Catherine Pleeck

Une robe à 19,99 euros, copie conforme (ou presque) d’une pièce forte vue sur le podium d’un grand créateur : un rêve devenu réalité, grâce à l’expansion des acteurs de fast fashion. Au risque que la machine ne s’emballe…

Karl Lagerfeld, DA de génie chez Chanel, qui oeuvre pour le compte d’H&M ? Nombreux sont ceux à ouvrir de grands yeux, en apprenant la nouvelle. Nous sommes en 2004, et le géant suédois vient de frapper un grand coup, en signant la première de ses collaborations avec un créateur de mode. D’autres associations tout aussi prestigieuses suivront ensuite : Stella McCartney, Viktor & Rolf, Roberto Cavalli, Comme des garçons, Sonia Rykiel, Lanvin, Versace…

A coup sûr, Erling Persson, le fondateur de la marque en 1947, se serait félicité de cette opération, lui dont le credo  » mode et qualité au meilleur prix  » a révolutionné l’approche du secteur. Grâce au Suédois et à ses concurrents (Zara, Esprit, Topshop, Mango, New Look…), il est désormais possible de s’approvisionner en fringues tendance à des prix abordables. Toutes ces enseignes n’hésitent pas à s’inspirer de ce qui défile sur les podiums, à copier (ou presque) les pièces fortes des nouvelles collections, tout en les proposant à la vente dans des délais de livraison record. A titre d’exemple, quelque 35 nouveautés sont ainsi dessinées chaque semaine par Zara, et disponibles dans un délai de trois à cinq semaines en boutique.

Bingo. Les clients sont ravis. Et ce ne sont pas les résultats financiers de ces grands groupes qui diront le contraire. En 2011, H&M a réalisé dans notre pays un chiffre d’affaires de 325,7 millions d’euros (en augmentation de 3 millions par rapport à l’année précédente), plaçant ainsi l’entreprise à la troisième place dans le classement sectoriel  » confection et négoce  » du magazine Trends Tendances. Du côté de Zara, numéro un mondial du textile en chiffres d’affaires, le groupe Inditex a ouvert 483 boutiques en 2011, soit pratiquement quatre tous les trois jours.

Face à de tels bulldozers, difficile de s’im-poser. Pourtant, certaines voix tentent aujourd’hui de s’élever, pour promouvoir un autre type de consommation, plus responsable. Mis en exergue avec la crise économique, le mouvement  » slow  » fait l’éloge de la lenteur, prône des pièces luxueuses, à l’élégance classique et intemporelle. La papesse de la mode Suzy Menkes l’affirmait déjà en 2008 dans l’International Herald Tribune,  » les clientes vont demander plus de qualité, de style et de valeur ajoutée à leurs vêtements. Et puis, les filles ne veulent plus jeter leur garde-robe d’une saison à l’autre, elles veulent conserver ce patrimoine-là.  »

Une attitude réfléchie qui ne balaiera pas pour autant les groupes textiles d’un revers de la main. Ici comme ailleurs, tout est question de portefeuille et de changement des mentalités. Et puis, fast fashion et slow wear ne sont pas pour autant incompatibles. A en croire les nouveaux comportements d’achat, les vêtements qualitatifs, pensés et fabriqués pour durer, peuvent parfaitement cohabiter avec des pièces plus pointues, reflétant la microtendance du moment. Aux acteurs du luxe et de la mode à prix mini d’en tenir compte et de se positionner en fonction. H&M l’a en tout cas déjà bien compris, et vient de choisir l’actrice Vanessa Paradis comme égérie de sa collection Conscious (photo), qui met en avant des vêtements éco-responsables…

CATHERINE PLEECK

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