodynamisme : à ce moment-là, la voiture se projette vers l’avant. Ok. Mais, pour l’instant, je n’ai qu’une seule frayeur : caler. Le reste m’est égal vu qu’on suit une Clio… Il ne peut rien m’arriver. Leen, ma cons£ur néerlandophone, est partie du premier coup. À mon tour. Je fixe le signal de départ, et je… démarre ! Fière comme un paon, je chante sous mon casque. Un seul regret : ne pas être partie la première. Leen roule prudemment. Même un kart la dépasserait. Moi, j’ai déjà le turbo qui me chatouille…

10 h 15. Débriefing technique. Distribution des bulletins. Pour chaque essai, plus de 500 données différentes ont été enregistrées sur ordinateur. De la force du coup de frein, à la vitesse, aux tours minutes, en passant par le régime moteur. On compare nos résultats sous forme graphique avec ceux de Romain Grosjean, un futur champion. Plus de doute : je suis nulle. Mes deux erreurs ? Maintenir l’embrayage enfoncé dans les tournants et changer de rapport de vitesse beaucoup trop rapidement. La prochaine fois, je devrai attendre qu’au moins trois diodes soient allumées sur le volant pour en changer. Oui, chef !

10 h 40. Battak Challenge. Pour être un champion, il faut être vif et concentré. Pour entraîner leur temps de réaction, les pilotes ont ce qu’on appelle le  » Batak « , un carré de deux mètres de hauteur sur lequel sont dispersés onze buzzers. Le but du jeu ? Eteindre le plus rapidement possible le buzz allumé. Une minute pour en éteindre le plus possible. Alonso parvient à en éteindre 138. Traduction : il lui faut moins d’une demi-seconde pour réagir ! À moi. Je donne tout. On me surnomme même  » spider woman  » dans l’assistance. Pourtant, je n’obtiens qu’un maigre 66. Après 40 secondes, il est difficile de maintenir sa concentration au top. Les pilotes, eux, enchaînent les tours pendant plusieurs minutes. Respect.

11 h 05. Second briefing FR 2.0. Guillaume Greuet analyse nos résultats. Les miens ?  » Rien d’exceptionnel mais pas vraiment mauvais.  » Mon ego est reboosté.

11 h 30. Second tour de piste en FR 2.0. Plus de voiture pour nous guider. On est seul sur le circuit. Leen part encore avant moi. Je peux la dépasser, mais uniquement dans les passages en ligne droite, et si un drapeau bleu me le signale. Ce que je fais. Yeah. Bip bip, c’est moi. Je fonce, je prends mon pied, je me sens bien. Trop bien. Second tour, j’accélère trop vite : mon volant est encore braqué. En un quart de seconde, je me retrouve à l’envers sur la piste. Hors champ. Mon premier tête-à-queue. Leen, pénarde, me dépasse. Encore sous l’émotion, j’ai du mal à redémarrer. Les feux sont rouges. Signal que tout le monde doit rentrer au stand. Je culpabilise.

11 h 55. Débriefing. Même constat accablant : je passe les vitesses trop rapidement. Mais je suis félicitée pour l’usage des freins. J’avais retenu le truc  » freiner comme pour écraser une araignée « . Pauvre bête.

12 h 20. Tour de piste en Mégane Renault avec un pro. Une course poursuite. Fini de rire. À la fin, j’ai l’estomac dans la gorge. Maintenant, j’ai vraiment compris à quoi servent les freins…

12 h 50. Photo de groupe. Tout le monde est d’humeur  » Cheese « . Au naturel.

12 h 55. Pause-déjeuner. Repas équilibré (j’alimente mon mental de championne). Leen, elle, a l’appétit coupé. Le stress grimpe. Pourtant, le photographe m’avoue qu’il s’ennuie :  » je plante tous mes clichés, les voitures ne vont pas assez vite « .

14 h 00. Prise de mesures pour la conduite en F1. Je me glisse, les deux pieds en avant dans le cockpit de la monoplace. On m’installe le volant. Trop petite. Il me faut sept mousses pour arriver aux pédales.  » Les femmes ont toujours aimé le confort.  » Gnagnagna.

15 h 00. Briefing pour conduire une F1.  » C’est facile, c’est comme une PlayStation.  » Qu’ils disent. Ici, tout se commande via le volant : plus besoin de l’embrayage pour changer de vitesse. Trois petits coups sur la palette à droite, et on passe en sixième. Pour débrayer, c’est la même chose, mais à gauche. Bizarrement, je flippe : cela paraît beaucoup trop simple.

15 h 50. Premiers départs en F1.  » Ça fait du bruit, c’est normal, c’est de la F1.  » Plus c’est bruyant, mieux c’est. Les boules Quies font partie du matériel de survie. Guillaume continue à distiller ses conseils et à critiquer les départs de chacun. Certains calent, d’autres sont rapatriés en dépanneuse. Leen, en revanche, démarre comme une fleur.  » C’est normal, les femmes sont friandes de conseils et les mettent en pratique. Les hommes, eux, pensent tout savoir…  » Ça y est, je stresse vraiment.

16 h 20. Séance de physiothérapie personnalisée. L’ostéopathe a remarqué mon angoisse : je suis raide comme un piquet. Il me croque, puis me masse la nuque.  » Certains pilotes ont toujours plein de petits bobos.  » Vu le bien que cela me procure, je comprends… Je redeviens zen. Et d’attaque. Prête à affronter la bête.

17 h 14. Moment M. Mon nez de clown s’est volatilisé, j’ai les mains moites. Ils ont serré les ceintures tellement forts que je peux à peine respirer. Je fais répéter la procédure de démarrage quatre fois à l’instructeur. Cette fois, c’est la bonne. J’enclenche la première, je donne du gaz. Waouw. Le moteur a rugi. Je prends conscience de la puissance qui se trouve dans mon dos. La pédale est d’une sensibilité inouïe. Ce qui m’empêche de caler de justesse. Je suis partie comme une flèche. Je n’ai droit qu’à deux tours, et je compte bien en profiter. Consciente à 100 % cette fois du cadeau qui m’est fait. En ligne droite, j’ose. J’y vais à fond. Je sens la pression de l’air. Freinage, tournant, accélération. J’enchaîne. J’ai peur, mais je vais de plus en plus vite. Pour ne pas regretter. Je fais une pointe jusqu’à 230 km/h. Fin du second tour. Déjà. J’ai réussi. Je retire mon casque et hurle de bonheur :  » Merci, les garçons !  »  » Mais tu es toute blanche !  » Oui, mais entière. Et vachement fière.

17 h 50. Tour de piste en biplace. Pas le temps de me remettre de mes émotions que je suis déjà installée derrière un pilote pro. Je ne vois rien. Mais ressens tout : je suis incapable de bouger, plaquée par l’accélération. Moi qui pensais avoir été vite… Je réalise enfin ce que signifie conduire une F1. Et ils tiennent combien de tours comme ça en Grand Prix ? La vache.

18 h 00. Drink d’adieu. Je tremble encore. Je rêve de prendre l’équipe en entier dans mes bras pour la remercier d’avoir ajouté tant d’étoiles à mes yeux. Je parviens à connaître le classement : avec un temps de 1′ 59 », je me classe quatorzième sur vingt-cinq. Le meilleur temps étant d’1’48 ». Mission accomplie : je dépasse même des hommes !  » Curieusement, les hommes roulent plus vite en F2 qu’en F1…  » Pas moi. Promis, en septembre prochain, le Grand Prix de Francorchamps, je le regarde. Avec admiration.

(*) Je tiens ici à rassurer les inquiets : la Brésilienne va très bien. La voiture beaucoup moins…

Valentine Van Gestel

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