Sans renier son prestigieux passé, l’ex-capitale de l’industrie lainière repositionne son image autour de l’eau et de la fête. Le quatrième Samedi Vif de l’été 2004 vous donne rendez-vous, ce 14 août, avec une cité dynamique, enthousiaste et optimiste. Le spectaculaire Centre d’Interprétation sur l’Eau, dont l’inauguration est prévue en septembre prochain, vous ouvrira ses portes en avant-première.

Parallèle à la Vesdre, la rue Jules Cerexhe a une fière allure. Soigneusement rénovés, les hôtels particuliers ont retrouvé le faste du Siècle des Lumières. Les façades en brique, bichonnées et pimpantes, s’alignent en une perspective magnifique. On pousse la porte de l’hôtel particulier de Pierre de Bonvoisin. L’industriel a fait construire cette importante demeure entre 1727 et 1735. La maison d’habitation, située à l’avant, voisinait avec les ateliers textiles, relégués à l’arrière. En 1978, la famille de Bonvoisin souhaite transformer ce magnifique ensemble en un lieu à vocation culturelle et en fait don à la Ville de Verviers. Les édiles communaux ont alors l’excellente l’idée d’y créer le Centre d’Interprétation sur l’Eau, sorte de temple ultramoderne célébrant cet  » or bleu  » qui durant des siècles a contribué à la richesse et à la renommée de Verviers. A l’intérieur, il y a encore beaucoup de bruit et de poussière, mais le chantier avance à toute vitesse. Ce projet ambitieux a été confié au scénographe canadien Yves Durand. Le concept sera très ludique. Il mettra en scène tous les enjeux en rapport avec l’eau et promet des expériences visuelles, sensorielles et tactiles étonnantes et inédites. Le Centre sera inauguré officiellement dans le cadre des Journées du Patrimoine, en septembre prochain. Mais les responsables ont promis de réserver la primeur de la visite aux participants de notre Samedi Vif. Le premier étage, quasi achevé, est un petit clin d’£il à la riche tradition de la demeure. La famille de Bonvoisin a cédé généreusement un bel ensemble de mobilier et d’objets de décoration. Le tout est admirablement disposé et il illustre la vie de famille dans les siècles passés. Le nouveau Centre, dédié à l’eau, complétera admirablement le Centre Touristique de la Laine et de la Mode qui rend, lui, hommage à l’histoire de la laine et du textile, l’autre richesse de la ville.

Sur les traces de l’industrie lainière

Le CTLM est situé à deux pas. Une impressionnante bâtisse de style néoclassique, à l’architecture symétrique et pleine d’harmonie, lui sert d’écrin. Elevée par la famille De Thier, elle a été ensuite longtemps occupée par les industriels Bettonville. Une fois de plus, il s’agit ici d’une réhabilitation très réussie d’un vaste complexe, associant des ateliers textiles ainsi que des habitations privées. En effet, à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle, les patrons aimaient avoir leur lieu de travail  » sous la main.  » Dans la deuxième moitié du xixe siècle, lorsque la révolution industrielle commence à battre son plein, les conditions de vie s’alourdissent. Les patrons aspirent à l’air pur et s’expatrient vers des faubourgs plus verts et plus paisibles. Aujourd’hui, l’usine De Thier-Bettonville est à la fois un hommage à l’industrie lainière et un pôle culturel.

On commence la visite par le sommet, au troisième étage. Les enfants viennent ici se cultiver dans le cadre de différents ateliers. Un vaste espace accueille les expositions temporaires. A l’heure actuelle, les cimaises sont occupées par l’univers de Martine, la petite  » héroïne  » wallonne, créée par le dessinateur Marcel Marlier, dont les aventures quotidiennes tiennent en haleine, et ce depuis cinquante ans, l’attention de millions de petites filles dans le monde entier. Ambitieux et dynamique, le CTLM souhaite faire revenir le public trois à quatre fois par an et d’attirer de nouveaux visiteurs. D’où le parti pris de proposer des expositions très éclectiques, issues d’univers variés, tels les marionnettes, le chocolat, le carnaval à Venise ou encore l’anniversaire de la poupée Barbie.

Au deuxième étage, on entre dans le vif du sujet. Le parcours-spectacle  » Du Fil à la Mode  » est une formidable approche du travail de la laine de A à Z, de la tonte du mouton jusqu’aux tissus de laine. La première partie de l’exposition s’intitule  » Fil de Laine « . L’histoire commence dans une ferme en Australie. La scénographie, très visuelle, est claire et agréable. Tous les sens sont mobilisés. Muni d’écouteurs, on entend l’animation qui règne dans la cabane du tondeur, les odeurs de laine flottent dans l’air. Puis, la laine arrive à Verviers. Elle est alors triée par des femmes et lavée, à la main, dans l’eau de la Vesdre. Son atout ? Très pauvre en calcaire, elle permet d’obtenir, lors de l’étape de la teinture, une qualité de couleur exceptionnellement pure et profonde, réputée dans le monde entier. La pénible tâche de lavage manuel s’achèvera au début de la seconde moitié du xixe siècle, avec la mise au point par le Verviétois Eugène Mélen du léviathan, une machine à laver la laine. Ce trésor du patrimoine ne se trouve pas au Centre, mais trône avec fierté au bord de la rivière.

Poursuivons la visite. Propre, la laine peut être filée. Au début, manuellement. Le procédé sera révolutionné avec l’arrivée à Verviers, en 1799, de William Cockerill, constructeur anglais de machines pour le filage du coton. L’industriel Iwan Simonis lui propose de les adapter à la laine. Cockerill relève le défi. En 1801, il conçoit la première machine à filer la laine du continent et… fait fortune. Pour la petite histoire, rappelons que son fils John, aussi talentueux que papa, contribuera à l’essor de la métallurgie à Liège et à Seraing. Au fil de la balade, on découvre les étapes suivantes de la fabrication pour admirer, enfin, un magnifique drap de laine, prêt à la teinture. En toute logique, l’exposition ne s’arrête pas là. On déroule, désormais, le  » Fil du Temps « , autrement dit l’histoire du costume. Défilent alors de très beaux vêtements, reconstitués à partir des planches de bandes dessinées des éditions Glénat.

Que d’£uvres d’art…

Capitale textile, capitale wallonne de l’eau, Verviers est aussi une ville qui cultive l’art de vivre et se passionne pour l’art tout court. Les deux musées en fournissent la meilleure preuve. Le Musée des Beaux-Arts et de la Céramique réunit ses trésors dans un ancien hospice pour vieillards. A la base, on trouve une vaste et éclectique collection, rassemblée par Jean-Simon Renier (1818-1907), peintre, archéologue et amateur d’art. Les céramiques, groupées par origine, constituent l’un des plus importants ensembles de Belgique. La peinture suit un parcours chronologique, du xive siècle aux pré-impressionnistes et donne un excellent aperçu de l’évolution de l’art pictural. On admire un superbe autoportrait d’Elisabeth Vigée-Lebrun, réalisé pour sa réception à l’Académie Saint-Luc de Rome et acheté par Jean-Simon Renier à Rome, ainsi qu’un ensemble de panneaux muraux. Réalisés au xixe siècle, ils racontent la vie bucolique et romantique au bord de la Vesdre. A l’étage, une halte s’impose devant la pièce  » que tout le monde adore  » : une statue pleine de charme de saint Hubert avec le cerf, datant du xviie siècle. L’école intimiste verviétoise du début du xxe siècle, très bien représentée avec, notamment, plusieurs toiles de Georges Le Brun, séduit par ses camaïeux raffinés et ses atmosphères nostalgiques. On termine par le sous-sol pour contempler d’autres céramiques, dont certaines pièces contemporaines très rares. On change d’ambiance dans le Musée d’Archéologie et de Folklore. Le bâtiment a été construit au milieu du xviiie siècle, dans le style Louis xv, par une richissime famille verviétoise. Vers 1808, il a été redécoré dans le style Empire. Cela dit, l’intérieur est cohérent et très homogène. Les chefs-d’£uvre ? Des pièces exceptionnelles de mobilier des xviie, xviiie et xixe siècles, du mobilier liégeois richement sculpté du xviiie siècle et une collection de dentelles. Sans être, quantitativement, énorme, cette collection est, aux dires des spécialistes, l’une des plus éclectiques.

Ville verte, ville de fête

Enrichi culturellement, on déambule en ville. Le nez en l’air, on hume l’ambiance des rues. Les jolies façades abondent. On ne se lasse pas de contempler la superbe perspective de la rue Jules Cerexhe. On jette un coup d’£il sur les jolies proportions de l’Hôtel de Ville. Jacques-Barthélémy Renoz l’a conçu dans le style néoclassique. Décédé avant la fin des travaux, l’architecte n’a pas pu voir le résultat, équilibré et harmonieux. Sur la façade, on lit l’inscription :  » Publicité sauvegarde du peuple « , ce qui indique l’esprit démocrate des Verviétois, autorisés, dès le xixe siècle, à assister aux séances communales. Le délicieux murmure de l’eau nous accompagne dans la promenade. Plusieurs fontaines, sculptées dans le cadre du Circuit des Fontaines, rythment la vie de la cité. Les plus spectaculaires ? La fontaine  » toupies  » et le globe terrestre. Sur le quai Pierre Rapsat, on s’arrête devant la fresque de Roland Materne, inaugurée en 1984. Le peintre verviétois qui est aussi directeur de l’Académie des Beaux-Arts y raconte joliment le passé textile de la cité. Les 4 500 carreaux de céramique ont été réalisés à la  » céramique de Welkenraedt « , aujourd’hui fermée.

Pour admirer la ville dans son ensemble, on emprunte la Promenade des Récollets. Membres de l’ordre des Franciscains, les Récollets se sont installés à Verviers en 1627 et y ont bâti une première église en 1653 qu’on verra mieux en arrivant au sommet. Les moines aimaient se réfugier sur ces hauteurs vertes et calmes, pour lire le bréviaire et pour méditer. On s’enfonce dans le pittoresque chemin des Hautes Mezelles. On apprend que  » mezelle  » est un ancien nom de la lèpre et le chemin doit son appellation à une léproserie se trouvant ici. En haut, la vue est superbe ! Victor Hugo ne s’est pas trompé, lorsqu’il écrivit :  » Verviers : ville arrosée par la Vesdre, cours d’eau qui dessine la plus belle vallée au monde.  » Pour exploiter davantage sa beauté, la ville bouge, ne cesse de s’embellir, étoffe ses espaces verts, peaufine son image et ambitionne de se positionner comme une ville touristique  » tendance « , digne du iiie millénaire. Le projet Outlet s’inscrit dans ce cadre de politique touristique. Son ouverture, prévue fin 2004, accueillera une centaine de boutiques, moyen et haut de gamme. Les jeunes auront un terrain de skate. L’opération Marché de Noël grandeur nature sera reconduite. En collaboration avec la commune, les commerçants pourront, une fois de plus, déposer une devanture en bois devant leur vitrine. Le clou du programme ? Des illuminations très spectaculaires pendant les fêtes transformeront Verviers en une  » ville lumière.  » D’autres ambiances festives sont à l’étude…

Barbara Witkowska Photos : Frédéric Sierakowski Isopix

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