La capitale autrichienne traverse une des périodes les plus intéressantes de son histoire ! La scène artistique et créative est en effervescence, les plus belles expositions du monde s’affichent dans les différents musées de la ville. Weekend a voulu comprendre pourquoi Vienne est une des villes les plus hype du moment

Vienne s’immisce avec une joyeuse discordance dans le jeu mondial des destinations à la mode ! Les plus avertis ont depuis longtemps repéré dans les galeries de New York, Londres ou Tokyo, les noms de jeunes artistes ou designers de la scène viennoise. Vienne cache donc malicieusement derrière ses façades de cartes postales et ses clichés mozartiens un laboratoire de tendances, de créativité unique en Europe. La ville, au premier regard, peut désarçonner. On est surpris par les hordes de touristes américains se pressant sur la zone piétonnière, peu attirante bien que les façades soient sublimes, autour de la cathédrale Sankt Stephan (Saint-Etienne). On cherche un centre et on le trouve avec l’incroyable MuseumsQuartier qui occupe au c£ur de la ville une surface de 60 000 m2 dédiée à l’art, à la culture et à toutes les formes de créativité (danse, architecture, nouveaux médias). Le MQ occupe les anciennes écuries royales des Habsbourg. Dans l’immense cour de ces écuries, des musées à l’architecture moderne se sont subtilement glissés. Quelle ville ne rêverait pas d’un tel éden artistique ?

Au-delà des musées et des institutions culturelles, le MQ est devenu le lieu de rencontre de tous les Viennois. On y bronze l’été, on déjeune dans les nombreux restaurants arty de la place, on laisse gambader ses enfants dans ce lieu clos et on y joue l’hiver avec la neige… Comme l’artiste Christian Ruschitzka, fort de sa machine à créer des bonhommes de neige (!), et qui en laissa des centaines un beau matin d’hiver sur la place du MQ. On doit aussi se souvenir de cette fameuse ouverture en 2005 de l’exposition  » La véritée nue « du Leopold où les Viennois étaient invités à parcourir nus les différentes salles du musée pour bénéficier d’une entrée gratuite. Des dizaines de Viennois étaient évidemment au rendez-vous ! Ce quartier dit du MQ marque une frontière symbolique entre les deux Vienne que l’on oppose traditionnellement : la vieille ville, plus conservatrice, et les quartiers branchés du Spittelberg ou de Neubau. Il est évidemment difficile de nier l’existence de ces deux pôles mais leurs frontières deviennent de plus en plus perméables.

 » Une nouvelle génération qui appartient historiquement à cette Autriche traditionnelle et stéréotypée s’intéresse à l’art, au design, et à toutes les tendances modernes. Ce n’est évidemment pas une génération de révolutionnaires ! Mais le mouvement est pris et ne s’arrêtera pas. Les deux Vienne que l’on oppose se parlent, s’estiment et échangent ! Le succès du MQ y est symboliquement pour beaucoup. La ville connaît toujours des oppositions homériques, se déchire sur telle pièce de théâtre ou tel artiste mais le mur culturel se fissure !  » commente Theo Währing, un des étudiants en architecture rencontré au MQ.

C’est aussi dans l’architecture que classicisme et modernité se rencontrent. La grande mode de l’habitat à Vienne se trouve dans le concept des fameux Dachwohnungen. On rehausse d’un étage ou deux les immeubles les plus anciens pour s’y faire construire des penthouses vitrés de centaines de m2. Il faut parfois un £il averti pour les découvrir car le jeu est de dissimuler au maximum l’intrusion de l’ossature ultramoderne sur des immeubles plusieurs fois centenaires. Le meilleur de l’architecture contemporaine cohabite avec la Vienne impériale. Les Viennois sont partagés au sujet du fameux complexe du Gazometer, c’est pourtant le fruit d’un travail architectural époustouflant. Quatre architectes (Jean Nouvel, Coop Himmelblau, Manfred Wehdorn et Wilhelmy Holzbauer) ont redessiné les quatre superbes gazomètres historiques de la ville (réservoirs à gaz datant du xixe siècle et faisant penser à de gigantesques châteaux d’eau en brique rouge). Il ne faut pas rater la tour biscornue de Coop Himmelblau qui se colle amoureusement à un des gazomètres, l’effet est prodigieux. Ces quatre réservoirs alimentaient la ville en gaz jusqu’en 1984. Divers projets avaient été imaginés pour reclasser cette zone industrielle (notamment des hôtels), les architectes ont travaillé sur des espaces de vie : des logements, des cinémas et des commerces ont finalement pris la place des cuves de gaz. Les amoureux d’architecture contemporaine trouveront également leur bonheur au bord du Danube là où il y avait encore de la place pour ériger de gigantesques tours de verre qui abritent les sièges de grandes sociétés ou des institutions internationales.

Vienne et la ruée vers l’art !

Vienne vit une période paradoxale et passionnante de son histoire. Il existe par exemple ici une véritable guerre des expositions. Les musées se livrent à une concurrence acharnée pour attirer toujours plus de public dans des expositions prestigieuses. Les directeurs de musée se plaisent à livrer – en douce – les pires anecdotes sur leurs concurrents mais s’affichent ensemble avec de grands sourires aux principaux vernissages de la ville. Cette concurrence effrénée n’est pas désagréable pour les visiteurs qui auront toujours le choix entre sept ou huit expositions de premier plan quelle que soit la période de l’année. Quelle ville dans le monde pourrait se plaindre de vivre une telle effervescence ?  » Nous vivons à la fois sur le complexe d’être une petite ville par rapport à Londres ou Paris mais nous transformons cette idée. Nous en jouons et l’art est un moteur formidable qui pousse la ville. Et il ne faut pas oublier que le cadre de vie est ici moins stressant que dans les grandes capitales mondiales. Il est facile de travailler à Vienne, la vie est plus douce, nous sommes un peu dans un cocon préservé où l’air est plus pur qu’ailleurs car les montagnes ne sont jamais loin ! Ces clichés nous aident, nous sommes les petits Viennois qui arrivent sans arrogance à se glisser partout et progressivement notre voix commence à compter sur les différentes scènes artistiques « , résume avec humour lors du vernissage d’une exposition de design au MQ, Andrea Woll qui travaille dans un des théâtres de la ville. Vienne bénéficie également du dynamisme de l’Europe centrale. Les pays voisins comme la très enthousiaste Slovénie ou la Hongrie ont redonné à Vienne le statut de capitale culturelle de cette partie de l’Europe. Les créateurs de mode, les artistes, les étudiants de cette nouvelle Europe (Croatie, République tchèque, Pologne, etc.) viennent tenter leur chance à Vienne.  » Nous sommes passés de la guerre froide du siècle dernier à la guerre des expositions ! Ce n’est pas trop mal !  » ajoute Andrea Woll. Pendant la guerre froide, Vienne a été la ville de rencontres officieuses et officielles des blocs de l’Ouest et de l’Est, brassant son cortège d’histoires d’espionnages.

Le Spittelberg et Neubau furieusement à la mode

Pour s’immerger pleinement dans ce Vienne en mutation, il faut ne pas hésiter à déambuler de longues heures dans les quartiers du Spittelberg (adossé au MQ) et du Neubau très proche. Ces quartiers ont toujours été bohémes ou populaires et s’ils gardent cet esprit nonchalant en surface, le dynamisme de ceux qui y travaillent n’est plus à prouver. Les vieux commerces (aux impeccables devantures années 1950) voisinent avec les galeries conceptuelles et les boutiques les plus pointues. La vie se passe également dans les cafés, ce n’est pas un cliché ! On aime discuter à Vienne, échanger des idées, on appelle les Viennois les  » Marseillais de la zone germanophone « . La parole est en effet importante dans la ville de Freud et il est inconcevable de se priver de ce véritable art de vivre. La grande mode est d’ailleurs au retour des  » salons de discussion  » à la Gertrude Stein. Une réalité à Vienne. Sur le concept, Schon Schön propose chaque soir une table unique de presque 30 couverts où des inconnus vont partager un dîner et des conversations animées dans un des décors les plus modernes et extravagants de la ville. L’idée plaît tellement que de multiples restaurants ouvrent en proposant cette formule ! Schon Schön n’est d’ailleurs pas qu’un salon ; un tailleur et un coiffeur travaillent dans des espaces attenants. Vienne ne manque jamais d’idées audacieuses. Tout le monde parle en ce moment de Suppito, ces incroyables soupes à emporter et furieusement tendance, mijotées selon les règles ancestrales de la médecine chinoise. Une Française et une Viennoise sont aux commandes de cette superbe cuisine en open space. On aime parler également de cette pharmacie très design qui se décline en différents concepts… Saint Charles est devenu un  » restaurant de pharmacie  » (qui sert une cuisine saine et bio, que du bon pour la santé sans que cela soit des gélules !), la pharmacie est aussi un espace de vente de produits bio très bobo. La mutation de Vienne a lieu sous nos yeux. Les plus curieux ne se lasseront donc pas d’arpenter ce vrai laboratoire de tendances à ciel ouvert !

Jean-Michel de Alberti Photos : Gaël Arnaud pour Weekend

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