Depuis son rôle de James Bond girl dans Casino Royale, de Martin Campbell, en 2006, Caterina Murino enchaîne les tournages. Dans Le Grand Alibi, de Pascal Bonitzer, et Ciao Stefano, de Gianni Zanasi, elle tient aujourd’hui la vedette. La belle Sarde s’est confiée à Weekend.

Devant une énorme assiette de spaghettis arrosés d’huile d’olive, Caterina savoure la vie. Bouche charnue, formes plantureuses, taille de guêpe… le mythe de la bombe italienne. Pourtant, c’est la France qui a révélé cette actrice sarde. Remarquée en 2004 dans L’Enquête corse d’Alain Berbérian, elle a tourné, depuis, dans plus de dix films, aux côtés de Thierry Lhermitte comme de Harvey Keitel… Sans oublier son interprétation de la sensuelle Solange Dimitrios dans Casino Royale. Passionnée de tango, de gemmologie et de philosophie, Caterina, 30 ans, est la reine de la métamorphose. En France, elle pose avec les tiares de la maison Chaumet, dont elle est l’égérie. En Afrique, elle est l’ambassadrice de l’Amref, une ONG qui organise des missions sanitaires dans une douzaine de pays.

Weekend : Dans Le Grand Alibi et Ciao Stefano, actuellement à l’affiche, vous incarnez des femmes au tempérament radicalement opposé. Comment êtes-vous passée de l’une à l’autre ?

Dans le film de Pascal Bonitzer, j’interprète le rôle d’une actrice italienne, Lea Mantovani, une femme fatale très sûre d’elle-même en apparence. Les hommes tombent à ses pieds, mais, en réalité, elle vit cloîtrée dans une extrême solitude. Je me reconnais dans ce personnage : depuis le tournage du James Bond, je mène une existence frénétique. Comme Lea, je suis souvent courtisée, mais il m’est impossible d’avoir une relation stable. Je vis des passions brûlantes qui s’éteignent au bout de deux mois… Dans Ciao Stefano, je suis Nadine, une Française, ce qui est drôle car, dans mon pays, certains médias me présentent comme une Parisienne d’origine italienne… Ces rôles m’ont tous les deux fait évoluer : dans Le Grand Alibi, j’ai joué pour la première fois directement en français – aux côtés de Lambert Wilson, Valeria Bruni Tedeschi, Miou-Miou – sans devoir recourir à la postproduction : c’est une conquête immense ! Quant à Ciao Stefano, j’en connaissais le scénario au millimètre près, mais, une fois sur le plateau, le réalisateur m’a dit :  » Maintenant, tu oublies tout. » J’ai dû improviser les dialogues en direct, devant la caméra. Cela m’a forcée à prendre des risques.

La France vous a adoptée, mais qu’en est-il de votre patrie, l’Italie ?

Enfant, je rêvais de quitter la Sardaigne. Je l’ai fait à 18 ans, en pleurant. Je me sentais comme ces aiglons que décrit Grazia Deledda ( NDLR : Prix Nobel de littérature en 1926) dans Mon île. Ils sont obligés d’abandonner leur nid pour  » vivre « . Aujourd’hui, je partage mon temps entre Paris et Rome. Mais, dans mon pays, j’éprouve un malaise. L’Italie s’est endormie sur ses lauriers. Hormis quelques exceptions, il n’y a plus de création dans notre cinéma. Les réalisateurs se prennent terriblement au sérieux, alors qu’ils n’ont fait que deux films que personne ne connaît. Le berlusconisme, les paillettes et les mensonges ont fini par rendre les gens aveugles. Mais il nous reste une valeur capitale : le sens de la famille. Pour moi, c’est la base de tout !

Qu’est-ce qui vous fait vibrer en dehors du cinéma ?

Le tango. J’adore les sensations que génère cette danse. On est les yeux dans les yeux avec son partenaire. On le défie, on lui résiste et, s’il est à la hauteur, on s’abandonne… C’est un jeu perpétuel de tensions et de détentes. Ce qui me fait également vibrer, c’est la foi. Je vais à la messe tous les dimanches, où que je sois. A Paris, j’adore l’église de la Trinité, avec ses messes chantées et son orgue, servi durant soixante ans par Olivier Messiaen. Enfin, depuis trois ans, je suis l’ambassadrice d’une ONG en Afrique. C’est le plus beau, le plus grand rôle de ma vie. Les médecins de l’Amref travaillent avec les populations locales sur des programmes de santé, une mission cruciale dans des pays où les enfants, notamment, ne bénéficient d’aucun soin.

Dès que vous quittez un tournage, vous ôtez tout maquillage… Quelle est votre relation avec la beauté ?

A l’époque de Platon, la beauté était un don divin, et l’on sait que dans la Grèce antique, quand quelqu’un naissait déformé ou laid, on le jetait dans un précipice. Aujourd’hui, on est dans un autre genre de folie : on aspire à la jeunesse éternelle. C’est une idée qui me dérange profondément. En ayant recours à la chirurgie plastique, la plupart des femmes deviennent des poupées… en plastique. Pour le moment, je n’ai pas peur que mon corps et mes traits se transforment ; j’espère que les années m’aideront aussi à devenir plus sage. Pendant longtemps, j’ai mal vécu le fait d’être assez jolie : je redoutais que l’on ne m’offre un rôle que pour mon apparence. Je me suis débarrassée de cette peur en jouant une femme magnifique et totalement idiote dans Made in Italy, de Stéphane Giusti ( NDLR : sortie en août prochain). Une caricature de la belle sans cerveau. Ce personnage, à la fois ridicule et touchant, m’a permis d’exorciser mes craintes par l’humour.

Vous avez été mannequin et dauphine de Miss Italy. Etes-vous une fashion victim ?

J’aime assister aux défilés et faire du shopping, mais je ne suis pas une malade de la dernière tendance. La mode est faite d’allers et retours historiques, c’est pour cela que je ne jette jamais mes habits. Ma tenue préférée est une robe bleu Klein des années 1950. Elle appartenait à ma tante. Très échancrée dans le dos, elle est fermée devant par des petits boutons qui vont du décolleté aux genoux. Je l’ai portée pour presque tous mes castings, y compris celui de L’Enquête corse. Elle est devenue mon talisman. Sinon, je suis fidèle à Dolce & Gabbana, dont les coupes sont ultraféminines, faites pour des femmes qui, comme moi, ont des formes.

Quelle a été l’expérience la plus amusante de votre carrière ?

Rencontrer la reine d’Angleterre ! Elle a assisté à la première mondiale de Casino Royale. A la fin du film, les acteurs principaux ont été invités à la saluer. On nous a distribué des petites pastilles de menthe, à mettre sous la langue, pour que nous n’ayons pas mauvaise haleine ; puis on nous a expliqué tout le protocole sur la façon de saluer Elizabeth II, en l’appelant  » Your Majesty « . Nous n’avions pas le droit de lui adresser d’autres mots. Nous étions rangés en file indienne, avec notre petite hostie parfumée dans la bouche. La reine est arrivée, habillée en rose bonbon de la tête aux pieds. Une fois devant elle, j’ai fait la révérence, prononcé  » Majesty « , mais j’étais si troublée que je lui ai sorti malgré moi :  » Hi ! (Salut !) « … Elle a répondu par un petit sourire ironique, puis m’a complimentée sur le film.

Propos recueillis par Paola Genone

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