Attendu cette année, le masque Rift d’Oculus réinvente, entre autres, la grammaire du cinéma, du marketing et de la vente. Dissection d’un phénomène racheté par Facebook pour 2 milliards de dollars…

Vivre à travers les yeux d’autrui jusqu’à en oublier son identité. L’artiste britannique Mark Farid s’est lancé un pari fou : celui de porter, vingt-huit jours d’affilée, un casque de réalité virtuelle l’immergeant dans le quotidien d’une autre personne. A l’heure d’écrire ces lignes, ce projet soutenu par l’entreprise de financement participatif Kickstarter et baptisé Seeing I arrive à terme. Sponsorisée ou non, cette démarche originale illustre surtout la fascination pour cette technologie au don d’ubiquité. Le défi de Farid compte en effet parmi une constellation d’autres initiatives moins radicales, mais tout aussi fascinantes. Ainsi, de nombreux acteurs techno planchent sur des masques en immersion totale. Prévus cette année, le Rift d’Oculus VR et le Morpheus de Sony s’imposent toutefois comme les candidats les plus crédibles. Sans oublier Samsung qui, le mois dernier, sortait le Gear VR, un casque nomade cosigné avec Oculus VR.

Dans les faits, vivre la VR (pour  » virtual reality « ) demande d’enfiler une sorte de masque de ski projetant des environnements réagissant de concert avec les mouvements de la tête. Le film Being John Malkovich de Spike Jonze (1999) n’est pas loin, l’interactivité (plus ou moins poussée) en plus. On a beau être calé sur une chaise de bureau, la sensation de vertige est inévitable pour qui dévale une montagne russe virtuelle. L’impression  » d’y être  » s’avère stupéfiante. Si bien que du grand huit au podium, Topshop utilisait des casques de réalité virtuelle pour catapulter ses clients au premier rang lors de son défilé, à la dernière Fashion Week de Londres. Plonger dans la vie d’un mannequin avec Canon. Arpenter les rayons d’un grand magasin de John Lewis, en Grande-Bretagne. Boucler des tours sur le circuit de Silverstone, aux côtés d’un ex-champion de Formule 1 domptant une Audi R8. Arpenter les couloirs du vaisseau spatial d’Interstellar, l’un des succès de science-fiction sorti en 2014. On ne comptait déjà plus, l’an dernier, les initiatives marketing empruntant le Rift d’Oculus VR.

Et la vague ne va pas s’arrêter là ! Déçu par la 3D, le cinéma s’engouffre aussi dans la brèche. Pas forcément des blockbusters putassiers. Le Sundance Film Festival présentera ainsi, ce 22 janvier, neuf courts-métrages à voir coiffé d’un casque, en immersion totale. Parmi cette sélection hors compétition, Perspective ; Chapter I : The Party déroulera par exemple la rencontre douloureuse de deux protagonistes lors d’une soirée. Le tout visible alternativement, depuis les deux points de vue… On soulignera encore l’e-store de meubles Miliboo qui propose d’agencer une partie de son catalogue mobilier dans son intérieur pour ensuite s’y balader via le Rift. Fait rare toutefois : ce casque aux mille vertus, également adopté par des pubs de Digitas LBI (filiale numérique de Publicis), n’est pas encore disponible sur le marché ! Mais les prototypes, en vente libre, cartonnent. L’appareil, qui tourne sur PC, s’est ainsi écoulé à 105 000 exemplaires, dont une partie destinée au secteur de la vente.

Face au Rift d’Oculus VR qui domine les débats par sa versatilité et son ouverture logicielle, le Morpheus de Sony se dédie, lui, principalement au jeu vidéo puisqu’il ne tournera que sur PlayStation 4. Le constructeur japonais ne menace donc pas la start-up californienne. Depuis son rachat par Facebook pour 2 milliards de dollars, cette dernière dope d’ailleurs les prévisions économiques du secteur. Spécialiste des analyses de marchés, MarketsandMarkets annonce ainsi 25 millions d’utilisateurs dans le monde d’ici quatre ans. Soit, à terme, un marché de 246,6 millions d’euros. Tous connectés. Tous seuls ?

Lire aussi Le Vif/L’Express du 2 janvier 2015.

MICHI-HIRO TAMAÏ

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