C’est l’homme idéal, celui qui fait tout pour combler son entourage et coller à l’image qu’on attend de lui… au point d’enfouir ses frustrations. Dans un ouvrage, le thérapeute américain Robert A. Glover décrypte ce syndrome du chic type, une pathologie loin d’être bénigne.

On en connaît tous au moins un. Un parfait gentleman, d’apparence sans défauts, serviable, poli, pas contrariant pour un sou et toujours là quand on a besoin de lui… Mais le portrait est évidemment trop beau pour être vrai et derrière ce Prince Charmant de façade se dissimule bien souvent un individu en détresse qui, sous un vernis pimpant, en veut parfois à la terre entière tant il est agacé de toujours se plier en quatre pour autrui. Le psychologue américain Robert A. Glover s’est penché sur le cas de ces excessifs en générosité – dont il faisait d’ailleurs partie avant d’entamer son analyse -, atteints selon lui du syndrome du chic type. C’est d’ailleurs le titre qu’il a donné à son livre consacré au sujet (*) : » Pour parler techniquement, il s’agit, après lecture de l’ouvrage, d’un ensemble de traits psychologiques associant un déficit d’affirmation de soi (on a du mal à dire ce que l’on veut, ce que l’on pense, ce que l’on ressent) et une personnalité dépendante (on a un besoin maladif des autres, de leur affection, pour se sentir exister) « , résume Christophe André, qui en signe la préface. Le psychiatre français y raconte la triste histoire d’un de ses amis, Martin, jeune médecin doué et coqueluche des infirmières, heureux d’apparence, pas déprimé et prêt à tout pour satisfaire ses copains – même à moins bien jouer au tennis pour laisser son adversaire gagner – et qui, un jour, s’est suicidé sans crier gare…

Pour Robert A. Glover, ces hommes affables devant l’éternel croient en réalité à un mythe : ils estiment  » qu’en étant  » gentils « , ils seront aimés, leurs besoins seront satisfaits et ils mèneront une existence paisible « . Et c’est de là que découle leur ressentiment car, lorsque que leur tactique ne fonctionne pas, au lieu de changer de cap, ils s’acharnent, et en oublient l’essentiel : leur propre personne.

LE CÔTÉ OBSCUR

 » Au début de mon travail avec des patients souffrant du syndrome, une question revenait sans cesse : « quel mal y a-t-il à être un chic type ? » « , relate l’expert américain avant d’énumérer la multitude de défauts que présentent, en réalité, les gens atteints de cette pathologie.  » Ils sont malhonnêtes car ils camouflent leurs erreurs, disent aux autres ce que ceux-ci ont envie d’entendre. Ils donnent pour obtenir en retour et ont un tempérament passif-agressif car ils expriment leurs insatisfactions et leur rancoeur de façon indirecte, par une attitude distante, inconstante…  » Ce sont donc des  » Cocottes-Minute  » prêtes à exploser ! Par ailleurs, toujours selon le spécialiste, ces hommes à qui tout semble réussir sont souvent malheureux en couple.  » Bien qu’ils mettent très fortement l’accent sur cet aspect de leur vie, les relations amoureuses sont chez eux compliquées. Ils ont du mal à écouter ce qu’on essaie de leur dire, car ils sont trop occupés à trouver le moyen de se défendre ou de résoudre le problème de l’autre.  »

LA FAUTE À QUI ?

En réalité, ces  » soft males « , comme on les appelle outre-Atlantique, auraient, selon Christophe André,  » intériorisé la féminisation de notre société « , perdant par là même leurs repères et se tenant  » entre deux rives du fleuve, mâle et femelle, prêts à boire la tasse « . L’apparition de ces mecs abusivement charmants serait à mettre en relation avec les changements sociétaux des dernières décennies : la place du papa régulièrement critiquée – trop absent, trop autoritaire… -, le machisme rabroué, les caractères affirmés bridés…  » Pendant leur jeunesse, ces garçons ont reçu de leur famille des messages leur disant qu’il n’était pas prudent, ni souhaitable d’être soi-même « , complète le spécialiste. En parallèle, ils ont perçu, à un moment ou l’autre, le sentiment d’abandon auquel tout enfant est un jour confronté, au vu de la vie active des parents d’aujourd’hui. Les futurs chics types ont alors mis ces deux aspects en relation et en ont déduit, avec leur logique de môme, que pour ne pas être rejetés, ils devaient être ce qu’on attendait d’eux, des très (trop) gentils gamins… bien différents de leur paternel. Un réflexe de protection qui deviendra peu à peu leur prison. En parallèle, ils donneront une place prédominante à leur mère, jusqu’à l’âge adulte, où ils fréquenteront davantage de femmes que d’hommes, renforçant encore ce déficit en testostérone.

LES REMÈDES

Le docteur Glover ajoute que pour le chic type, la seule alternative à la bienveillance est la vacherie. Or, surmonter cette pathologie ne signifie pas passer d’un extrême à l’autre, avertit-il, tout en proposant dans son ouvrage des exercices pour aider les personnes atteintes à retrouver la sérénité.  » Il s’agit d’intégrer l’ensemble des caractéristiques qui définissent la masculinité pour devenir un homme vrai. Ce qui signifie prendre en compte ce qui fait de lui un être unique : pouvoir, assurance, courage et passions, mais aussi imperfections et zones d’ombre.  » Bref, cet individu trop brave devra,  » au lieu de chercher une validation extérieure et de fuir la réprobation, partir en quête de sa propre approbation « . Et dès lors, prendre soin de lui, se féliciter et passer des moments seul pour se ressourcer. Il pourra penser à parler de son malaise à un proche (ou un psy). Un travail lent mais indispensable pour lui et tous ceux qui l’aiment pour ce qu’il est.

(*) Trop gentil pour être heureux – Le syndrome du chic type, par Robert A. Glover, Payot, 258 pages.

PAR FANNY BOUVRY

 » ILS DONNENT POUR OBTENIR EN RETOUR ET ONT UN TEMPÉRAMENT PASSIF-AGRESSIF.  »

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