Entré en photographie sur le tard, Vincen Beeckman développe une attitude singulière par rapport à cette pratique qu’il considère avant tout comme le lieu d’une rencontre. Cet été, son travail sera à l’honneur dans le cadre de Summer of Photography.

Vincen sans  » t « . Un prénom d’artiste pour se cirer l’ego ? Ce n’est pas vraiment le genre de Beeckman qui, en réalité, a fait sienne une  » erreur de l’administration « . Il est comme ça Vincen, toujours à s’accommoder de ce que la vie lui réserve. La preuve ? Si le destin lui avait promis un avenir de basketteur, c’est photographe qu’il se retrouve à 43 ans. Ses amis l’ont surnommé  » le canard « , un totem qui en dit long sur son imperméabilité à la poisse et aux autres pessimismes. Il ne faudrait pas croire pour autant qu’il vit dans sa bulle. Loin de là. C’est moins une carapace qu’il s’est construit qu’un certain regard, certes détaché, qu’il jette sur le monde. Car cette vision empreinte de relativisme, il l’a forgée en allant au-devant du réel dans toutes ses nuances sociologiques. L’homme n’est pas du genre à rester dans sa tour d’ivoire, à siroter son confort à la paille. Les séries qu’il a signées en témoignent. Celles-ci sont marquées par le programme de BlowUp, un collectif de photographes actif entre 2000 et 2005 qui prônait une pratique artistique résultant de la  » simple confrontation entre un être ordinaire et les personnes, objets et espaces, croisés au fil de ses recherches et de ses expériences intimes « . On ne saurait dire mieux des images glanées, sur un long laps de temps, à La Devinière, un endroit de psychothérapie alternative. Il construit cette thématique  » sur le fil « , à savoir la folie, sans jamais donner dans le spectaculaire.  » J’aime tracer une voie du milieu, explique l’intéressé. Quand je suis confronté à un sujet banal, j’essaie de le rendre exceptionnel. En revanche, face à quelque chose d’extraordinaire, je vais essayer de l’adoucir par une approche empathique et un récit plus large, qui n’est pas centré sur le coup de force visuel.  »

De manière emblématique, Beeckman a également bossé sur un projet autour des sans-abri.  » Cela fait un an que j’ai noué des contacts avec sept ou huit d’entre eux, à la Gare Centrale à Bruxelles. Je leur donne des appareils photo jetables pour qu’ils documentent leur quotidien.  » Le résultat est à découvrir, fin juin, au musée Art & Marges dans le cadre de la biennale Summer of Photography. Il y a également Les Intimes, cette famille du Borinage fragilisée par le chômage qu’il suit pendant plusieurs mois. Le scénario ? C’est Marie et ses enfants qui décident quand Vincen débarque. A chaque fois, il y a un contrat moral avec les photographiés.  » J’ai besoin de me sentir bien par rapport aux images que je prends. Dans 80 % des cas, je les rends aux personnes dont j’ai fait le portrait. J’essaie de garder cet idéal.  »

Armé d’un simple appareil de poche argentique, un Contax, Beeckman se situe à l’opposé d’un Andres Serrano – le parallèle s’impose, le célèbre Américain exposant jusque fin août prochain des portraits de SDF aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique. La distance qui sépare leurs méthodes est énorme.  » J’ai un besoin concret d’apporter quelque chose aux personnes que je photographie et je veux connaître leur histoire… Serrano, lui, possède un réseau de  » fixers  » qui lui indiquent ceux qui sont susceptibles d’offrir la photogénie qui correspondra à sa série. Est-ce pour autant moins intéressant ? Je ne le pense pas. Il faut se méfier des lectures biaisées, Serrano et moi pourrions faire la même image et celle-ci pourrait être interprétée de façon différente « , précise celui qui avoue être mal à l’aise dans un groupe. Beeckman est un photographe du minuscule, du trivial, du proche, qu’il déniche tant dans un centre de délassement de Loverval que dans un club de cyclistes amateurs. Il n’hésite pas non plus à diriger son objectif sur des natures mortes particulières. On pense aux  » vomis  » qu’il traque dans la capitale.  » De petits astéroïdes qui parsèment la ville « , sourit-il. Anecdotique ? En tout cas, cette approche confirme une démarche selon laquelle aucune trace de notre passage sur terre ne mérite que l’on s’en détourne.

Cracks, Art & Marges musée, 314, rue Haute, à 1000 Bruxelles. www.artetmarges.be Du 24 juin au 18 septembre prochain.

PAR MICHEL VERLINDEN

 » J’AI POUR IDÉAL DE RENDRE L’IMAGE À LA PERSONNE DONT J’AI FAIT LE PORTRAIT.  »

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